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Jean
Bodel est un poète français
du Moyen Age, né à Arras
dans la seconde moitié du XIIe siècle,
mort probablement dans la même ville vers 1210. On ne sait rien de
sa biographie, si ce n'est qu'en 1203, atteint de la lèpre, il dut
renoncer à un projet de voyage en Palestine
et solliciter des échevins d'Arras la faveur d'être admis
dans une des léproseries où ils disposaient de quelques lits.
C'est alors qu'il
composa une poésie touchante, les Congés, où
il dit adieu à ceux avec qui il avait vécu jusque-là,
aux gais compagnons avec lesquels il avait fait mainte partie fine, et
aux riches bourgeois qui avaient été ses protecteurs.
Les Congés de Jean Bodel ont été imités
plus tard par d'autres poètes artésiens, Baude Fastol et
Adam de la Halle. On a, en outre, de lui :
1°Le
Jeu de saint Nicolas (Le
théâtre en France au Moyen âge) de Jean
Bodel, représente dans sa première partie des chrétiens
luttant en Terre Sainte
contre les infidèles. Dans la première scène de ce
jeu, on voit un roi musulman qui donne des ordres pour réunir tous
ses émirs avec leurs troupes, contre les chrétiens qui ont
envahi son royaume. Au centre du théâtre, les chrétiens
sont assemblés; ils s'excitent mutuellement au combat. La seconde
partie se compose de scènes de taverne assez vivantes: des voleurs
qui se sont emparés d'un trésor, confié à la
garde de saint Nicolas, se décident à le rendre lorsque le
saint leur est apparu;
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Le Jeu de
Saint Nicolas (extraits)
« LI CRESTIIEN
PAROLENT
Sainz Sepulcres,
aie! Seignor, or del bien faire!
Sarrazin et paien
vienent po¨r nos forfaire.
Vez les armes reluire
: toz li cuers m'en esclaire.
Or le faisons si
bien que no proece i paire.
Contre chascun des
noz sont bien cent par devise.
UNS CRESTIIENS
Seignor, n'en dotez
ja : vez ci nostre juïse
Bien sai tuit i
morrons et Damedieu servise;
Mais mout bien m'i
vendrai, se m'espee ne brise
Ja n'en garira un
ne coife ne haubers.
Seignor, et Dieu
servise soit ui chascuns oferz
Paradis sera nostre
et eus sera enferz.
Gardez a l'assembler
qu'il encontrent noz fers.
UNS CRESTIIENS NOVEAUS
CHEVALIERS
Seignor, se je sui
juenes, ne m'aiez en despit!
On a veü sovent
grant cuer en cors petit.
Je ferrai tel forçor,
je l'ai piece a eslit
Sachiez je l'ocirai
s'il ainçois ne m'ocit.
LI ANGES
Seignor, soiez tuit
asseür
N'aiez dotance ne
peür.
Messagiers sui Nostre
Seignor,
Qui vos metra fors
de dolor.
Aiez, voz cuers
fers et creanz
En Dieu; ja por
cez mescreanz
Qui ci vos vienent
a bandon
N'aiez les cuers
se seürs non.
Metez hardiëment
voz cors
Por Dieu, car ce
est ci la morz
Dont toz li pueples
morir doit
Qui Dieu aime de
cuer et croit.
UNS CRESTIIENS
Qui estes vos, beaus
sire, qui si nos confortez,
Et si haute parole
de Dieu nos aportez
Sachiez se ce est
voir que ci nos recordez,
Asseür recevrons
noz enemis mortes.
LI ANGES
Anges sui a Dieu,
beaus amis
Por vo confort m'a
ci tramis.
Soiez seür,
car enz es cieus
Vos a Dieu fait
sieges eslieus.
Alez! Bien avez
comencié
Por Dieu serez tuit
detrenchié,
Mais la haute corone
aurez.
Je m'en vois. A
Dieu demorez!
[Une bataille
se livre sur le théâtre; les chrétiens sont tous massacrés,
à l'exception d'un vieillard qui est fait prisonnier, et qui doit
être l'occasion de l'intervention miraculeuse de saint Nicolas. -
Au-dessus des chrétiens morts, de nouveau apparaît l'ange.]
LI ANGES
A! chevalier qui
ci gisiez,
Con par estes boneüré!
Come, or cez ores,
despisiez
Le mont ou tant
avez duré!
Mais por le mal
qu'eü avez,
Mien escient, trés
bien savez
Queus biens ce est
de paradis,
Ou Dieus met toz
les siens amis.
A vos bien prendre
garde doit
Toz li monz, et
ensi morir;
Car Dieus mout doucement
reçoit
Ceus qui o lui vuelent
venir.
Qui de bon cuer
le servira
Ja sa peine ne perdera,
Ainz sera es cieus
coronez
De tel corone come
avez. » (Jean Bodel). |
2° les Saisnes,
(La chanson des Saxons),
chanson de geste, qui a pour sujet la guerre
de Charlemagne contre les Saxons et
leur chef Guiteclin, le Witikind
de l'histoire. L'auteur des Saisnes a puisé son sujet dans
une chanson de geste antérieure, aujourd'hui perdue, mais il y a
introduit beaucoup d'éléments nouveaux; il a donné
notamment une grande place à l'amour. Plusieurs spécialistes
ont émis des doutes sur l'attribution de ce poème à
Jean Bodel;
3° des pastourelles,
au nombre de quatre où se trouvent des allusions aux troubles de
la Flandre au début du règne
de Philippe-Auguste.
Il est probable, en
outre, que huit fabliaux, attribués
par les manuscrits à un Jean Bedel inconnu, sont également
l'oeuvre de Jean Bodel. (Ant. Thomas). |
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