| Sarasvatî est une une des grandes déesses (Shakti) du panthéon hindou. Elle est en même temps la fille et l'épouse de Brahmâ. D'après les mythes indiens, lorsque Brahmâ eut créé les mondes, son coeur brûla d'un amour incestueux, et sa propre fille devint l'objet de sa passion. II l'obséda de ses poursuites, dont elle avait horreur et auxquelles elle essayait vainement de se soustraire. De quelque côté qu'elle prenait la fuite, il poussait à Brahmâ une nouvelle tête, dont les regards pénétrants la suivaient dans sa retraite. Lorsque ces têtes furent au nombre de quatre, tournées chacune vers un des points cardinaux, Sarasvatî, ne trouvant plus autour d'elle aucun lieu qui pût lui servir de refuge, tenta de s'envoler dans les cieux. Mais, dans cet asile encore, elle ne put se soustraire aux regards de son père, car une cinquième tête s'était élancée au-dessus des autres. C'est alors que les dieux, indignés de sa lubricité, lui tranchèrent cette dernière tête , lui infligèrent les peines que nous avons décrites à l'article Brahmâ, et le condamnèrent à n'avoir sur la terre ni temple particulier ni adorateurs. D'autres mythes disent que Sarasvatî était la soeur de ce dieu, et qu'elle devint son épouse; elle aurait ainsi une grande analogie avec l'Héra des Grecs. Sarasvatî est communément considérée comme la déesse de l'éloquence et des beaux-arts. Dans les Védas, elle est la déesse des eaux et de la parole; elle y est considérée comme la protectrice des humains qui sacrifient, comme la déesse de la fécondité, la source intarissable des biens, la dispensatrice de toutes les choses excellentes. On l'invoquait au moment de la naissance de l'enfant. Elle présidait au courant des fleuves et des rivières; et c'est pour cela qu'on a donné son nom à une rivière de l'Hindoustan, qui descend des montagnes qui bordent au nord-est la province de Delhi, d'où elle prend sa direction vers le sud-ouest, et se perd au milieu des sables du grand désert, dans la contrée de Bhatti. Suivant les Hindous, cette rivière continue son cours par-dessous terre, et va se réunir au Gange, près d'Allahabad, avec la Yamunâ. La Sarasvatî porte aujourd'hui le nom de Sarsouti. C'était, disait-on, la déesse Sarasvatî descendue sur la terre. Un jour qu'elle traversait ce pays, un livre à la main, elle entra, sans y prendre garde, dans le désert, où elle fut assaillie par des ennemis terribles, aux outrages desquels elle se déroba en s'enfonçant sous terre, pour reparaître ensuite à Prayâga. Sarasvatî est encore, sous le nom de Brahmani, une des huit Mâtris, ou premières mères de la terre, femmes des grands Vashous (Vaçous), gouverneurs des huit régions du monde. On la représente sous la forme d'une femme de couleur blanche, assise sur une fleur de lotus, et jouant du Vînâ ou luth indien; souvent elle est portée sur l'oiseau appelé Hansa, qui est l'oie. Quelquefois cette déesse est représentée par une plume, un encrier et un livre; on lui attribue l'invention de la langue sanscrite et de l'alphabet dévanagari. On fait dériver son nom du sanscrit Saras = lac, courant d'eau, et Vati qui marque la possession, c'est-à-dire celle qui possède ou qui forme les lacs, les courants; ce qui rappelle la fonction de déesse des eaux qui lui est attribuée par les Védas. Mais cette étymologie pourrait avoir été forgée après coup. (A. Bertrand). | |