| Henri III, dit l'Infirme ou le Maladif, est un roi de Castille, né à Burgos, le 4 octobre 1379, mort à Tolède le 25 décembre 1406. Il succéda à son père, Juan ler, en 1390, à 11 ans. La minorité de Henri III, comme celle de ses prédécesseurs, ne fut que pillages, rivalités et violences. Malgré le testament laissé par Juan Ier, les Cortès de Madrid, convoquées la seconde année du règne, avaient décidé que le gouvernement du royaume serait confié à un conseil de régence, dont faisaient partie le duc de Benavente, oncle du roi, les archevêques de Tolède et de Saint-Jacques, les maîtres de Calatrava et de Santiago, des grands barons et des procureurs des villes. Les troubles n'en continuèrent pas moins; les tuteurs du roi se querellaient entre eux; chacun usurpait les emplois et s'appropriait tout ce qu'il pouvait saisir. La Castille était mise au pillage. A Séville et à Cordoue, la populace saccagea les juiveries, excitée par un archidiacre d'Ecija, nommé Fernan Martinez. Le massacre gagna Tolède, Burgos, Logroño, puis l'Aragon; Valence et Barcelone virent des scènes atroces. C'était en vain que Henri III envoyait ses lettres royales au conseil des villes; aucun n'obéissait plus. Les juifs durent acheter à prix d'or la protection des seigneurs qui achevèrent de les dépouiller. Beaucoup d'entre eux, convertis par l'épouvante, reçurent un baptême hypocrite (1391). Les Maures grenadins entrèrent au royaume de Murcie; l'adelantado Alfonso Yañez Fajardo les défit et les repoussa (1392). En 1393, Henri Ill se déclara lui-même majeur et réunit les Cortès à Madrid. Il n'avait pas encore atteint les quatorze ans fixés par le testament de Juan Ier. La même année, des marins basques abordèrent aux îles Canaries et revinrent en Espagne, leurs vaisseaux chargés de butin et d'indigènes captifs. Dès que le roi se vit majeur, il annula devant les Cortès tout ce qu'avaient fait ses tuteurs; le duc de Benavente dut restituer les rentes du royaume dont il s'était emparé. Il fut arrêté et enfermé au château de Burgos. Un autre oncle du roi, don Alfonso, se fortifiait dans les Asturies. Henri III lui reprit Oviedo et l'assiégea dans Gijon. Tous deux convinrent de remettre leur differend à l'arbitrage de Charles VI (1394). La sentence du roi de France condamna le vassal rebelle à perdre ses terres (1395). En dépit de ces actes d'autorité, Henri III n'était guère obéi par la noblesse. L'année précédente, le maître d'Alcantara, Martin Yañez de Barbudo, avait envoyé défier l'émir de Grenade, Abou-Abdallah Youzef. Il s'engageait à lui prouver la vérité de l'Evangile par un combat entre Chrétiens et Musulmans; les infidèles seraient deux contre un. L'émir ayant châtié les écuyers porteurs de ce cartel, le maître d'Alcantara se mit en marche vers Grenade, bravant la défense du roi qui lui enjoignait de ne pas rompre la trêve. Un ermite illuminé, Juan del Savo, marchait auprès du chef que suivaient 300 lances de l'ordre et quelques milliers de paysans mal armés, « gens simples», dit Ayala. Une grande croix servait de bannière à l'expédition. A la frontière, on rencontra les Maures : 120,000 hommes de pied et 5000 cavaliers, la levée en masse de Grenade, de seize ans à quatre-vingts. Les Chrétiens furent exterminés ou réduits en esclavage, après une héroïque résistance. Martin Yañez et les trois cents frères, criblés de flèches et de boulets, tombèrent tous. Le miracle attendu ne vint pas (26 avril 1394). Les Musulmans rendirent le cadavre du maître; on l'ensevelit en l'église de Sainte-Marie d'Alcantara, avec cette fière épitaphe composée par lui-même : « Ci-gît celui au coeur duquel couardise n'eut jamais entree. » Henri Ill désavoua la folle entreprise et put éviter ainsi la guerre avec les Maures. Les Portugais attaquèrent la Castille et prirent Badajoz. Diego Hurtado de Mendoza, qui les vainquit sur mer, fit jeter à l'eau 400 prisonniers et ravagea leurs côtes. Le connétable Ruy Lopez Davalos défit l'ennemi sous les murs d'Alcàntara qu'il assiégeait (1397). La même année deux franciscains furent martyrisés à Grenade où ils cherchaient à convertir les Musulmans. En 1398, une trêve de dix ans mit fin aux hostilités. Henri III reçut une ambassade de Timour, victorieux des Turcs à Ancyre (1402). Suivant un abrégé chronologique du temps, publié à la fin de la Chronique d'Ayala, le conquérant tartare aurait même envoyé au roi de Castille, entre autres présents, la femme du sultan Bayézid. Les deux rois firent alliance; cette alliance d'ailleurs ne pouvait avoir aucun résultat. Durant le schisme de l'Eglise, la Castille avait refusé obéissance à Benoît XIII, sur le conseil de Pedro Hernandez de Frias, cardinal d'Espagne (1400). Enfin, grâce au roi Martin d'Aragon, les Cortès de Valladolid reconnurent Benoît XIII et le déclarèrent seul pape légitimement élu, le 28 avril 1403. En 1405, les Maures s'emparèrent d'Ayamonte, probablement en représailles des ravages exercés par les Chrétiens sur les frontières grenadines. La guerre fut malheureuse. Les Castillans essuyèrent une défaite à Los Collejares où tombèrent nombre de gentilshommes (1406). Henri III, maladif toute sa vie, mourut pendant les Cortès de Tolède qu'il venait de convoquer afin d'en obtenir des subsides pour la lutte contre les Maures. Sous ce règne, les Juifs, les Musulmans, les filles publiques et les maîtresses de prêtres furent obligés, par ordonnance royale, de porter un signe distinctif, marque de leur infamie. En mourant, Henri III laissait pour successeur un enfant en bas âge, Juan II, né à Toro, le 6 mars 1405. (Lucien Dollfus). | |