| Brouage était autrefois une ville et un port important de France. Ce n'est plus aujourd'hui qu'une agglomération faisant partie de la commune d'Hiers-Brouage, dont la mairie est à Hiers (arrondissement de Rochefort, Charente-Maritime); population : 650 habitants. Eglise du XVIe siècle. Monument de Champlain, érigé en 1878. Les remparts, plantés d'ormeaux séculaires, forment comme un carré de 400 m de côté et sont flanqués de sept bastions. Le havre de Brouage, creusé et entretenu dans le sol argileux de la plaine par le jeu naturel des marées; communique avec l'océan Atlantique, distant de 2 km, avec lequel il est presque de niveau. Son sous-sol est le grès vert, craie inférieure, comme le terrain sur lequel est bâtie Hiers (16 m d'altitude). Histoire. Brouage n'était d'abord qu'un village élevé sur un terrain conquis sur la mer, appartenant aux comtes de Marennes, de la maison de Pons. Belleforest dit que ses salines étaient florissantes au VIIe siècle. Dès 1495, Charles VIII forma le projet d'entretenir quelques vaisseaux dans le havre de Brouage, en raison de la profondeur du mouillage. Brouage fut fortifié en 1555 par Jacques de Pons, qui voulut lui donner le nom de Jacopolis ; la population s'accrut rapidement; le port fut très fréquenté pendant les XVIe et XVIIe siècles par les marins qui y venaient charger le sel : on y entend parler toutes les langues, écrivait Nicolas Alain en 1594; c'est, disait La Popelinière (1572), le port le plus assuré et le plus commode qui soit en Europe Brouage joua un grand rôle dans les Guerres de religion et fut pris et repris plusieurs fois. Henri lll, en 1578, l'acquit de Jacques de Pons, à qui il donna en échange Mortagne; sa possession fut d'autant plus utile à la couronne qu'il y avait dans la région un grand nombre de protestants. Son gouverneur, d'Espinay Saint-Luc, ne put empêcher, en 1586, les Rochelais de combler le port, en coulant vingt bâtiments chargés de pierres à l'entrée du havre, par l'ordre de Condé. En 1587, un siège d'amirauté et un siège royal y furent établis. En 1597, nouvelle attaque contre sa prospérité de la part des protestants, dont l'assemblée, réunie à La Rochelle, demanda, mais en vain, le démantèlement de la ville de Brouage. Sous les règnes d'Henri IV et de Louis XIII et sous le gouvernement de Mazarin, ce fut un des ports français principaux; on y fit la plupart des armements pour le Canada. Richelieu se fit nommer gouverneur de Brouage (1629) et fit élever par l'ingénieur d'Argencourt (1630-1640) les remparts de l'enceinte actuelle, sur lesquels on voit encore ses armes sculptées. D'ailleurs, le système de la fortification ne fut complété que quelques années plus tard, pendant les troubles de la Fronde, par le comte du Daugnion. Celui-ci, vice-amiral du Ponant et gouverneur de Brouage, révolté contre l'autorité royale, en fit le centre de ses opérations militaires et de ses expéditions maritimes (1649-1653). Il se rendit assez redoutable pour que Mazarin achetât sa soumission d'une grosse somme d'argent et du bâton de maréchal, en même temps qu'il prenait pour lui-même le gouvernement de Brouage. Colbert pensa d'abord à Brouage quand il voulut établir dans la région un grand port militaire; la crainte de l'envasement du chenal l'en détourna. On cura inutilement en 1687, 1715 et 1716 le port de Brouage; le chenal se combla de plus en plus par les atterrissements, d'autant que l'on cessa d'entretenir les chenaux secondaires à mesure que la concurrence des autres marais salants de France devenait plus grande. On y fit encore cependant quelques armements dans le cours du XVIIIe siècle et on y laissa un gouverneur particulier, bien qu'on eût rasé, en 1688, tous les dehors de la place. Les protestants de Brouage se convertirent après une longue résistance lors de la révocation de l'édit de Nantes. En 1742, la ville ne comptait guère que 400 habitants Des tentatives d'assèchement eurent lieu en 1782; elles furent continuées sous l'Empire et la Restauration. C'est la fièvre surtout qui amena, pendant le XVIIIe siècle, le dépeuplement de Brouage. En 1792, on enferma à Brouage un grand nombre de suspects. Sous le Consulat, Brouage fut réuni à Hiers pour former une commune, et l'on y transporta ses archives, qui remontent à 1615. La garnison de Brouage, fort réduite, y est restée jusqu'à la seconde moitié du XIXe siècle. La poudrière n'y existe plus depuis lors que de nom. Brouage est une ville morte, d'un aspect étrange, avec ses ruines encore récentes. Son industrie a disparu : des 8,000 hectares de marais salants qu'elle possédait au XVIe siècle, il ne lui en reste plus que 500 à peine. Aujourd'hui, on s'y livre à l'exploitation des moules. (C. Delavaud). | |