| Les collecteurs de la Bible hébraïque ont opéré dans le grand ouvrage historique qui menait les destinées d'Israël de l'occupation du Chanaan à la destruction du royaume de Juda, des divisions; c'est ainsi que les Juges, le premier et le second Livre de Samuel, le premier et le second Livre des Rois, ne sont que les chapitres d'un même écrit. Le nom de Samuel se justifie par la place faite au personnage de ce nom, tandis que la Vulgate, à l'exemple des Septante, a préféré l'appellation de 1 et 2 Rois, à raison des personnages de Saül et de David, les deux premiers rois d'Israël, dont l'histoire est ici également relatée. Les ch. I à XII de 1 Samuel traitent du prophète Samuel. Le jeune Samuel, d'origine éphraïmite, accordé à ses parents par la divinité après une longue attente, est consacré à Yahvéh (Jéhovah) et attaché au sacerdoce du sanctuaire de Silo, présidé par le prêtre Hélis qui avait également la dignité de « juge ». Samuel annonce les désastres qui seront le châtiment des crimes commis par les fils du grand-prêtre dans l'accomplissement des fonctions sacerdotales. Les Israélites, en effet, sont écrasés par les Philistins, qui mettent la main sur l'arche divine, amenée sur le champ de bataille pour assurer la victoire. Les Philistins ne peuvent rester en possession de l'objet sacré, dont la présence leur attire des calamités; l'arche, restituée aux Israélites, est installée dans une localité du nom de Kiryath Yarim. Samuel, fixé dans la localité de Rama, est témoin du sincère repentir du peuple se plaçant à sa tête, il prend sur les Philistins une éclatante revanche. A la fois juge et prophète, il parcourt chaque année un cercle, formé par les trois sanctuaires de Maspha, de Galgala et de Béthel, puis revient à Rama, au Nord de Jérusalem, qui est sa résidence habituelle. Les Israélites ayant réclamé un roi qui les conduisit à la guerre « comme toutes les nations », Samuel manifeste une vive irritation, déclare que cette demande constitue un acte de révolte à l'égard de Yahvéh et prononce une amère satire des procédés et us monarchiques. Toutefois, Yahvéh ayant résolu de se préter au désir de son peuple, Samuel verse l'huile de consécration sur le front d'un jeune homme de Benjamin, Saül, qui était venu lui demander, comme à un vulgaire devin, une consultation à l'effet de retrouver des ânesses perdues. La chose, néanmoins, reste secrète pour le moment, bien que Saül, lors de son retour, à Gabaa, demeure de son père, eût donné les signes de l'agitation prophétique, qui se manifestait par des danses et des transports de la plus étrange apparence. Samuel ayant convoqué le peuple à Maspha, le sort sacré désigne à la royauté Saül, qui se dissimulait modestement. Un roi ammonite (ce récit ne s'ajuste point à ce qui précède, non plus qu'à la suite de l'exposition) ayant serré de près la ville de Jabès en Galaad, menacée du sort le plus cruel, Saül, qui en apprit la nouvelle comme il labourait paisiblement, convoqua les Israélites (exagérations étranges! Israël-hphraim fournit 300000 hommes et Juda 30000) et écrasa l'ennemi. - Nouvelle désignation solennelle de Saül, celle-ci à Galgala. Samuel en prend occasion de renouveler ses reproches. « Yahvéh, dit-il, était votre roi; vous en avez voulu un autre. Au moins veillez, vous et votre roi, à vous conformer aux volontés célestes, sans quoi les plus effroyables calamités vous atteindront. » En somme, la royauté est « tolérée » par Yahvéh et par l'interprète officiel de ses volontés. Les chap. XIII à XXXI de 1 Samuel sont consacrés au règne de Saül et conduisent le récit jusqu'à sa mort. Saül, à la tête d'une petite troupe, mène vivement les hostilités contre les Philistins. Toutefois, las d'attendre Samuel, qui lui avait promis de venir à Galgala pour inaugurer l'action décisive par un sacrifice solennel, Saül a le tort de procéder lui-même à la cérémonie; là-dessus, Samuel lui signifie que Dieu va lui donner un successeur, qui sera David. Saül cependant remporte de sérieux avantages contre les Philistins et se montre, dans une certaine occasion, d'un rigorisme religieux si excessif, qu'il est prêt à sacrifier son fils Jonathan pour un manquement rituel. Samuel donne à Saül l'ordre de partir en campagne contre les Amalécites et de les exterminer selon le procédé du ban, qui exigeait la mise à mort de tous les êtres vivants, les femmes et les enfants comme les hommes et même les animaux. Saül s'étant permis néanmoins de laisser la vie au roi Agag et aux bêtes de choix, Samuel lui signifie de nouveau son congé, et d'une façon définitive, par cette parole fameuse, mais souvent mal comprise : « L'obéissance (à Dieu et à son représentant) vaut mieux que les sacrifices »; Saül, en effet, avait prétendu que les bêtes épargnées étaient réservées pour être sacrifiées à Yahvéh. C'est ici et pour la troisième ou quatrième fois, l'affirmation de la doctrine théocratique, et c'est par la confusion la plus insigne que quelques-uns ont parlé, à ce propos, de tendances républicaines. L'état idéal d'une nation, d'après ces textes, c'est d'être gouvernée directement par Dieu, c.-à-d. par son représentant autorisé, prêtre ou prophète; la royauté est un état inférieur, qui sera toléré à la condition que le monarque se conforme aux indications du prêtre, ce dernier se réservant de le destituer de même que, par la consécration rituelle, il a créé son pouvoir, et de le remplacer par un sujet plus docile. Voilà l' « obéissance » que vante Samuel; la doctrine que les théologiens juifs ont mise dans sa bouche, est celle-là même dont s'autoriseront les Grégoire VII et les Innocent III. Ajoutons qu'il faut la tenir pour le produit d'une époque assez moderne, assurément des temps de la Restauration ou du second Temple, et, dans cette époque, du moment où l'absence totale de vie politique laissait les imaginations libres de s'engager dans toutes sortes de rêveries. Samuel égorge Agag sur l'autel de Galgala comme conclusion à ce discours. Samuel se transporte à Bethléem en Juda et verse l'huile de consécration sur la tête d'un jeune homme, du nom de David. Dès lors celui-ci passe au premier plan. Au cours de sa lutte avec Saül, on signale la mort de Samuel qui est enterré à Rama. Cependant, à l'instigation de David, une guerre de la plus haute gravité s'étant engagée entre Israël et les Philistins, Saül obtient d'une devineresse, évocatrice des morts, un entretien avec Samuel, rappelé des lieux souterrains, où il est informé du désastre imminent. David cependant, qui avait suivi pendant quelques jours les Phlistins dans leur marche vers le Nord, dans la direction de la vallée du Kison, est invité à reprendre son poste, méridional, que les Amalécites avaient pillé en son absence; il poursuit l'ennemi, l'atteint et lui arrache son butin. Pendant ce temps, la bataille s'était livrée; Saül, ses fils, ses soldats avaient succombé au mont Gelboé; les corps du roi et le ses fils furent ignominieusement exposés à Beïsan, d'où les habitants de Jabès du Galaad, jadis délivrés par Saül, les enlevèrent pour leur assurer une sépulture honorable. II est impossible de donner une idée de l'extraordinaire confusion des textes, où les répétitions et les contradictions sont inextricables. L'historien doit se borner à analyser sans conclure. Ce défaut, si sensible dans le premier Livre de Samuel, est moins prononcé dans le second, où les narrations suivies forment des masses plus cohérentes. Les chapitres I à XXIV de 2 Samuel relatent le règne de David. (M. V.). | |