|
. |
|
La Chanson (ou le Chant) des Saxons (ou des Saisnes) ou encore Widukind de Saxe est une chanson de geste qui appartient au cycle carolingien. Le sujet de ce poème est la guerre de Charlemagne contre les Saxons. Guiteclins (Witikind ou Widukind) apprend la défaite de l'empereur à Roncevaux, et la mort d'Olivier et de Roland : il mande aussitôt ses barons, convoque tous les rois sarrasins, ses alliés, et envahit les possessions de Charles sur la rive droite du Rhin. l'empereur appelle ses barons; mais ils lui représentent qu'il les a retenus quatorze années en Espagne, qu'ils sont fatigués de toujours faire la guerre sans profit, et déclarent qu'ils lui refuseront désormais le service militaire s'il ne fait payer l'impôt de quatre deniers à la gent de Hérupe (Maine, Anjou, Bretagne, Normandie). Charles envoie l'ordre au comte du Mans de payer cet impôt, et de venir à la tête de ses vassaux pour repousser les Saxons. Le comte convoque tous les barons de Hérupe, et leur communique le message de l'empereur : après une délibération fort tumultueuse, il est décidé que les barons attacheront les quatre deniers au bout de leurs lances, et iront en bataille défier l'empereur de venir recevoir l'impôt. En effet, ils se mettent en marche, pillent Paris et tout le royaume jusqu'au Rhin, et, arrivés à une petite distance d'Aix-la-Chapelle, envoient deux messagers à Charles pour lui porter leur défi. Charles les accueille avec courtoisie, et jure qu'il n'a jamais songé à leur demander d'autre impôt que le service militaire. La paix est faite; les Hérupois retournent chez eux. Cependant les Saxons font des progrès; Guiteclins doit surprendre les Français et les exterminer. Mais la belle Sébile, femme de Guiteclins, est persuadée qu'un jour viendra où elle devra renoncer à la loi de Mahomet pour suivre celle du Christ. D'ailleurs elle a dans l'armée française un ami de coeur, Baudouin, le propre neveu de l'empereur. Elle écrit donc à Charles pour lui faire connaître en détail le plan d'attaque des Saxons. Manuscrit du Chant des Saxons. Les Français sont vainqueurs. Les Hérupois, que Charles avait mandés, arrivent et se couvrent de gloire. Mais Charles n'a pas encore passé le Rhin : pendant 2 ans et 4 mois il est retenu sur la rive gauche du fleuve, toujours gros et profond. Baudouin, appelé par l'amour, pénètre plusieurs fois dans le camp des Saxons. Charles le gourmande, et lui défend de s'exposer sans profit pour l'armée. Baudouin s'emporte, et reproche à son oncle de n'avoir fait encore aucune prouesse contre les Saxons. Charles, irrité, sort de son camp le lendemain avant le jour, traverse le fleuve, et se dirige vers les Saxons. II rencontre huit rois maures; il en tue cinq, les autres prennent la fuite. De retour parmi les siens, il appelle Baudouin, et lui déclare qu'il ne lui pardonnera son insulte de la veille qu'à une condition : c'est qu'il traversera le fleuve, qu'il embrassera sa mie à la vue des Saxons, et qu'il lui rapportera l'anneau d'or de la belle. Baudouin, obligé d'accepter cette condition, passe le fleuve encore une fois, tue l'infidèle Justamon, revêt ses armes, prend son cheval, et, ainsi déguisé, pénètre facilement dans la tente de Sébile. Mais pendant que les amants s'ébattent, un espion voit leurs jeux; il court avertir Guiteclins, qui arrive avec 500 hommes. Baudouin le défie en combat singulier, le renverse d'un coup de lance, et revient dans le camp de Charles, à qui il présente l'anneau de Sébile. Jusqu'alors il n'y a pas eu de bataille générale; les deux armées sont toujours séparées par le fleuve. Le jour de la Pentecôte, une biche, poursuivie par des chiens, se jette dans le Rhin. Charles voit dans cet événement un avertissement de Dieu; il ordonne de construire en cet endroit un pont assez large pour laisser passer cent chevaliers de front. Les barons ne veulent pas faire métier de bûcherons, et se retirent. Charles leur fait dire que, s'ils ne reviennent aussitôt dans son camp, il va faire la paix avec Guiteclins, pour ensuite les exterminer. Les barons effrayés exécutent les ordres de l'empereur. Le pont est construit; une grande bataille se livre sur la rive droite du Rhin. Charles tue Guiteclins; Sébile reçoit le baptême, et devient l'épouse de Baudouin, à qui l'empereur donne !e royaume de Saxe. Ici finit la première partie de la Chanson des Saxons. La Chanson des Saxons est un des plus anciens romans de chevalerie; elle remonte au XIIIe siècle. L'auteur, Jean Bodel, était d'Arras; il n'a pas épargné dans son poème les expressions empruntées au patois artésien, ce qui en rend quelquefois la lecture difficile. Du reste, c'est une oeuvre véritablement héroïque. En voyant ces chevaliers qui se défient sur le champ de bataille, qui rappellent leurs exploits, qui se demandent leurs noms, qui se menacent et se battent en présence des deux armées, on croit assister à une des batailles décrites par Homère. Quant à l'exactitude historique, elle est nulle, comme dans tous les romans de chevalerie. Les Saxons sont représentés comme adorateurs de Mahomet, et l'on voit parmi leurs alliés des princes de Pologne, de Hongrie, de Turquie, de Perse, de Nubie, de Maroc, etc. Dans le roman, Witikind est tué par Charlemagne; dans l'histoire, il se fait chrétien : si l'auteur a conservé le dénouement historique, il n'aurait pu couronner l'amour de Baudouin, qui est le véritable héros du poème. Baudouin fait mille prouesses pour l'amour de sa dame; c'est un parfait modèle de chevalerie. Les barons sont insolents vis-à-vis de l'empereur; ils lui marchandent leurs services; c'est bien la féodalité du XIIe siècle, mais elle n'a rien de commun avec Charlemagne. Un épisode curieux est le siège de Saint-Herbert, dont la tradition s'est conservée pendant tout le Moyen âge. Charles, avec les rois ses alliés, est tout entier à la guerre: les reines et les duchesses, qu'on a laissées à Saint-Herbert, y mènent joyeuse vie, et, pour se soustraire à la vengeance de leurs maris, elles se fortifient dans la place. Charles en fait le siège; après une belle défense, les dames sont vaincues. D'après l'ordre de l'empereur, chacun reprend sa femme, et il est convenu qu'on oubliera à jamais le siège de Saint-Herbert. Cet épisode a été retranché de plusieurs manuscrits, comme peu conforme à la réputation d'honneur des dames françaises. (H. D.).
|
. |
|
| |||||||||||||||||||||||||||||||
|