| Charles-Auguste-Louis-Joseph, duc de Morny est un homme d'Etat français, né à Paris le 21 octobre 1811, mort à Paris le 10 mars 1865. Fils naturel de la reine Hortense (femme de Louis Bonaparte) et du général de Flahaut, il fut élevé par sa grand-mère paternelle, Mme de Souza, entra en 1830 à l'Ecole d'état-major, fut nommé deux ans plus tard sous-lieutenant de lanciers, fit plusieurs campagnes en Afrique, où il servit comme officier d'ordonnance du général Trézel, puis démissionna et revint en 1838 à Paris, où son dandysme, son esprit de salon, ses succès mondains, ses prodigalités firent bientôt de lui le roi de la mode. Très porté aux spéculations industrielles et financières, il fonda bientôt dans le Puy-de-Dôme une importante raffinerie de sucre, se fit envoyer à la Chambre des députés (en 1842) par les électeurs de Clermont-Ferrand, qui le réélurent en 1846, prononça, sans grand éclat, quelques discours d'affaires et, après avoir paru s'attacher sans réserve au parti conservateur, commença, quand il vit le gouvernement de Juillet sérieusement ébranlé, à s'éloigner discrètement de lui. La révolution de Février le fit rentrer pour un temps dans la vie privée et compromit gravement ses intérêts. Mais il put bientôt après se jeter dans de nouvelles entreprises, grâce au concours du Comptoir d'escompte. Du reste, l'avènement de son frère naturel Louis-Napoléon à la présidence de la République fut peu après pour sa froide et peu scrupuleuse ambition le point de départ d'une éclatante fortune. Envoyé en 1849 à l'Assemblée législative par le département du Puy-de-Dôme, il ne se borna pas à soutenir de ses votes la politique, de l'Elysée. Il mit tout son savoir-faire à recruter des partisans à son frère et fut le préparateur le plus patient, le plus habile du coup d'Etat du Deux-Décembre, qu'il exécuta comme ministre de l'Intérieur avec autant d'énergie que de mépris pour le droit et la légalité. S'il donna peu après (23 janvier 1852) sa démission par convenance, pour ne pas paraître approuver la confiscation des biens de la famille d'Orléans, il n'en resta pas moins le confident le plus intime et le plus écouté de Louis-Napoléon. A la faveur de l'Empire, qui lui devait tant, il put se jeter à corps perdu dans une foule de spéculations plus ou moins suspectes, où il acheva de donner la mesure de sa moralité (la funeste guerre du Mexique devait résulter en 1861 de l'une d'elles). Ambassadeur extraordinaire en Russie en 1856 et 1857, il profita de son séjour dans ce pays pour faire un grand mariage. Il avait succédé en 1854 à Billault comme président du Corps législatif (dont il faisait partie depuis 1852 comme député de Clermont-Ferrand). Il resta jusqu'à sa mort à la tête de cette assemblée, dont il dirigeait les débats avec une bonne grâce hautaine, spirituelle et railleuse, qui le faisait craindre plutôt qu'aimer. Voyant l'opposition démocratique renattre et l'opposition cléricale se former au Palais-Bourbon, il conseilla à Napoléon III de faire quelques concessions - apparentes - au parti de la liberté, si durement traité depuis le coup d'Etat, et fut le principal instigateur du décret du 24 novembre 1860 qui rendit aux Chambres le droit d'adresse et permit la publication intégrale de leurs débats. D'autre part, il s'efforça, non sans succès, de désagréger le petit groupe républicain des Cinq, et l'évolution d'Émile Ollivier, qui finit par s'en séparer en 1864, peut être considérée comme son oeuvre. Morny, à qui le titre de duc avait été conféré en 1862 par Napoléon III, mourut à cinquante-quatre ans, prématurément usé par les plaisirs, au moins autant que par le souci des affaires. Dans ses moments de loisir, il avait écrit et fait représenter, sous le pseudonyme de Saint-Remy, plusieurs opérettes et vaudevilles qui eurent un certain succès. La plus connue de ces petites pièces est intitulée M. Choufleury restera chez lui le... (A. Debidour). | |