| On nommait entrées les réceptions solennelles faites aux rois et aux reines lorsqu'ils entraient pour la première fois dans une de leurs villes ou lorsqu'ils y revenaient dans quelque circonstance exceptionnelle, et spécialement après une guerre heureuse. Ces réceptions ont été partout et de tout temps l'occasion de toutes sortes de cérémonies où l'on déploya un luxe extraordinaire et un prétexte à réjouissances publiques, mais c'est surtout en France que ces fêtes royales étaient célébrées avec le plus d'éclat. A Paris, les souverains faisaient ordinairement leur entrée par la porte Saint-Denis. Les rues que devait traverser le cortège étaient jonchées de feuillages et de fleurs, tendues de tapisseries, couvertes souvent de riches tentures, jalonnées d'arcs de triomphe, de jets d'eau, de fontaines d'où souvent coulaient des boissons variées; de loin en loin s'élevaient des estrades avec toutes sortes de scènes et de spectacles. Les députés des six corps des marchands avaient le privilège de porter le dais, et les membres des corporations escortaient à cheval le souverain qui était reçu et harangué par le prévôt des marchands. Les historiens du temps nous ont laissé de nombreuses relations de ces cérémonies fastueuses; souvent, pour en conserver la mémoire, les villes les faisaient reproduire par des artistes, peintres et miniaturistes, et plus tard par des graveurs. Les tableaux, dessins, estampes, qui reproduisent les diverses cérémonies des entrées royales ou princières, forment une importante et curieuse série d'oeuvres d'art; les relations d'entrées qui ont été publiées, souvent avec le plus grand luxe et accompagnées de gravures, forment toute une bibliothèque et sont fort recherchées des bibliophiles. A la fin du XIXe siècle encore, les artistes s'inspireront souvent de ces relations pour composer des tableaux. L'entrée de Louis XI à Paris le 30 août 1461, l'une des plus magnifiques dont l'histoire ait gardé le souvenir, a fourni à Francis Tattegrain le sujet d'une vaste composition fort remarquée au Salon de 1892. - L'Entrée de Louis XI, par F. Tattegrain. La joyeuse entrée. Lorsqu'un roi faisait sa première entrée dans certaines églises, il disposait d'un canonicat, et c'était ce que l'on nommait le droit de joyeuse entrée. Les rois de France exerçaienyt ordinairement ce privilège de la manière suivante : quand un roi faisait sa première entrée dans une de ces églises, les chanoines lui présentaient l'aumusse; il la prenait et la remettait à un ecclésiastique, qui se trouvait ainsi désigné pour le premier canonicat qui vaquerait. Ce privilège ne doit pas être confondu avec le brevet de joyeux avènement; il était plus ancien et d'une application beaucoup plus restreinte. On controversait la question de savoir si les églises sujettes au droit de joyeuse entrée étaient encore soumises à ce droit, après avoir satisfait au joyeux avènement (Mémoires du clergé, t. XI, p. 223). L'entrée d un archevêque ou d''un évêque dans sa ville épiscopale était aussi l'occasion d'un jour de fête et de réjouissances publiques. Grandes et petites entrées. On désignait sous l'Anccien régime Grandes et petites entrées les privilèges accordés à certaines personnes d'entrer chez le roi à des heures ou dans des circonstances déterminées. On distinguait sous Louis XIV, qui régla l'étiquette : 1° les « entrées familières » réservées aux personnes désignées par le roi, qui pénétraient dans sa chambre dès qu'il était éveillé, en même temps que les garçons de chambre et les valets de chambre de service; 2° les « grandes entrées », que le roi, encore au lit, faisait appeler ensuite par le premier valet de chambre; en jouissaient : les enfants du roi, la plupart des princes du sang, les personnes à qui ce privilège avait été nominativement accordé, et certains officiers de la couronne ou de la chambre, le grand chambellan, les premiers gentilshommes de la chambre; le grand maître et les maîtres de la garde-robe; les quatre premiers valets de chambre, le premier médecin et le premier chirurgien, un certain nombre d'officiers de la garde-robe de service; 3° les « premières entrées »; lorsque le roi était levé et en robe de chambre, le premier gentilhomme de la chambre disait au garçon de chambre de laisser pénétrer les premières entrées; c'étaient les lecteurs, les intendants de menus plaisirs, certains officiers de garde-robe hors de quartier et quelques personnes choisies; lorsque les Bourbons occupèrent les trônes d'Espagne et des Deux-Siciles, les ambassadeurs de ces deux Etats eurent de droit les premières entrées; 4° le roi, étant chaussé, demandait que les huissiers de la chambre fissent entrer les « entrées de la chambre », c. -à-d. tous les officiers de la chambre hors de service et certaines personnes privilégiées; 5° quand le roi s'était lavé les mains, le premier gentilhomme de la chambre laissait entrer les personnes qu'il voulait; l'huissier venait, à cet effet, lui dire tout bas les noms des personnes qui attendaient; 6° quand le roi avait passé sa chemise, les huissiers laissaient entrer tous les gens connus à la cour. On suivait l'ordre inverse pour faire retirer les courtisans quand le roi se couchait. Il peut paraître bizarre qu'un si grand nombre de personnes fussent admises, avec des règles si minutieuses de hiérarchie, à assister au lever et au coucher du roi, mais sa toilette était sommaire. C'était le moment choisi par les courtisans pour parler au roi. Il y avait encore : l'entrée du cabinet chez le roi, l'entrée au botté et au débotté. Il y avait encore des règles spéciales pour les jours où le roi avait pris médecine. Les entrées chez la reine et chez les princes étaient aussi fiés minutieusement réglementées. Toute la vie du roi se passait ainsi en public; il était lui-même soumis à l'étiquette, et maître seulement d'en modifier les règles sans pouvoir les remplacer jamais par des usages moins incommodes. (L. Del). | |