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Witikind

Widukind ou Witikind (des deux anciens mots saxons wite kind, qui signifient l'enfant blanc) est un des héros les plus célèbres de l'ancienne Germanie. On n'a que des traditions fort incertaines sur son origine. Quelques chroniques du Moyen âge lui donnent pour père un prince Werneking, qui était un des principaux chefs de la nation saxonne. Cette nation puissante habitait le territoire compris entre le Rhin et l'Elbe, et elle s'avançait même au nord jusqu'à l'Oder. Tributaires des Francs saliens dès les premiers siècles de la monarchie, les Saxons trouvaient dans ce tribut même un prétexte continuel de guerre. Ils essayèrent de profiter de l'éloignement de Charlemagne, occupé d'expéditions dans le midi de l'Europe, pour faire une irruption dans la partie septentrionale de ses Etats. L'empereur accourt, passe le Rhin à Worms, prend et rase la forteresse d'Ehresbourg (auj. Stadtberg), boulevard de la Saxe, et reçoit sur les bords du Weser les supplications, les otages et les serments des vaincus. Son premier soin est de renverser l'idole qui était l'objet principal de la vénération du pays, et que les historiens français appellent communément Irminsul

C'est alors (vers 773) que parut un nouvel Hermann, ce Witikind, le seul rival qui se montra digne de Charlemagne par sa valeur et par sa constance. Cet homme, aussi éloquent qu'intrépide, ne cessait d'exhorter les Saxons à la défense de leur pays. Non content de voler d'une peuplade à une autre pour les animer toutes de son, esprit, il dirigea sa politique vers les puissances étrangères, et parvint ainsi à attirer les armes de l'empereur en Italie. Mais ce personnage, accoutumé à passer rapidement d'une extrémité de ses vastes Etats à l'autre, reparaît tout à coup au milieu des Saxons (774); s'avance cette fois au delà du Weser; et, après les avoir écrasés de nouveau, cède à leurs protestations de fidélité. Pendant que leur conversion au christianisme était la seule garantie qu'ils pussent lui offrir de leur soumission future, il voulut introduire le baptême parmi ces sauvages belliqueux; mais les Angriens furent à peu prés les seuls qui se montrèrent dociles.

Deux ans se passèrent ensuite assez tranquillement. Mais en 776 l'amour de l'indépendance excite une nouvelle guerre, les Francs sont battus, Ehreshourg est repris. Alors l'infatigable Charlemagne revient contre les Saxons avec rapidité. Il les attaque, les défait à Siegenbourg (ville de la victoire) et les extermine à la bataille des sources de la Lippe. Ceux qui ont échappé au massacre demandent à genoux miséricorde et le baptême; et le vainqueur consent à leur laisser la vie au prix d'une abjuration; il élève des forts, s'empare des bourgades principales, désigne la ville de Paderborn pour être le lieu où se rendront les leudes, les grands du Royaume Franc, et y convoque les principaux Saxons. Tous lui promirent ce qu'il exigea. Un seul de leurs chefs refusa d'y paraître; cet homme était Witikind. 

Pendant que ses compatriotes s'humiliaient, Witikind alla porter sa haine et sa douleur à la cour de Sigefroi, roi des Danois. Cette époque n'est que trop remarquable : ce fut cette alliance de Witikind avec le chef de ces terribles Vikings, ce furent ces continuelles instigations qui, pendant plus d'un siècle, les attirèrent sur les côtes de France. Se croyant désormais maître absolu de la Saxe, Charlemagne porte la guerre au delà des Pyrénées; mais au moment même où il essuyait l'échec de Roncevaux, il apprend que les nouveaux chrétiens des pays situés entre le Rhin et le Weser ont derechef secoué son joug, et que Witikind, plus audacieux que jamais, se remet à leur tête. Charlemagne, avec la rapidité de la foudre, passe d'Espagne en Westphalie, et atteint Witikind à Bucholt sur les bords de la Lippe. Les Saxons, malgré les efforts héroïques de leur chef, sont terrassés et obligés d'implorer cette fois encore la clémence du vainqueur (779). 

Mais Charlemagne s'éloigne de nouveau, et Witikind médite aussitôt des projets de délivrance. À sa voix éclate une insurrection plus générale et plus violente qu'aucune de celles qui avaient précédé. Réprimée presque aussitôt, elle est réorganisée par Wilikind. Le comte Théodoric, parent de l'empereur, marche à sa rencontre avec une armée considérable. partagée en trois corps. Le chef saxon profite habilement de cette division, et, déployant contre les Francs cette habileté qui ne pouvait être vaincue que par celle de Charlemagne, il remporte la victoire la plus complète, au pied du mont Sinthal, près du Weser (782). 

Charlemagne ne voulut confier qu'à lui-même le soin de sa vengeance. A son aspect, les Saxons, frappés de terreur, demandent grâce comme s'ils étaient déjà vaincus. Près de cinq mille périssent massacrés à Verden, et expient ainsi le crime d'avoir été braves à Sinthal. Cette éclatante vengeance ne fit qu'exaspérer les Saxons et les rendre plus dociles aux insinuations de Witikind, qui, abandonné de tous les siens, réduit à prendre la fuite, épiait encore le moment de rentrer dans la lice, et ne tarda pas à y reparaître. La fureur qui le transportait aveugla sa prudence : trois fois il osa livrer bataille en plaine aux troupes franques, mieux disciplinées que les siennes, et trois fois il éprouva la plus sanglante défaite. Instruit par l'expérience, il se remit sur la défensive, et profits avec habileté des montagnes et des forêts dont le théâtre de la guerre était hérissé. 

Après plusieurs campagnes où le sang coula par torrents, Charlemagne, convaincu que l'indomptable chef des Saxons ne lui laisserait que des déserts et des ruines, prit enfin la résolution de traiter directement avec Witikind. Il lui envoya des prélats qui vantèrent avec adresse les douceurs de la vie civile, les charmes de la paix, et s'attachèrent surtout à le convaincre de sainteté du christianisme. La persuasion, à moins que ce ne soit bien plutôt la lassitude, fit ce n'avait pu faire la force des armes : Witikind, dépouillant toute haine, ne craignit pas de se fier à la générosité de Charlemagne. Il se rendit auprès de ce prince à Attigny-sur-Aisne, et se résolut à accepter d'être baptisé en sa présence, ainsi que plusieurs chefs saxons qui l'accompagnaient (786). C'est alors que Charlemagne lui conféra le titre de duc de Saxe, qui n'impliquait d'ailleurs aucun droit de souveraineté sur le pays. 

Witikind, étant retourné en Allemagne, se montra scrupuleux observateur des traités avec les Francs. Il fut tué en 807, dans un combat contre Gérold, duc de Souabe. Depuis sa conversion, sa vie fut apparemment si chrétienne, que quelques chroniques n'ont pas hésité à le mettre au rang des saints. Des généalogistes en  font la tige de la troisième dynastie des rois de France (Capétiens).

"Sa postérité, dit Étienne Pasquier, commença de  s'établir en France, et fut destinée pour la fin et clôtura de celle de Charlemagne." 
Selon cet auteur, Witikind II, fils du chef saxon, ayant pris au baptême le nom de Robert, fut père de Robert le Fort, bisaïeul de Hugues Capet. Tout cela semble bien fantaisiste. (S-v-s).
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Dictionnaire biographique
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