| L'Ascension de Mahomet est un voyage miraculeux que le prophète de l'Islam disait avoir exécuté. Ce voyage, dans lequel se passèrent une multitude d'événements fut cependant accompli en si peu de temps, que Mahomet (Muhammad) ayant, en partant, heurté son vase aux ablutions, il fut de retour assez promptement pour le redresser, sans qu'il y eût une seule goutte d'eau répandue. Il est question de ce voyage mystérieux dans le Coran; le chapitre XVII est même intitulé le Voyage nocturne. Mais les musulmans ont longtemps discuté sur l'authenticité de ce fait; les uns soutenant que cette ascension avait eu lieu en vision seulement, d'autres qu'elle avait été effectuée réellement et corporellement. J'étais couché, dit Mahomet, entre les collines Safa et Merwa, lorsque Gabriel, s'approchant de moi, m'éveilla. Il conduisait avec lui al-Borac, jument d'un gris argenté, et si rapide que l'oeil avait peine à la suivre dans sa course. Me l'ayant confiée, il me commanda de monter dessus; j'obéis, et nous partîmes. Dans un instant nous fûimes aux portes de Jérusalem. Al-Borac s'arrêta. Je descendis et l'attachai aux anneaux où les prophètes avaient coutume d'attacher leurs montures. En entrant dans le temple, je rencontrai Abraham, Moïse et Jésus. Je fis la prière avec eux. Lorsqu'elle lut finie, je remontai sur al-Borac et nous continuâmes notre route. Nous parcourûmes, avec la promptitude de l'éclair, l'immense étendue des airs. Arrivés au premier ciel, Gabriel frappa à la porte. - Qui est-là? demanda-t-on. - Gabriel. - Quel est ton compagnon? Mahomet. - A-t-il reçu sa mission? - Il l'a reçue. - Qu'il soit le bienvenu? A ces mots la porte s'ouvrit, et nous entrâmes. Voilà ton père Adam, me dit Gabriel : va le saluer. - Je saluai Adam et il me rendit le salut. - Le Ciel, ajouta-t-il, accomplisse les voeux, à mon fils honoré! ô le plus grand des prophètes! - Nous partîmes; je suivais mon guide à travers l'immensité de l'espace. Nous arrivâmes au second ciel. Gabriel frappa à la porte. - Qui est-là? demanda-t-on. - Gabriel. - Quel est ton compagnon? - Mahomet. - A-t-il reçu sa mission? - Il l'a reçue. - Qu'il soit le bien venu! - La porte s'ouvrit et nous entrâmes. Je rencontrai Jésus et Jean. Je les saluai et ils me rendirent le salut. Bonheur, ajoutèrent-ils; à notre frère honoré, au plus grand des prophètes! Mahomet, toujours volant sur al-Borac, toujours conduit par Gabriel> , parcourut toutes les sphères célestes avec le même cérémonial. Au troisième ciel, il fut complimenté par Joseph, fils de Jacob; au quatrième par Enoch, au cinquième par Aaron, au sixième par Moïse, au septième, il salua Abraham et reçut ses félicitations. De là il franchit une vaste étendue des cieux, et pénétra jusqu'au Sidra ou lotus, qui est à l'extrémité du jardin d'Eden. Les esprits célestes ne peuvent pénétrer au delà. Cet arbre est si prodigieux qu'un seul de ses fruits nourrirait pendant un jour toutes les créatures de la terre : de son pied sortent quatre fleuves. Mahomet, après avoir parcouru toutes les merveilles de ce séjour de délices, alla visiter la maison de l'Adoration, où les esprits célestes vont en pèlerinage. Soixante-dix mille anges y rendent chaque jour leurs hommages à l'Eternel. Quelques auteurs ajoutent que chacun de ces anges a soixante-dix mille bouches, et dans chaque bouche soixante-dix mille langues, qui louent Dieu soixante-dix mille fois par jour, en soixante-dix mille idiomes différents; mais les mêmes anges n'entrent jamais deux fois dans ce sanctuaire, qui est bâti d'hyacinthes rouges, et entouré d'une multitude de lampes toujours allumées. Après que Mahomet y eut fait sa prière, on lui présenta trois coupes, l'une pleine de vin, l'autre de lait, la troisième de miel; il choisit celle qui était remplie de lait, et en but un peu. Bien lui en prit, car s'il eût choisi l'eau, il eût été submergé lui et toute sa nation. Mais quelqu'un ayant remarqué qu'il n'avait bu que peu de lait, dit tout haut : Si Mahomet avait bu tout le lait, aucun de sa nation n'aurait vu le feu de l'enfer. Ce qu'entendant le prophète il s'écria : Ô Gabriel! je vais reprendre la coupe et la boire tout entière. - Donne-t'en bien de garde, Ô Ahmed! reprit l'ange; c'en est fait. La plume qui écrivait s'est séchée sur ce qui vient d'arriver. - Quoi donc, Ô Gabriel! répliqua Mahomet, cela est ainsi écrit et déterminé dans le livre? Il répondit que cela était ainsi. Mahomet continua son voyage et monta de ciel en ciel jusqu'au septième, quoique la distance d'un ciel à l'autre soit de 500 années de chemin. Après avoir fait la description de tout ce qu'il vit dans ces différents cieux, il ajoute : Je m'entendis saluer de la part de Dieu puissant et glorieux, en ces termes : « Paix à toi, ô Ahmed! » Ayant levé la tête, je vis un ange plus blanc que la neige, vêtu d'une robe rouge; il était suivi de 70,000 anges; il m'embrassa tendrement, et m'ayant baisé entre les deux yeux, il me dit : « Viens avec moi, ô le très honoré de Dieu! » Je partis donc avec lui, au milieu de cette armée d'anges, dont les uns marchaient devant moi, d'autres derrière, d'autres à ma droite, et d'autres à ma gauche. Tous me faisaient de profondes révérences, me glorifiant à cause de l'honneur que j'allais recevoir de la part de Dieu puissant et glorieux. Ils continuèrent de marcher avec moi dans cet ordre, jusqu'à ce qu'ils eussent percé 70,000 voiles, cloisons ou séparations, faites d'hyacinthe, pour arriver ensuite jusqu'à 70,000 autres, voiles d'étoffes très déliées, et de là à 70,000 voiles de ténèbres qu'il fallut aussi percer. Il y avait de distance, entre chaque voile, le chemin de cinq cents ans de voyage; et l'épaisseur de chaque voile était aussi de cinq cents ans de voyage. De là nous arrivâmes à pareil nombre de 70,000 voiles de feu, à 70,000 voiles de neige, à 70,000 voiles d'eau, à 70,000 voiles d'air, à 70,000 voiles de vide ou d'air subtil. Après quoi nous ne cessâmes de percer et de nous faire jour au travers du voile de la Beauté, du voile de la Perfection, du voile de la Toute-Puissance, du voile de la Singularité, du voile de la Séparation, du voile de l'immortalité, du voile de l'Unité; et ce dernier voile est celui de Dieu très grand et immense. Mahomet fit encore quelques pas pour s'approcher du trône du Très-Haut, et chaque pas était de cinq cents années de chemin. Arrivé au pied du trône, il sentit une main qui, s'appuyant sur son épaule, lui laissa une impression de froid indicible : c'était la main de Dieu. Le Très-Haut s'entretint alors avec lui, et entre autres choses, il lui commanda de faire la prière cinquante fois par jour. Descendu au ciel de Moïse, Mahomet fit part de l'injonction qu'il avait reçue. Retourne vers le Tout-Puissant, lui dit Moïse, prie-le d'adoucir le précepte; jamais ton peuple ne pourrait l'accomplir. Mahomet retourna vers Dieu et le sollicita de diminuer le nombre des prières; il fut réduit à quarante-cinq. Lorsqu'il fut descendu de nouveau, Moïse l'engagea à faire de nouvelles instances. Dieu diminua encore de cinq le nombre des prières. Enfin après des voyages et des réductions successives de cinq prières seulement à la fois, Mahomet obtint qu'elles fussent fixées à cinq par jour. Le prophète repassa par tous les cieux qu'il avait parcourus auparavant et retrouva à Jérusalem sa monture, qui le déposa à l'endroit où elle l'avait pris. | |