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Pèlerinage

Pèlerinage. - Le pèlerinage est défini par Erasme comme peregrinatio religionis ergo. C'est tout voyage entrepris peur vénérer un objet ou un endroit consacré; en pratique, ils ont pour but d'obtenir des grâces, souvent des guérisons. Les pèlerinages sont aussi anciens que les religions. Pour l'Islam, le pèlerinage à la Mecque est l'une des cinq obligations imposées au croyant, mais il n'est qu'une adaptation d'un pélerinage qui existait déjà à l'époque pré-islamique. Beaucoup de pèlerinages chrétiens, correspondent également à des manifestations rituelles pré-chrétiennes et réinvesties d'une nouvelle signification. Marignan, par exemple, a démontré que le concours des malades au tombeau des saints est une continuation directe des pratiques du culte d'Esculape.

Dans le christianisme, les tombes des premiers martyrs ont été dès le premier jour un objet de vénération. Toutefois, c'est seulement après la cessation des persécutions que les pèlerinages eurent leur libre cours. A partir du règne de Constantin, les catacombes de Rome devinrent un lieu de pèlerinage; elles furent délaissées au cours du Moyen âge lorsque l'on crut en avoir extrait toutes les reliques, et de nos jours, elles étaient tombées dans l'oubli. Par contre, les pèlerinages aux lieux saints, c.-à-d. à Jérusalem, aux lieux de la Passion et à Bethléem, au lieu de la naissance de Jésus, ne prirent leur essor que sous Constantin, eurent une vogue croissante et n'ont jamais été interrompus. C'est en 326 que sainte Hélène découvrit la sainte Croix sur le Calvaire et procéda à la reconnaissance officielle des lieux consacrés par le souvenir de la Passion. La tradition était déjà si bien éteinte qu'il fallut faire appel à des miracles pour reconnaître les endroits sanctifiés; la vraie Croix fut identifiée par le même procédé.

Les pèlerinages aux lieux saints ont eu les plus grandes conséquences dans l'histoire : ils ont mis en contact perpétuel depuis le milieu du IVe siècle l'Occident avec l'Orient; ils ont aidé à nouer des relations commerciales; et en amenant les clercs instruits et artistes de l'Occident à visiter le Levant, ils ont provoqué en Europe occidentale des importations nombreuses d'art byzantin. Les entraves que les musulmans voulurent apporter au XIe siècle aux pèlerinages de terre sainte furent la cause déterminante des croisades; les pèlerinages furent ensuite une des principales sources de revenus du royaume de Jérusalem. Lorsqu'à la fin du XIIe siècle, cette ville retomba au pouvoir des musulmans, ceux-ci continuèrent à accepter les pèlerins chrétiens qui étaient et sont encore une source de profits pour eux, tandis qu'en les refusant, ils eussent surexcité l'animosité de toute la chrétienté. En cette matière, du reste, l'islam sympathise avec le christianisme : on a dit quelle importance a le pèlerinage de la Mecque. Parmi les pèlerinages d'Orient, celui de sainte Catherine au mont Sinaï fut, au Moyen âge, le plus célèbre après celui des lieux saints.

En Occident comme en Orient, le clergé s'évertua à multiplier les pèlerinages qui étaient pour les églises une excellente source de revenus. On peut citer parmi les plus célèbres : en Italie, outre les tombeaux des martyrs de Rome, Lorette en raison de la Sainte Maison qui y aurait été transportée de Nazareth; le mont Gargano ou Sant-Angelo, où saint Michel apparut dans une grotte en 491; saint Janvier à Naples, saint Nicolas de Bari, amené de Myra dans cette ville au XIe siècle.

Les nombreux voyages des pèlerins à des sanctuaires situés en des endroits si divers sont un des facteurs les plus importants du perpétuel échange d'idées qui s'opérait au Moyen âge entre des peuples même fort éloignés et dont la diffusion des formes d'art reste la preuve. Les pèlerinages furent, trop souvent, à la fin du Moyen âge surtout, un moyen par lequel la cupidité du clergé abusa de la naïveté parfois extrême des fidèles. Erasme donne de ces abus, dans ses Colloques familiers, un tableau aussi mordant qu'exact, car tous les détails en sont empruntés à la réalité et l'on en reconnaît la provenance. D'autre part, pour bien des fidèles dont la foi n'était pas sans alliage, les pèlerinages furent de simples voyages d'agrément : au XVe siècle, les Quinze Joyes de Mariage les dépeignent comme une grande cause d'infortune pour les maris. 

Les relations de pèlerinages forment une branche très importante et très précieuse de la littérature du Moyen âge : les pèlerins les plus intelligents notèrent souvent par écrit les curiosités naturelles et artistiques, l'histoire, les moeurs des pays qu'ils traversaient ou exploraient ainsi, au VIIe siècle, saint Arculfe a tracé un plan de l'église du Saint-Sépulcre, qui antérieurement avait été déjà décrite dans le récit de pèlerinage de Sylvia; en 1395 le notaire italien Jean de Martoni revint de terre sainte par Athènes, vit, décrivit et mesura le Parthénon; vers 1480, Georges Brydenbach publia des vues exactes de Jérusalem, de Rhodes, de Candie (Crète), avec des costumes et des types d'humains et d'animaux très consciencieusement dessinés. 

Les souvenirs de pèlerinage occupent une grande place dans l'histoire de l'art : dans toute l'Europe, des églises rondes ont été bâties sur le modèle du Saint-Sépulcre de Jérusalem, comme la rotonde de Saint-Bénigne de Dijon commencée en 993, celle de Neuvy-Saint-Sépulcre (Indre). De même, l'église, le pèlerinage et le nom même de Boulogne près de Paris, sont des souvenirs du pèlerinage de Boulogne-sur-Mer, et remontent au XIVe siècle. A la même époque, ce même pèlerinage et quelques autres donnaient lieu à toute une industrie de plombs et d'étains historiés que les pèlerins rapportaient comme souvenirs et dont nous avons conservé un grand nombre. On les appelle enseignes de pèlerinage. Enfin, les coffrets et les étoffes d'Orient se sont répandus à profusion par cette voie en Occident où ils ont suggéré des imitations nombreuses. (C. Enlart).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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