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Marquis
De Custine, La Russie en 1839, Actes Sud (Thésaurus), 2005.
- La
Russie en 1839
est un extraordinaire journal de voyage au "Royaume des façades", prémonitoire
et visionnaire. Dans la réédition de Custine parue aux éditions Solin,
en 1990, Hélène Carrère d'Encausse écrivait dans sa préface : "Custine
(...) témoigne de la difficile rencontre entre la Russie tendue vers l'Europe
et l'Europe qui ne sut jamais comment traiter et comprendre la Russie."
On en est toujours là . Et les derniers événements en Ukraine en sont
la parfaite démonstration.
La
destinée de ce livre reste singulière. Publié en 1843, et bien qu'il
décrive la réalité russe de son époque, l'ouvrage de Custine a traversé
presque deux siècles comme s'il était le miroir du moment. Pertinent
au temps du tsarisme, il l'est resté sous le Communisme et retrouve son
actualité sous Poutine.
Bien
entendu, le livre fut interdit par le Tsar, l'ambassade de Russie à Paris
suscita des réfutations, on essaya même de stipendier Balzac
pour ce faire et on alla jusqu'à mettre en avant l'homosexualité de l'auteur
pour expliquer sa hargne contre le régime tsariste. C'est vrai que Custine
n'y allait pas de main morte en fustigeant les travers du régime de Nicolas
Ier : "En Russie, le gouvernement domine et ne vivifie rien. Dans cet immense
empire, le peuple, s'il n'est tranquille, est muet; la mort y plane sur
toutes les têtes et les frappe capricieusement ; c'est à faire douter
de la suprême justice; là l'homme a deux cercueils : le berceau et la
tombe.
Les
mères y doivent pleurer la naissance plus que la mort de leurs enfants."
On voit bien le ton, le style, et tout le livre est à l'avenant, celui
d'un grand écrivain assurément!
Custine,
s'il n'est resté que peu de temps en Russie, était parfaitement renseigné
par des amis polonais (la "question polonaise", la mise au pas par la Russie
de la Pologne qui, beaucoup plus que la Tchétchénie aujourd'hui, avait
suscité l'indignation des Français), des opposants dont des amis de Pouchkine.
(couv.). |