| Avant même de devenir les moyens de la connaissance géographique du globe, les voyages ont été matière à littérature. Le voyage des Argonautes à la conquête de la Toison d'or; celui d'Ulysse, raconté dans l'Odyssée, sont de vieux exemples de récits de voyages imaginaires. Mais, l'Antiquité donne aussi l'exemple de récits de voyages réels, et qui avaient un but bien précis : on parcourait le monde pour s'instruire, pour satisfaire sa curiosité; on se formait en voyageant, et ce n'était qu'au retour de longues excursions qu'on devenait législateur on philosophe. Lycurgue, Pythagore, Solon, Hérodote voyagèrent dans les pays étrangers, pour en étudier les institutions, les moeurs et l'histoire. Chemin faisant, les relations de voyages sont devenues pour le géographe ce que les Mémoires sont devenues pour l'historien : elles lui fournissent une partie des matériaux qui lui sont nécessaires pour la composition de ses ouvrages. C'est ainsi que les Périples des Anciens nous donnent des renseignements précieux; mais on ne saurait ranger parmi les relations de voyages les Itinéraires parvenus, jusqu'à nous. Hérodote apparaît comme le premier type connu du touriste, et ses Histoires, si précieuses au point de vue historique, présentent aussi, au point de vue géographique, une valeur considérable. C'est là qu'il est fait mention des premiers essais de grands voyages de circumnavigation connus : celui des Phéniciens autour de l'Afrique, entrepris sur l'ordre de Néchao; celui du CarthaginoisHannon jusqu'à un point déjà assez avancé du littoral de l'Afrique occidentale (Périple de Hannon, texte en ligne). Un peu plus tard, les voyages d'Euthymène et de Pythéas de Marseille, ceux d'Alexandre le Grand et de Néarque, marquent les premiers débuts de l'exploration scientifique, qui allait prendre, à partir du XVIIIe siècle, un si grand développement. Ainsi, dès la fin de l'époque hellénique, toutes les formes que peut affecter l'amour du voyage apparaissent déjà, une seule exceptée; on ne voit alors aucun voyage entrepris dans un but religieux. C'est au Moyen âge que les pèlerinages ont été une grande cause de déplacement dans tout le monde connu, non seulement chez les chrétiens, mais aussi chez les musulmans. Jérusalem et La Mecque n'ont pas cessé d'être dès lors des centres d'attraction qui ont valu à la littérature géographique des relations intéressantes à plus d'un titre, surtout de la part des voyageurs arabes et juifs; les voyageurs occidentaux offrent moins de récits intéressants. En même temps se continuent soit par terre, soit dans les mers méditerranéennes, les voyages entrepris dans un but commercial. A la Renaissance, le développement du commerce provoqua, notamment chez les Vénitiens, les recherches et les descriptions utiles. Les découvertes maritimes du XVe et du XVIe siècle, coïncidant avec l'invention de l'imprimerie, allaient multiplier ensuite les entreprises d'exploration, en même temps que les occasions de propager les récits de voyages lointains. Persuadés de leur vocation à s'approprier la Terre entière au nom de la religion chrétienne, les Européens, et parmi eux, en premier lieu, les Portugais et les Espagnols, se lancèrent dans les mers inconnues, ils doublèrent l'Afrique et pénétrèrent par mer jusqu'en extrême Orient, ils franchirent l'Atlantique et à soumirent à leur soif de puissance le Nouveau monde, enfin ils exécutèrent à travers l'océan Pacifique ces longs voyages de circumnavigation dont Magellan donna, dès 1519-1521, un excellent modèle, tandis que Pigafetta, en scribe méticuleux, laissait le récit de cette expédition. C'est dans un but uniquement économique que furent entrepris les premiers voyages dans les régions arctiques, à la recherche des passages du Nord-Ouest et du Nord-Est. Mais peu à peu les progrès des sciences amenèrent les peuples de l'Occident à envisager les voyages sous un aspect que, depuis l'Antiquité, personne n'avait plus considéré; les explorations redevinrent alors scientifiques et, dès le XVIIIe siècle, commenta une remarquable série de voyages exclusivement destinés à l'accroissement du savoir humain; série qui n'eut plus seulement pour but la connaissance de la Terre, mais aussi celle des mers du globe et de l'atmosphère qui l'entoure; on invente aussi à l'occasion de ses voyages la géographie botanique, la géographie zoologique, la géographie humaine. Ainsi ainsi se trouvent simultanément réalisées, à partir de cette époque, les différentes sortes de voyages : explorations proprement dites, voyages scientifiques, voyages d'ordre purement économique, ou simples déplacements de touristes ou de globe-trotters, poussés par la curiosité à visiter une partie plus ou moins étendue de la planète. Dès lors, la littérature de voyages est devenue extrêmement féconde et polymorphe. Les Voyages en Amérique et en Asie, de Humboldt illustrent mieux que tout autre ouvrage cette forme totale de littérature des voyages.
| F. Gallix, V. Guignery et, al., Récits de voyage et romans voyageurs (aspects de la littératire contemporaine en langue anglaise), Publications de l'Université de Provence, 2006. - Les articles qui composent ce recueil abordent la question de la porosité générique de la littérature de voyage et s'interrogent sur les interactions éventuelles entre récits de voyage et romans qui intègrent des voyages ou "romans-voyageurs". Les ouvrages étudiés empruntent tant au récit qu'au roman, et mettent en évidence la multiplicité des formes du discours du voyage. Lawrence Durrell et Bruce Chatwin brouillent les normes génériques et redessinent les contours du récit-roman de voyage, tandis que des romanciers contemporains tels que Angela Carter, Joseph O'Connor V. S. Naipaul ou Ian Rankin intègrent le discours du voyage, de l'errance, de l'égarement ou de l'exil dans leurs romans et se jouent des frontières et conventions en un mouvement général de ré-enchantement de la littérature et de ses codes. L'ouvrage se conclut par un voyage vers la Tasmanie par le biais du désormais célèbre English Passengers dont l'auteur, Matthew Kneale, retrace la genèse. (couv.). En bibliothèque - On peut consulter l'Histoire générale des Voyages par l'abbé Prévost, 1740, 20 vol. in-4°, et la Bibliothèque universelle des voyagespar Albert Montémont, 1833-30, 46 vol. in-8°. | | |