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Les banquets maçonniques
Le banquet symbolique tient une large place dans les rituels de la franc-maçonnerie. En Angleterre et aux Etats-Unis, le banquet maçonnique a acquis graduellement une importance telle, qu'il est devenu la raison d'être presque exclusive de l'Ordre lui-même. En France, le rôle des agapes emblématiques est fort modeste. Il en est de même en Allemagne, en Suisse, en Italie et en Espagne. L'origine du banquet maçonnique échappe aux investigations des historiens. La grande Encyclopédie maçonnique espagnole estime, d'après le savant écrivain maçonnique anglais Hugues, que les premières réunions des enfants d'Hiram ont eu lieu dans des cénacles. La maçonnerie aurait en des débuts analogues à ceux du christianisme. Des agapes réunissaient les adeptes qui cimentaient leurs serments en vidant des coupes emblématiques. Dans les cultes anciens, les banquets avaient une haute signification et figuraient parmi les cérémonies essentielles. La maçonnerie, qu'on assimile, non sans raison, aux mystères, a perpétué l'usage des agapes. Elle y a introduit graduellement des formes symboliques en harmonie avec les changements du rite maçonnique. Aujourd'hui, les banquets en usage dans la maçonnerie sont soumis à un rituel lui varie suivant les grades et les rites. Néanmoins, les dispositions fondamentales sont les mêmes partout. Voici d'abord les usages de table communs à tous les rites. 

Le principe de fraternité qui régit l'Ordre maçonnique veut que les banquets se tiennent au grade d'apprenti, afin que tous les maçons puissent y être admis. Les banquets, tenus aux grades supérieurs, sont fort rares. Au grade d'apprenti, le banquet ne comporte qu'une seule table, disposée en fer-à-cheval. Les frères prennent place dans le pourtour extérieur du fer-à-cheval. Le pourtour intérieur reste libre. Dans le rite écossais, le maître des cérémonies et les diacres se placent dans l'intérieur du fer-à-cheval, en face du vénérable. Toutefois, cette règle n'est pas absolue. Quand les frères sont nombreux et que l'exiguïté du local en fait une loi, l'intérieur se trouve rempli. Les places sont distribuées comme en loge. Le vénérable occupe le milieu extérieur de la table; aux deux extrémités se placent le premier et le second surveillant. Le vénérable conduit les travaux. Les surveillants et le maître des cérémonies reçoivent ses ordres et les transmettent aux convives. Les santés sont commandées et ordonnées par le vénérable, qui peut cependant déléguer le commandement des armes, dans les santés, à quelques-uns des officiers, en même à de simples apprentis. Sur la table, la vaisselle, les verres, les couteaux, etc., doivent être rangés en lignes parallèles. Dans quelques loges, on dessine sur la nappe des cordons de couleur pour mieux observer les alignements. La première ligne, partant de l'intérieur, est pour les plats; la deuxième est pour les bouteilles et les carafes; la troisième est celle des verres et la quatrième celle des assiettes.

Les ustensiles de table ont des noms symboliques qui varient avec les degrés et les rites. Voici la nomenclature la plus généralement adoptée. La table se nomme Plateforme; la nappe, Voile; la serviette, Drapeau; le plat, Plateau; l'assiette, Tuile; la cuillère, Truelle; la fourchette, Pioche; le couteau, Glaive; la bouteille ou carafe, Barrique; le verre, Canon; les lumières, Etoiles; les mouchettes, Pinces; les chaises, Stalles; les mets en général; Matériaux; le pain, Pierre brute; le vin, Poudre forte, rouge ou blanche; l'eau, Poudre faible; le cidre ou la bière, Poudre jaune; les liqueurs, Poudre fulminante; le sel, Sable; le poivre, Ciment ou sable jaune. Manger, c'est Mastiquer; boire, c'est Tirer une canonnée; découper, c'est Dégrossir.

Cette terminologie offre de nombreuses variantes, notamment dans la maçonnerie d'adoption (régime français). Ici, la table se nomme Atelier; la serviette, Tablier; les assiettes, Patères; les plats, Auges; la cuillère, Truelle; la fourchette, Pince; le couteau, Glaive; la bouteille, Jane; la carafe, Cruche; le verre, Lampe; boire, c'est souffler une lampe; le pain s'appelle Manne ou Pierre blanche; le vin, Huile rouge ou blanche; l'eau, Huile faible; le vin de liqueur, Huile forte; la liqueur, Huile fulminante; le sel, Eau sèche.
Les santés réglementaires sont au nombre de sept. Ce chiffre a été réduit à cinq par divers rites peu soucieux de l'antique symbolisme. Il y a d'abord la santé du chef de l'Etat, qui est suivie des santés que voici : celle du grand-maître ou de la puissance suprême de l'ordre; celle du vénérable de la loge; celle des deux surveillants; celle des visiteurs; celle des officiers de la loge : on y joint celles des nouveaux initiés ou affiliés, lorsqu'il y en a; enfin, celle de tous les maçons répandus sur la surface du globe. Entre la sixième et la septième, on intercale toutes les santés que l'on juge à propos d'ajouter. Les trois premières santés, ainsi que la dernière, se tirent debout; à celle-ci, les frères servants sont appelés pour former, avec tous les frères, la Chaîne d'union.

Le chiffre de sept, fixé pour les toasts maçonniques, a une raison d'étre symbolique. Il rappelle les sept libations que faisaient les initiés perses, égyptiens et grecs, en l'honneur des sept planètes dont les jours de la semaine portent les noms. La première, libation était offerte, au Soleil, flambeau du monde, qui symbolise le chef de l'Etat. La deuxième était offerte à la Lune, astre des nuits et des mystères, quia pour correspondant dans l'ordre le grand-maître. La troisième était consacrée à Mars qui présidait également aux conseils et aux combats, et qui figure le vénérable. La quatrième était celle de Mercure (Anubis chez les Egyptiens), la personnification de la surveillance. La cinquième était offerte à Jupiter, dieu de l'hospitalité; elle est consacrée aux visiteurs. La sixième était celle de Vénus, déesse de la génération; elle est celle des nouveaux initiés, récemment engendrés dans l'ordre. Enfin, la septième libation était offerte à Saturne, dieu des temps, image de l'immensité. Elle est portée à l'universalité des maçons. Les convives forment un cercle. Les servants viennent s'y mêler, en souvenir des saturnales, où les esclaves partageaient les plaisirs de leurs maîtres.

Les santés se tirent de la manière suivante :

1° Le vénérable ordonne de charger les canons (remplir les verres) et de tout aligner. 

2° Il prévient que l'on portera la santé debout ou assis. 

3° Quand tout est disposé, un coup de maillet fait lever tous les frères; ils mettent le drapeau sous le bras gauche et se tiennent à l'ordre. 

4° Le vénérable annonce la santé que l'on va tirer, et, s'il ne commande pas lui-même les mouvements, il désigne le frère qui en .sera chargé. 

3° Il commande l'exercice comme il suit : La main droite au glaive! - Haut le glaive! - Salut du glaive ! - Passons le glaive à la main gauche ! - La main droite aux armes! - Haut les armes! - En joue! - Feu! (On boit en trois temps; celui-ci est le premier) - Bon feu! (second temps) - Le plus fin de tous les feux ! (troisième temps) - L'arme au repos - En avant les armes! - Signalons nos armes! - Une, deux, trois ! (Trois fois). 

A ces mots, tous les frères décrivent par trois fois, avec le verre, un triangle, dont la base est sur la poitrine et le sommet en avant. Au commandement de : Un, deux, trois! on descend graduellement le verre, et au mot trois, on le pose sur la table avec ensemble, de manière à ne faire entendre qu'un seul coup. Ensuite, on fait avec les mains la batterie d'acclamation. Lorsqu'il y a lieu, le maître des cérémonies, faisant fonction d'ambassadeur, répond à la santé. Le vénérable suspend ensuite les travaux de table, et l'on reprend les occupations du banquet. Il est d'usage de mettre l'atelier en récréation pendant l'intervalle des santés et de laisser aux frères la liberté de parler; mais au premier coup de maillet, tous doivent faire le plus grand silence, se mettre à l'ordre de table et prêter attention à ce qui va être dit ou ordonné. 

L'Ordre de table consiste à tenir la main droite à l'ordre d'apprenti, poser la gauche à plat sur la table, les doigts réunis, le pouce écarté longeant le bord de la table pour former l'équerre. Détail important. Lorsqu'un frère commet une faute, il est condamné par le vénérable à tirer une canonnée de poudre faible (à boire un verre d'eau), et l'instrument du supplice lui est présenté, entre les deux colonnes, par le maître des cérémonies. Le symbolisme maçonnique établit un parallèle entre cet usage et un trait bien connu de la mythologie grecque. Les dieux qui se parjuraient, après avoir juré par le Styx, étaient condamnés à boire une coupe de cette eau empoisonnée.
Il est d'usage de chanter des hymnes symboliques dans les banquets de la maçonnerie. Les plus connus d'entre ces cantiques sont la Chanson d'union, qui couronne les agapes symboliques en Angleterre. On en trouve une traduction fidèle dans la Lyre maçonnique. Le chant de l'hymne symbolique est le signal de la fin du banquet. Un baiser fraternel clôt les agapes.

Parmi les variantes les plus remarquables du rite symbolique, il importe de signaler les suivantes. Dans les grades chapitraux, il y a le banquet des élus, correspondant à la même cérémonie de l'Elu des quinze, du rite écossais (10e degré). Ici, les verres sont nommés urnes et les couteaux, poignards. Le commandement des santés se distingue par cet ordre : « Plongeons le poignard dans l'urne! » Ce mouvement s'exécute par trois fois au cri de Nekam, terme hébraïque qui n'a pas de signification bien déterminée., Dans le banquet des grands élus écossais, les verres sont nommés coupes. La coupe, aux divers commandements, est manoeuvrée de manière à former la croix de Saint-André, X.

Le banquet des chevaliers d'Orient se distingue par un apparat militaire qui lui est propre. Les chevaliers d'Orient travaillent d'une main et combattent de l'autre. C'est dire qu'ils ne se séparent pas du couteau. Les particularités du banquet des souverains princes, rose-croix, sont intéressantes à rappeler. Ici, l'on donne à la table la forme d'une croix grecque. L'ensemble des usages rappelle les réfectoires mystiques. Les verres sont nommés calices; la table est un autel. Je citerai, enfin, le banquet des chevaliers d'Orient et d'Occident. La fin des toasts est marquée par un battement général du pied sur le parquet. La salle offre un aspect emblématique spécial. On y remarque le chandelier à sept branches sous un dais d'azur rond; de chaque côté, la lune et le soleil ; sous le chandelier, la couronné boréale; dessous, un homme nu, les bras ouverts, les pieds sur l'intérieur d'un croissant. Les banquets maçonniques ont acquis en Amérique une importance telle qu'ils ont fini par effacer les tenues de loge. L'abus a provoqué, de vives critiques. On est allé si loin dans la réaction que plusieurs obédiences ont interdit l'usage des boissons alcooliques dans les agapes de l'Ordre. (Félix Vertan, 1900).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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