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Le
masque
a été connu dès la plus haute antiquité, mais il n'a eu longtemps qu'une
signification religieuse; dans les nécropoles d'Égypte
et dans les tombeaux de Mycènes, c'est une
simple feuille d'or, dont on a moulé le visage du mort pour conserver
ses traits. Le masque proprement dit, ou masque de théâtre, paraît bien
ĂŞtre d'origine purement grecque. Selon Suidas,
il aurait été inventé par les premiers poètes comiques, contemporains
de Thespis; suivant Horace,
il aurait été imaginé par Eschyle. Il est
très vraisemblable en effet que le masque, comme tout l'appareil scénique,
est sorti des divertissements sérieux ou bouffons des Dionysiaques.
On avait commencé par déguiser ses traits en se barbouillant de lie de
vin. Ensuite, on fabriqua des masques en écorce, puis en cuir, finalement
en toile avec, un enduit de cire. Cet usage avait une double raison d'ĂŞtre.
D'abord, les représentations dramatiques ayant un caractère religieux,
il fallait figurer exactement aux yeux du public le type traditionnel des
héros ou des dieux.
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Masques
vénitiens. © Photo : Serge
Jodra, 2012.
Puis, le spectacle
ayant lieu en plein air devant une foule nombreuse, il était indispensable
de renforcer la voix des acteurs. Aussi avait-on soin de disposer des bandes
de métal autour de la bouche; et parfois le masque en était partout garni
intérieurement. C'était comme une sorte de porte-voix; doit le nom qu'il
prit Ă Rome (persona : qui retentit). Garni de cheveux, toujours
peint, soigneusement modelé et parfois sculpté, le masque enfermait toute
la tète de l'acteur, ne laissant d'ouvertures que pour les yeux et la
bouche. Exécuté par d'habiles ouvriers à demi artistes, il produisait
véritablement l'illusion scénique, d'autant mieux que l'acteur en changeait
plusieurs fois au cours d'une représentation, suivant la situation et
les sentiments des personnages. Il existait chez les Grecs une infinie
variété de masques; les uns pour la tragédie, d'autres pour la comédie,
d'autres encore pour le drame satyrique.
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Bas-relief
antique offrant un masque de théâtre.
Dans chacun de ces
genres on distinguait une foule de types différents : dieux ou héros,
vieillards, jeunes gens, femmes esclaves. Et chacun de ces types comprenait
plusieurs catégories, où s'accusaient le caractère, la condition
sociale ou le sentiment. Il y avait des masques orchestriques pour les
choeurs de danse, des masques de profession (marchands, soldats, cuisiniers,
pédagogues, etc.), même des physionomies historiques consacrées par
la tradition (Socrate, etc.). La plupart de ces
types sont bien connue aujourd'hui, grâce aux nombreux masques qui sont
représentés sur les monuments figurés, bas-reliefs ou terres cuites,
peintures de vases, fresques de Pompéi, miniatures
des manuscrits.
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Masque
de "Socrate".
A Rome, pendant longtemps,
les acteurs ne se grimèrent qu'à l'aide d'une énorme coiffure; pourtant
le Masque y était connu très anciennement, puisqu'on l'employait dans
certaines fĂŞtes religieuses, dans les triomphes
et les cortèges des funérailles. Au théâtre, le masque grec ne s'introduisit
qu'au temps de TĂ©rence, mais il y resta jusqu'Ă
la fin de l'Empire. Même il résista aux invasions des barbares. Il se
conserva dans les pantomimes italiennes, dans certaines fĂŞtes religieuses
comme la fĂŞte des Fous, dans les tribunaux de l'Inquisition
ou au conseil des Dix.
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Masques
indiens, au Guatemala. Source : The World Factbook.
A la Renaissance,
il fut à la mode dans toute L'Europe, surtout grâce à la comédie italienne.
On le trouve en France Ă la cour de Charles VI,
puis à celle des derniers Valois, comme au théâtre de la Foire ou dans
les sociétés secrètes. Enfin, Venise inventa
le masque de velours ou de satin noir, qu'à plusieurs reprises ont adopté
nos élégants. Aujourd'hui, nos masques de carnaval
sont le lointain souvenir des mascarades sacrées du culte de Dionysos.
(P. M.).
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Masque
de tragédie
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Masque
de comédie.
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Paul-André
Sagel, Nicolas Raccah, Le théâtre du monde : une histoire des masques,
Belles lettres, 2009.
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