| Innocent Ier (Saint et confesseur), Innocentius, est le 42e, pape. Il a été élu au mois de mai 402, et est mort le 12 mars 417. Fête le 28 juillet. Il était né à Albano. Ce pontificat tient une place importante dans l'histoire du développement de l'autorité du siège de Rome, Innocent avant profité avec habileté des occasions très favorables qui se présentèrent à lui pour affirmer, étendre et consolider cette autorité. Aussitôt après son élection, il en fit part à Anysius, évêque de Thessalonique, et il lui délégua les pouvoirs auxquels les évêques de Rome prétendaient sur les Eglises de l'Illyrie orientale. En 388, la préfecture d'Illyrie avait été partagée, et la partie orientale, comprenant la Macédoine et la Dacie, avait été attribuée à l'Empire d'Orient. Néanmoins, Damase et Sirice avaient continué d'y exercer juridiction, en se faisant représenter par l'évêque de Thessalonique. Innocent maintint ce vicariat, et de plus on le voit, vers la fin de son pontificat, intervenir directement dans le gouvernement des Eglises de l'Illyrie. Victricius, évêque de Rouen, ayant demandé des renseignements sur la pratique et la discipline de l'Eglise de Rome, il lui adressa (404) quatorze règles tirées, disait-il, de la tradition des Apôtres et des Pères, et il lui recommanda de les communiquer aux évêques pour qu'elles fussent observées. L'année suivante, consulté pareillement par Exsuperius, évêque de Toulouse, il lui donna des directions sur les cinq points qui lui avaient été soumis, et le loua de recourir au siège apostolique pour les questions douteuses. Répondant dans des conditions analogues (416) à un évêque de l'Ombrie, Decentius, il affirmait hautement l'obligation pour tous d'observer les traditions et les seules traditions que l'Eglise de Rome avait reçues de saint Pierre et qu'elle conservait fidèlement; il prétendait d'ailleurs qu'il n'y avait en Italie, en Gaule, en Espagne, en Afrique, en Sicile et dans les îles environnantes, aucune Eglise qui n'eût point été fondée par saint Pierre ou ses successeurs. Vers la fin de l'année 416, il reçut des lettres synodales de conciles tenus à Milève et à Carthage et une lettre de saint Augustin. Elles l'informaient que ces conciles avaient renouvelé les condamnations prononcées cinq ans auparavant contre Pélage et Célestin, et elles lui demandaient en termes très respectueux d'ajouter à leur sentence l'autorité du siège apostolique. Les auteurs de ces messages attachaient évidemment une grande importance à cette approbation, mais ils ne la sollicitaient nullement comme nécessaire à la validité de leurs actes. Dans sa réponse (janvier 417), Innocent condamna, en termes sévères, l'hérésie de Pélage et en anathématisa les auteurs et les fauteurs; il profita de cette occasion pour énoncer, en les prêtant à ses correspondants, des maximes contraires à la tradition des évêques d'Afrique. Il complimentait les évêques du synode de Carthage d'avoir soumis cette affaire à son jugement, reconnaissant ce qui était dû au siège de l'Apôtre de qui toute autorité épiscopale dérive et d'avoir ainsi observé les décrets des Pères reposant sur une autorité divine, d'après laquelle rien, même dans les provinces les plus reculées, ne peut être considéré comme réglé, s'il n'a été porté à la connaissance du siège romain et confirmé par lui. Il intervint aussi, au commencement de son pontificat, dans les affaires de l'Eglise d'Espagne, mais sa lettre ne contient pas la moindre allusion à l'autorité suprême du siège de Rome. Après la condamnation de Jean Chrysostome par le synode du Chêne (403), l'intervention d'Innocent fut sollicitée par Chrysostome et par ses partisans. La lettre de Chrysostome a été conservée; elle n'a pas été adressée à Innocent seul, ainsi que la plupart des historiens ultramontains le rapportent, mais aux évêques de Rome, de Milan et d'Aquilée, comme aux trois grands évêques de l'Occident. Elle proteste contre l'iniquité de ce qui a été fait et réclame la convocation d'un concile dûment constitué. Innocent refusa tout d'abord de rompre la communion avec aucun des deux partis et il demanda la convocation d'un concile composé d'Orientaux et d'Occidentaux, duquel les amis et les ennemis de l'accusé seraient également exclus. Après la relégation de Chrysostome en Arménie, il déclara hautement qu'il restait en communion avec lui, et il finit par la rompre avec ses adversaires. Il pressa Honorius d'agir auprès d'Arcadius; mais il ne réussit qu'à brouiller les deux frères et à fomenter entre eux une guerre qui ne fut empêchée que par une invasion des Goths. Chrysostome mourut en exil. On a présenté son recours à Innocent, et celui de ses partisans, comme impliquant reconnaissance de l'autorité des évêques de Rome sur les Eglises d'Orient. La lettre de Chrysostome ne contient rien de pareil; elle n'est pas adressée à Innocent seul, comme à un supérieur et un juge, mais aux trois grands évêques d'Occident, comme à trois amis puissants, dont on sollicite le secours. D'ailleurs, dans ses lettres écrites à propos de cette affaire, Innocent se garda bien d'émettre aucune prétention à la juridiction sur les Eglises d'Orient, ainsi qu'il le faisait si diligemment dans ses relations avec les Eglises d'Occident. S'il possédait cette juridiction, si elle lui était reconnue et si elle était réclamée de lui, il commettait, en ne l'exerçant pas, ce que les profanes appelleraient un déni de justice. Baronius a conscience de ce reproche, car il suppose qu'Innocent a excommunié Arcadius et Eudoxie. Ce fait n'est mentionné par aucun écrivain contemporain. Ce fut sous ce pontificat que Rome fut prise et pillée par Alaric (410). Innocent se trouvait à Ravenne, pour négocier sur la rançon qui devait sauver la ville, lorsque cet événement eut lieu. Les païens et les chrétiens l'attribuèrent également à la colère céleste; mais comme il abattit et dispersa les familles nobles qui étaient restées fidèles aux dieux de Rome, il servit la cause du christianisme. Les fausses décrétales attribuées à ce pape se trouvent dans l'ouvrage d'Hinschius, Decretales pseudo-Isidorianae ( Leipzig , 1863); une partie de ses lettres et de ses décrets dans le recueil de Constant, Epistolae Romanorum pontificum, ab anno Christi 67 ad annum 410 (Paris, 1721, in-fol.); la plupart dans la Bibliothèque de Galland, Bibliotheca veterum Patrum antiquorumque Scriptorum ecclesiasticorum (Venise, 1765, 13 vol.). (E.-H. V.). | |