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et les astronomies persane et turco-mongole |
L'astronomie
des Arabes ne commence véritablement qu'après leurs invasions et leurs
conquêtes, multipliées depuis l'apparition de Mahomet.
Ils reprirent les sciences là où les avaient laissées les écoles
d'Alexandrie et d'Athènes, si brusquement
arrêtées dans leur développement.
Les premiers califes favorisèrent puissamment cette renaissance, comme l'attestent les écoles du Caire et de Bagdad, où l'on fit, en l'an 988, deux observations de solstices et d'équinoxes. Ces souverains, vicaires du Prophète, qui réunissaient entre leurs mains le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, ne dédaignaient pas d'entrer en relation avec les princes chrétiens de l'Occident. Par leurs traductions il recueillirent l'héritage de la science grecque et ensuite permirent sa transmission à l'Occident chrétien. (L'astronomie néo-latine) L'école de BagdadHaroun-al-Raschid envoya, en 807, une ambassade auprès de Charlemagne. Parmi les présents que le chef de l'islam adressait à l'empereur chrétien se trouvait une horloge qui marquait les douze heures du jour et de la nuit, et les faisait sonner au moyen de balles tombant dans un vase d'airain. C'est sous le règne de son successeur que se développa particulièrement le goût des Arabes pour les sciences.Le calife Al-Mamoun, qui régna de 814 à 833 de notre ère, stipula expressément, dans un traité de paix qu'il avait dicté à l'empereur Michel III, qu'on eût à lui fournir toutes sortes de livres grecs, et il chargea une commission spéciale de lui expédier de l'île de Chypre, occupée depuis peu par les Musulmans, tous les trésors littéraires qui s'y trouvaient amassés. Un nombre considérable de ces livres furent traduits par son ordre en arabe, et il réunissait, une fois par semaine, dans son palais de Bagdad, les hommes réputés les plus savants, pour leur faire contrôler les travaux des traducteurs. Ce grand calife fonda deux observatoires, l'un à Bagdad, l'autre à Damas. Il fit traduire l'Almageste et ordonna la révision des Tables de Ptolemée. Les instruments nécessaires à cet effet furent construits par d'habiles artistes et la Table vérifiée, dont Yahia Abou-Mansour passe pour le principal auteur, fit bientôt connaître l'ensemble des observations faites simultanément à Bagdad et à Damas. C'est aussi sous le règne d'Al-Mamoun que furent exécutées deux importantes observations concernant l'obliquité de l'écliptique. La première, faite à Bagdad, par Yahia Abou-Mansour, Send ben-Ali et Abbas ben-Saïd, donna, pour la plus grande déclinaison de l'écliptique, 23°33', suivant le rapport d'Ibn-Younis. La seconde, faite à Damas, par Khalid ben-Abdoulmelek, Aboul-Taïb et Ali-ben-Isha, surnommé l'Astrolabe, parce qu'il excellait dans la fabrication de ces instruments, donna, pour la même déclinaison, 23° 33' 52". A cet effet, les astronomes désignés employèrent un instrument de cinquante-deux pieds de longueur, preuve qu'il ne s'agissait que d'un simple gnomon. Leur observation porte, suivant Ibn-Younis, la date de l'an 233 de l'hégire. Le même calife ordonna aussi de mesurer la Terre plus exactement que ne l'avaient fait les Anciens. Dans ce but, des géomètres habiles choisirent, raconte Aboulfeda dans ses Annales, la vaste plaine de Sindjar en Mésopotamie. Là , se divisant en deux bandes, dont l'une était dirigée par Khalid ben-Abdoulmelek, et l'autre par Ali ben-Isha, ils allèrent les premiers vers le nord, les seconds vers le midi, en mesurant, chacun une coudée à la main, des lieux géométriquement alignés sur la méridienne. Ils s'écartèrent ainsi les uns des autres, suivant la même ligne, jusqu'à ce que, par l'observation de la hauteur du pôle, ils se fussent éloignés d'un degré du lieu de leur départ. Après quoi ils se réunirent, et ils trouvèrent, les uns 56 milles, les autres 56 2/3, le mille comprenant 4000 coudées. Ce n'était là , au fond, qu'une application de la méthode d'Ératosthène. La même opération a été rapportée par un autre écrivain arabe, Al-Massoudi, d'une manière tout à fait différente, en sorte qu'il est impossible d'en déduire un résultat certain. « Ce qui caractérise, dit Sédillot, l'école de Bagdad à son début, c'est l'esprit véritablement scientifique qui préside à ses travaux; marcher du connu à l'inconnu, se rendre exactement compte des phénomènes pour remonter des effets aux causes, n'admettant comme vrai que ce qui a été démontré par l'expérience, tels sont les principes enseignés par les maîtres; les Arabes étaient, au IXe siècle, en possession de cette méthode féconde qui devait être, si longtemps après, entre les mains des modernes, l'instrument de leurs plus belles découvertes. »Al-Fergani. Le premier des astronomes arabes importants, dans l'ordre chronologique, est Mohamed al Fergani, mort en 833 ou 834, dont nous verrons que les éditeurs chrétiens ont réuni l'oeuvre à celle du célèbre Albategnius. Cette oeuvre, qui est une sorte de résumé de l'Almageste, a eu le plus grand succès en Occident comme aussi sans doute en Orient. En tout cas, les manuscrits de la traduction latine qu'en fit Jean de Luna sont très nombreux (L'astronomie néo-latine). Les astronomes d'Al Mamoun avaient trouvé, pour l'obliquité de l'écliptique, une valeur sensiblement différente de celle qu'indiquait Ptolémée. Ce résultat était connu d'Al-Fergani, mais, croyant que ses compatriotes n'avaient eu à leur disposition que des instruments insuffisants, il n'en a pas conclu que cette obliquité varie avec le temps. Il se séparait de Ptolémée en ce qu'il admettait que l'apogée du Soleil n'est pas seulement soumis au mouvement diurne, mais que ce point, comme les étoiles fixes, est animé du mouvement de précession. - Les astronomes arabes qui vinrent après lui partagèrent cette croyance. - Seulement, c'est une supposition que, sans doute, Al-Fergani a empruntée aux astronomes indiens. Al-Fergani a composé encore deux traités aux instruments astronomiques. Les ouvrages de cet astronome ont eu une grande influence au Moyen âge. Nous avons dit qu'ils avaient été traduits en latin, ils le furent aussi en hébreu. Albategnius.
Il vécut dans la seconde moitié du IXe siècle, et son existence se prolongea jusqu'en 929. C'était un grand seigneur, paraît-il, car on lui a parfois donné la qualification de «-prince ». On sait peu de choses sur sa vie, si ce n'est que, ainsi qu'il convenait à sa naissance, il fut le lieutenant des califes en Syrie, qu'il était un musulman dévot, on peut du moins le présumer, car la formule si Dieu le veut revient fréquemment sous sa plume, que tantôt, il observa à Antioche, et tantôt à Aracte, ville mésopotamienne considérable, et il n'y a rien à ajouter. En ce qui concerne son oeuvre, elle a été traduite en latin au XIIe siècle par un certain Platon de Tivoli (Plato Tiburtinus) sous le titre de De scientia stellarum. Le malheur est que ce traducteur ne comprenait pas grand chose à l'astronomie, et, ce qui est plus étonnant pour un homme de cette époque, il était un fort médiocre latiniste, à en juger par son style barbare. Telle qu'elle est, sa traduction a été imprimée deux fois, en 1537 et 1645, et cette seconde édition, c'est Halley qui nous l'apprend, a été copiée sur la première au point qu'elle en a conservé toutes les fautes d'impression qui y fourmillent. Apparemment, ceux qui se chargèrent d'éditer la traduction de Platon de Tivoli, ne s'élevaient pas par la capacité au-dessus du niveau de ce dernier. On croyait que le texte original avait
disparu. Très heureusement, il n'en est rien. Il en existe un exemplaire
à la bibliothèque de l'Escurial, et, au
début du XXe
s. Nallino a publié ce texte arabe, en y joignant une traduction
latine enrichie de nombreuses notes qui nous donnent de précieux renseignements
sur l'histoire de l'astronomie grecque et arabe.
Albategnius a été surnommé le Ptolémée arabe. S'il avait pu le savoir, il en aurait été particulièrement fier, car il éprouvait une vive admiration pour l'astronome grec, dont, en somme, il s'est borné à condenser l'oeuvre, en la rectifiant sur certains points. Un des principaux mérites des Arabes est d'avoir grandement perfectionné la trigonométrie des Grecs, et, parmi eux, Albategnius s'est particulièrement distingué à ce point de vue. On lui est redevable de la très importante substitution des sinus aux cordes, Al Kindi.
Albumazar.
On attribue aussi à Albumazar un traité,
intitulé Olouf (Un millier d'années), connu en latin sous
le titre de Flores astrologiae, et réimprimé à Augsbourg
en 1488. L'auteur soutient, conformément
aux idées des astrologues greco-égyptiens, que le monde fut créé quand
les sept planètes étaient en conjonction dans le premier degré du Bélier,
et qu'il finira quand elles seront en conjonction dans le dernier degré
des Poissons. Il faut ici se rappeler que les astrologues arabes partageaient
les signes du zodiaque en quatre classes, et
leur attribuaient les propriétés des quatre éléments : le Bélier,
le Lion, le Sagittaire, composaient la trinité du feu; le Taureau, la
Vierge, le Capricorne, la trinité de la terre; les Gémeaux, la Balance,
le Vaisseau, la trinité de l'air; l'Écrevisse, le Scorpion, les Poissons,
la trinité de l'eau. Ils appelaient aduar et akuar les cycles
ou révolutions diverses qui devaient régler les actions et les événements
de la vie humaine : l'aduar comprenait 360 années solaires, et
l'akuar 120 années lunaires. Le grand art consistait dans les diverses
combinaisons des deux cycles.
Frontispice d'une traduction latine d'Albumazar. Ces idées astrologiques plaisaient beaucoup au calife Al-Mamoun, surtout celle qui avait pour objet la durée des religions entre lesquelles le monde est partagé. D'après cette idée, dont Albumazar passe pour l'auteur, la religion chrétienne devait subsister 1460 ans, tandis que la religion mahométane n'en devait durer que 544. La première aurait donc dû finir en 1460, et la seconde en 1166 de notre ère. Albumazar avait aussi composé des Tables astronomiques, fondées sur la méthode et la chronologie des Persans. A cette occasion il a soin de faire remarquer que les années des Persans ne sont pas identiques avec celles des Juifs, et qu'elles appartiennent à une ère particulière, traditionnelle. Mousa-ben-Schakir
et ses fils.
Mohammed, l'aîné des trois frères, avait dressé des Éphémérides pour les lieux des planètes, et les éléments de ses Tables servirent longtemps dans les calculs. Il eut pour disciple Thabit ben-Korrah. Thabit ben Korrah.
Ajoutons qu'appartenant à la secte des Sabéens, il s'attira des difficultés, avec ses coreligionnaires en s'abstenant de certaines pratiques. Nous n'avons à voir en lui que l'astronome. A ce point de vue, son influence en Occident a été considérable. Il eut le mérite de s'apercevoir le premier de la variation de l'obliquité de l'écliptique qu'Al-Fergani, nous l'avons vu n'avait pas osé reconnaître, par défiance de ses instruments. Depuis Ptolémée, cette obliquité avait diminué de 22 minutes. Il se montre moins avancé qu'AI-Battani
sur la question de la précession des équinoxes. Comme les anciens astronomes
de l'Inde, il donne au point équinoxial une sorte de mouvement pendulaire
autour d'une position moyenne, c'est le mouvement d'accès et de recès
que l'on rencontre chez plusieurs autres auteurs; d'ailleurs, plus sensé
que ses prédécesseurs, il admettait que ce mouvement n'était pas uniforme,
qu'il diminuait de vitesse avant de s'arrêter et de changer de sens.
« J'ai observé, rapporte l'un des frères (Aboul-HassanAli) plusieurs fois (en 918 de J. C.) Mars comparativement avec Sirius, après avoir bien déterminé la position de l'étoile errante. Le lieu observé était également, plus petit que le lieu des Éphémérides, d'un degré et un quart ou d'un degré et un tiers environ. Sa vitesse journalière était aussi différente et plus petite dans les Ephémérides que sa vitesse observée. Mars avait alors un mouvement direct. » L'école du CaireAl-Hakem, sultan d'Égypte (de 990 à 1021), fit construire, vers l'an 996, un observatoire au Caire, d'où sortirent, entre autres, les Tables Hakémites. Parmi les astronomes qui contribuèrent à la confection de ces tables, nous citerons, en première ligne, Aboul-Wefa et Ibn-Younis.Alboul-Wéfa.
Dans cet ouvrage, l'auteur commence par perfectionner notablement la trigonométrie; c'est à lui qu'on doit d'avoir introduit dans cette science les tangentes et cotangentes, dont il a calculé des tables, et même les sécantes et les cosécantes. On a fait, à tort, honneur à Regiomontanus de découvertes réellement dues à Aboul- Wéfa. Les ouvrages de celui-ci se trouvaient pourtant dans les bibliothèques européennes, mais personne ne les y lisait. Ce n'est guère que vers le commencement du XIXe siècle que Sédillot (1775-1832), à la fois orientaliste et mathématicien, nous fit connaître les astronomes arabes, et, en particulier, Aboul-Wefa. Comme observateur, celui-ci se fit remarquer en signalant une troisième inégalité de la Lune, celle que Tycho Brahé croyant la découvrir, a désignée sous le nom de variation. Les travaux d'Aboul-Wefa sur la Lune ont soulevé de vives polémiques, vers 1871, entre Chasles et Bertrand. Ebn-Jounis (Ibn
Younis).
Son principal ouvrage est la Table Hakémite, qu'il dédia au calife Hakem, tyran abominable, mais fort dévot et qui encourageait l'astronomie qu'il jugeait nécessaire à la pratique rigoureuse des devoirs de piété, comme pouvant faire connaître l'heure précise des prières, les jours de jeûne, le moyen de se tourner vers la Mecque, etc. L'ouvrage d'Ibn Younis est encore un de ceux que Sédillot nous a fait connaître. Alhazen.
La réforme du
calendrier.
Ecoles arabes d'occident (Maroc et Espagne)On n'a que des renseignements fort incomplets sur l'état jadis si florissant des écoles de l'Espagne et de l'Afrique occidentale. Cordoue, Séville, Grenade, Tolède, etc., possédaient de riches bibliothèques, ainsi que des académies où les mathématiques et l'astronomie étaient enseignées. Mais les noms des maîtres de la science, juifs ou musulmans, nous sont presque aussi inconnus que leurs oeuvres. Seuls Arzachel, Geber, Averroès, Maïmonide ont échappé à l'oubli, et encore les deux derniers ne se sont-ils intéressés à l'astronomie que marginalement. Dans le même temps, la partie occidentale du nord de l'Afrique ne resta pas inactive : Ceuta et Tanger, Fès et Maroc, rivalisaient d'ardeur avec Tolède, Cordoue, Séville et Grenade. Mais parmi les nombreux professeurs des écoles africaines, peu de noms nous sont restés, en dehors de ceux d'al-Bitrogi et d'Aboul Hassan.Arzachel.
Geber (l'astronome).
Averroès.
Il avait vu, paraît-il, Mercure passer sur le Soleil, mais il est à croire qu'il n'y avait là qu'une tache visible à l'oeil nu, ce qui arrive quelquefois. Moïse Maïmonide
(1139-1208).
AI-Bitrogi.
Parmi les précurseurs d'Al-Bitrogi qu'on trouve chez les Grecs, notamment parmi les stoïciens, nous nommerons l'adversaire d'Aristarque, Cléanthe. On peut encore citer Cleomède, qui nous a transmis des détails sur les travaux géodésiques d'Eratosthène. De même, Chalcidius, le commentateur du Timée. Quoi qu'il en soit, l'ouvrage d'AI-Bitrogi (qui peut-être a été un simple plagiaire) devait, jusqu'au temps de Copernic inspirer les adversaires de Ptolémée. Son principal mérite est d'avoir facilité l'acceptation du système du monde héliocentrique. Aboul-Hassan.
Astronomie persane et turco-mongoleCe ne fut pas un événement sans importance que la substitution des Turcs, aux Arabes dans l'hégémonie du monde musulman. Par bonheur, parmi les souverains du peuple victorieux, il s'en trouva un certain nombre qui tinrent à honneur de marcher sur les traces scientifiques des vaincus.Vers le milieu de notre XIIIe
siècle, Houlagou, petit-fils de
Gengis Khan, et khan des Mongols,
régnait en Perse. En 1259
de notre ère, il fit construire un observatoire à Méragah, au voisinage
de Tauris. Il y attacha des astronomes, choisis parmi les plus distingués
de l'Orient et leur assigna de gros traitements. Quant à leurs instruments
d'observation, ces astronomes disposaient, paraît-il, d'un quart de cercle
mural, de quarts de cercles mobiles analogues à ceux dont fit usage Tycho
Brahé, trois siècles et demi plus tard, Houlagou les avait en outre chargés
de rassembler en Egypte, en Syrie et en Babylonie tous les livres d'où
l'on pouvait tirer des renseignements propres à la composition de nouvelles
tables astronomiques.
Figure extraite d'un manuscrit astronomique persan où sont décrits les instruments utilisés à Meraghah. Nassir-Eddin Thoussi
(ou al-Tusi).
Shah Cholgui.
Ibn-Shathir.
Ulugh Beg.
Ulugh-Beg observait lui-même, et il a construit un catalogue qui donne les positions de 1018 étoiles. Ensuite les astronomes Djijath-Eddin Djimschid, Cadizede-Rumaeus et Alkush-dji, travaillèrent successivement aux Tables qui portent le nom d'Ulugh-Beg, dont on s'est servi longtemps et qui étaient même préférées aux Tables Ilkhaniennes de Nassir-Eddin. Une partie de ses oeuvres ont été mises à la portée des Occidentaux par l'Anglais John Greaves et par Sédillot. Flamsteed a réuni plusieurs catalogues anciens, dont celui d'Ulugh-Beg au sien propre, dans son Historia coelestis britannica. La Société Royale Astronomique de Londres en a donné une autre édition en 1843. La fin d'Ulugh-Beg fut tragique; son fils aîné, dont le nom était Abdallatif, le détrôna et le fit mettre à mort en 1449. Avec lui se termine la période des travaux astronomiques et mathématiques de l'Orient musulman (E. Doublet). |
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