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Quand on observe
les organismes les plus rudimentaires (invertébrés
essentiellement), on s'aperçoit bien vite que, chez un grand nombre
d'entre
eux, les individus ne vivent pas indépendants les uns des autres,
mais forment des sortes de sociétés, composées d'un
nombre plus ou moins grand d'individus qui ont entre eux des rapports dont
le degré est extrêmement variable, mais qui ne peuvent, en
temps habituel, se séparer les uns des autres. Tantôt on constate
une simple juxtaposition des individus, d'autres fois ils contractent des
adhérences légères, mais sans qu'aucune communication
soit établie entre eux; à un degré plus élevé,
les diverses cavités des individus qui composent la colonie
sont reliées entre elles.
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Une
colonie de Manchots à jugulaire. Ces oiseaux tirent leur nom
de l'étroite bande noire sous
leurs
têtes qui font apparaître comme si elles portent des casques
noirs. Source : The World Factbook.
Dans ces différents cas, tous les
animaux
associés ont entre eux la plus grande ressemblance. Chez d'autres
types, au contraire, on constate des différences et même le
polymorphisme peut être poussé à un degré si
élevé, que certains individus en deviennent méconnaissables
et qu'il ne faut rien moins que l'existence d'une série de formes
de passage reliant les extrêmes, pour permettre de reconnaître
leur nature; il est même des cas dans lesquels plusieurs individus
se fusionnent si bien entre eux, qu'il est devenu impossible, par l'étude
de la colonie développée, de discerner les limites de chacun.
Il est toujours facile de reconnaître les affinités prochaines
des animaux qui vivent dans ces sortes de sociétés, même
pour les plus différenciés d'entre eux, à cause de
l'existence de formes simples qui ont les mêmes caractères
et que l'on peut considérer comme leur ayant donné naissance;
l'observation, d'ailleurs, montre toujours, à part quelques exceptions
qui s'expliquent facilement, que la colonie naît d'un seul individu,
d'un individu simple, à la suite de deux processus qui se rattachent
intimement l'un à l'autre, la scission et le bourgeonnement.
La scission, qu'elle soit produite par
la simple division en deux de l'individu primitif, ou par une vraie segmentation,
s'observe surtout chez les formes les moins élevées en organisation,
là où l'organisme est très peu différencié,
où toutes ses parties sont à peu près homologues,
ou le deviennent à la suite d'un travail de fusion intime; le bourgeonnement
est plutôt le fait des formes supérieures. D'une façon
générale, on peut encore dire que, chez les invertébrés,
la colonie se développe dans tous les sens, quoique souvent d'après
des règles parfaitement déterminées, et que son ensemble
peut revêtir des formes très variables.
Nous venons de parler des associations
animales que l'on reconnaît, à première vue, sans difficulté,
pour des colonies, par suite de leur mode de formation, de la ressemblance
générale des individus qui les forment et de la netteté
que conserve d'ordinaire leur individualité; il est aussi des cas
où l'union de séries entières d'individus devient
si intime, leur dissemblance telle, leur dépendance à l'égard
les uns des autres si profonde, que leur individualité se perd et
qu'il ne faut rien moins qu'une étude attentive pour la reconnaître;
dans ce cas, l'on constate une tendance progressive à la fusion
des individualités primitives en une individualité d'ordre
supérieur. Enfin, d'autres fois, des considérations théoriques
seules, de caractère très vraisemblable à la vérité,
permettent, aux naturalistes d'admettre certaines formes de colonies animales,
celles qui constituent les vertébrés,
par exemple. Contrairement à ce que nous venons de dire, dans ces
colonies, de caractère beaucoup moins évident à première
vue, la reproduction sexuelle ne donne plus naissance, en apparence du
moins, à un être simple, mais bien à un organisme de
structure déjà fort complexe, an point de vue qui nous occupe. |
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