| Lai, c.-à-d. chant, pièce de poésie fort en vogue chez nos anciens poètes. Le mot était à peu près synonyme de fabliau. Le lai était primitivement un récit de grands et nobles faits; puis il devint un conte, une nouvelle quelconque, où le merveilleux se mêlait presque toujours aux événements historiques. On le chantait en s'accompagnant de la harpe ou de la rote. II n'avait pas, à la vérité, la forme lyrique favorable à la musique, et n'était point divisé en stances; mais le chant n'était probablement qu'une sorte de déclamation rythmée. L'abbé de La Rue donnait aux lais une origine armoricaine; Ampère les rapporte plutôt à la Germanie, soit à cause des allusions aux croyances scandinaves qu'ils renferment, soit pour la ressemblance du mot lai avec les mots leoth en saxon et lied en allemand. Quoi qu'il en soit, les lais bretons, qui ont inspiré bon nombre de romans de la Table ronde, ne nous sont point parvenus généralement dans la langue originale; des traductions les ont sauvés de l'oubli. Un des anciens lais français est le Lai du prisonnier ou d'Ignaurès, par Renaud, lequel remonte au moins à l'an 1200; il a été publié par Monmerqué et Francisque Michel (Paris, 1832, in-8°). Parmi les Trouvères qui ont écrit des lais, nous citerons Marie de France, Christine de Pisan, Froissart, Guillaume de Machau, Eustache Deschamps. Beaucoup de compositions de ce genre sont anonymes. Les écrivains des âges suivants y ont souvent puisé : ainsi, le Lai du Frêne est le premier type de la nouvelle que Boccace a composée sous le titre de Grisélidis; Marmontel, dans son conte du Philosophe, a imité le Lai d'Aristote d'Henri d'Andeli. L'ancien lai était une suite de vers de 8 pieds; mais, le chant appelant la forme lyrique, il devint une sorte de romance, et fut alors partagé en stances. Au XIVe siècle, il se composait ordinairement de 24 stances, ayant chacune 4, 6, 8 ou 12 vers, sur deux rimes au plus. Souvent ces vers étaient coupés de deux en deux par un vers plus court. En voici un exemple : Sur l'appui du monde Que faut-il qu'on fonde D'espoir? Cette mer profonde, En débris féconde, Fait voir Calme au matin l'onde, Et l'orage y gronde Le soir. Quand, après la première stance, on faisait virer (tourner) les grands vers en petits, et les petits en longs, la pièce devenait un Virelai. Au XVIe siècle, ces modifications avaient enlevé au lai son caractère primitif; ce n'était plus qu'une forme poétique, à laquelle on renonça bientôt. Victor Hugo, dans son drame de Cromwell, a écrit la ballade du fou sur le rythme d'un lai. (B.).
| En bibliothèque - Bitson, Ancient english metrical romances; Ellis, Specimen of the english poets; Lais inédits des XIIe et XIIIe siècles, publiés par Francisque Michel, Paris, 1830, in-12; F. Wolf, Sur les Lais, en allemand, Heidelberg, 1841, in-8°. En librairie - Marie de France, Le lai du Rossignol et autres lais courtois, J'ai Lu (Librio), 2001. - Oeuvres complètes (lais fables, le purgatoire de Saint patrick), Paléo. Lais anonymes de Bretagne, Paléo, 2003. - Collectif, Lais féériques des XIIe et XIIIe siècles, Flammarion, 1999. E. Hoepffner, Les lais de Marie de France, Nizet, 2000. - Jean Dufournet, Amour et Merveille (le Lai de Marie France), Honoré Champion, 1995. - Jean-Claude Aubailly, La fée et le chevalier, essai de mythanalyse de quelques lais des XIIe et XIIIe siècles, Honoré Champion, 1986. - McCleland, Vocabulaire des lais de Marie de France, Presses universitaires d'Ottawa. | | |