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Cimetière des Saints Innocents, à Paris (Ier arrondissement). - Cet ancien cimetière, jouxtait l'église des Saints-Innocents, au centre de Paris, dans ce qui allait devenir le quartier des halles. Son origine remontait à la plus haute antiquité. On sait que les premiers chrétiens, à l'exemple des Romains, n'ensevelissaient pas leurs morts dans les villes. Ils élevaient les tombeaux au milieu des champs, ou sur le bord des grandes routes. Les rois, les princes, les grands de l'Église, avaient seuls le privilège d'être inhumés dans la crypte des basiliques. Le cimetière des Innocents, réservé ensuite aux seuls paroissiens de l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, servit plus tard aux autres paroisses qui furent séparées de cette église. Après l'établissement des halles, ce cimetière fut perpétuellement traversé pendant le jour par une population commerçante. Les animaux séjournaient dans la partie la moins fréquentée et déterraient les cadavres; les voleurs s'y cachaient la nuit et pillaient les imprudents qui s'y risquaient. Philippe-Auguste, en 1186 (ou 1188?), fit cesser le scandale et entoura le cimetière d'une clôture en pierre. Dans la suite on construisit autour de cette muraille une galerie voûtée appelée les Charniers, où les ossements étaient entassés dans les « greniers » pour faire place à de nouvelles inhumations, et qui abritaient aussi des monuments funéraires 

C'est dans les charniers qu'on enterrait ceux que la fortune séparait encore du commun des morts. Cette galerie, sombre, humide, malsaine, servait de passage aux piétons; elle était pavée de tombeaux, tapissée de monuments funèbres et bordée d'étroites boutiques de mode, de lingerie, de mercerie et de bureaux d'écrivains publics. Elle avait été, construite par le maréchal de Boucicaut et Nicolas Flamel. Cette galerie occupait une partie de la largeur actuelle de la rue de la Ferronnerie, et de ce côté était peinte la fameuse Danse macabre ou Danse des morts. Cette danse offrait une série de tableaux représentant la mort qui frappe indifféremment toutes les classes de la société, et qui entraîne avec elle dans son branle terrible tous les âges et toutes les conditions. C'était sans doute une consolation pour l'homme du peuple, accablé de souffrances et de misère, de voir ce grand niveleur jeter au favori de la fortune ces leçons ironiques et de sentir qu'il exposait aux grands de la terre l'avertissement de leur commune destinée.

On a dit que ce ne fut pas la peinture qui la première conçut la pensée d'une danse bizarre dans laquelle la mort se faisait successivement la partenaire de tout être humain, elle n'aurait fait en cela que reproduire des mascarades en usage au XIVe siècle. Selon certains auteurs, la peinture de la danse macabre était une traduction fidèle représentant par des images les poèmes d'un troubadour appelé Macabrus, dont le nom serait ainsi resté à ses inventions fantastiques. L'immense mortalité qui désola les XIVe et XVe siècles  (Les pestes au Moyen âge) développa sans doute cette idée du poète qui fut accueillie par le peuple, dont elle caressait si agréablement les aspirations à l'égalité absolue. 

Ces compositions, qui dans le principe n'avaient été destinées qu'à la décoration des lieux funèbres, ne tardèrent pas à prendre une telle extension, qu'on les retrouva bientôt dans les marchés, dans tous les lieux publics les plus fréquentés et jusque dans les palais des rois. La miniature les reproduisit sur. les marges des heures et des missels, et au XVIe siècle, elles ornaient les gardes des épées et les fourreaux des poignards. Sur les tombes qui tapissaient les charniers des Innocents, on lisait plusieurs épitaphes; on remarquait celle-ci :

Cy gist Yollande Bailly, 
Qui trépassa l'an 1514, la 82° année de son âge
Et la 42° de son veuvage laquelle a vu ou a pu voir 
Deux cent quatre-vingt-treize enfants issus d'elle.
Parmi les morts illustres enterrés dans le cimetière ou dans ces charniers, on distinguait les tombes de Pernelle, la femme de Nicolas Flamel, de Jean le Boullanger, premier président au parlement; Nicolas le Fèvre, habile critique, et François Eudes de Mézerai, célèbre historiographe de France.

Les mendiants et les voleurs profanaient ou pillaient les tombeaux : 

« les guénaulx des Saints-Innocents, dit Rabelais, se chauffent des ossements des morts ». 
Vingt-cinq générations s'y entassèrent. Dès le milieu du XVe siècle, c'était un foyer d'infection : mais ni les préjugés populaires, ni surtout la nature des institutions féodales et ecclésiastiques fixées au sol ne permettaient alors à Paris de grandes améliorations. C'est seulement sous Louis XVI, à la suite d'accidents mortels dans les caves avoisinantes et grâce à l'initiative de la police et du parlement (5 décembre 1780) qu'un arrêt du conseil (7 novembre 1783) prescrivit la destruction de l'église des Innocents et la désaffectation du cimetière. Voici l'arrêt qui fut prononcé en cette occasion  :
« Le roy s'étant fait représenter en son conseil le plan des halles de la ville de Paris, sa majesté a reconnu que malgré les changements et démolitions par elle précédemment ordonnés, pour en augmenter l'étendue, le terrain sur lequel elles sont situées ne présente pas encore un espace suffisant pour y placer le marché aux herbes et légumes qui se déposent journellement dans les rues adjacentes, notamment dans les rues Saint-Denis et de la Ferronnerie où elles occasionnent un engagement considérable et quelquefois dangereux; sa majesté, toujours attentive à ce qui peut être utile aux habitants de sa bonne ville de Paris, a déterminé de transférer le marché aux herbes et légumes dans le terrain connu sous le nom de cimetière des Saints-Innocents, déclaré domanial par arrêt du 25 octobre 1785. Ce terrain a paru d'autant plus convenable à cette destination, que se trouvant à la proximité des halles dont il formera la continuation, il procurera aux habitants l'avantage de trouver réunies dans un même arrondissement, les denrées nécessaires à leur consommation. A quoi voulant pourveoir; ouï le rapport. Le roy étant en son conseil, a ordonné et ordonne que le marché aux herbes et légumes qui se tient actuellement tous les matins dans les rues Saint-Denis et de la Féronnerie et autres adjacentes, sera transféré et établi sur le terrain qui formait ci-devant le cimetière des Saints-Innocents; après néanmoins que toutes les formalités et conditions prescrites par les lois canoniques et civiles; pour autoriser sa nouvelle destination, auront été remplies et que le dit terrain aura été disposé conformément aux plans qui ont été adoptés pour que le d. marché y soit établi de la manière la plus commode pour le public. Signé Hue de Miroménil et de Calonne. » (Archives du royaume, section administrative, registre E, n° 2613).
Les savants Fourcroy et Thouret présidèrent à l'enlèvement des os et des terres putréfiées qui furent transportés dans les anciennes carrières du Sud (Catacombes). L'emplacement vacant fut transformé en marché aux fruits et aux légumes. Beaucoup d'antiquités qu'il eût été facile de conserver furent alors sacrifiées (chapelle d'Orgemont, tour Notre-Dame des Bois, croix de Gâtine, etc.). Toutefois, la fontaine construite en 1550 par Pierre Lescot, décorée par Jean Goujon et qui était primitivement adossée à l'angle méridional de la rue aux Fers, fut reconstruite de toutes pièces au milieu du marché, et prit la forme d'un pavillon carré, à quatre arcades ouvertes (Fontaine des Innocents) : Antoine Pajou compléta très heureusement la quatrième façade par trois nouvelles naïades, qui ne jurent pas avec l'ensemble. Toutes les constructions hideuses disparurent pour faire place à un établissement d'une grande utilité publique, le sol fut renouvelé, exhaussé, pavé. En 1813, on construisit autour de ce marché des galeries en bois où les marchands étaient abrités. Le matin on vendait en gros les denrées qui étaient débitées en détail dans le cours de la journée. Le marché des Innocents fut cédé à la ville de Paris, en vertu d'un décret impérial du 30 janvier 1811. Il fut réuni aux Halles centrales en 1860. (F. et L. Lazare).
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Dictionnaire Villes et monuments
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