Günter Grass

Grass naît dans une famille modeste. Son père est d'origine allemande, et sa mère est d'origine polonaise. À l'âge de 15 ans, en 1943, Grass est enrôlé dans les Jeunesses hitlériennes, comme beaucoup de jeunes Allemands à cette époque. Il est ensuite enrôlé dans la Waffen-SS en 1944, à l'âge de 17 ans, un aspect de son passé qu'il révèlera tardivement et qui provoquera une controverse. En 1945, il est capturé par les troupes américaines et passe plusieurs mois dans un camp de prisonniers de guerre. Après la guerre, Grass travaille dans des mines de potasse et comme tailleur de pierres avant d'entamer des études artistiques. Il s'inscrit à l'Académie des arts de Düsseldorf où il étudie la sculpture et les arts graphiques. Il continue sa formation à l'Académie des beaux-arts de Berlin.

Grass commence à écrire des poèmes et des pièces de théâtre. En 1955, il rejoint le Groupe 47, un cercle d'écrivains important pendant l'après-guerre. Grâce à ce groupe, Grass se lie avec des écrivains comme Heinrich Böll, qui le soutiennent dans son élan littéraire. En 1956, il publie son premier recueil de poésie, Les Avantages des poules mouillées (Die Vorzüge der Windhühner). Son premier roman, Le Tambour (Die Blechtrommel), est publié en 1959 et marque un tournant dans la littérature européenne. Le livre, qui retrace la vie d'Oskar Matzerath, un enfant qui refuse de grandir dans une Allemagne nazie, est une satire sombre du nazisme et du passé allemand. Le roman est salué internationalement et est adapté en film par Volker Schlöndorff en 1979 (Palme d'Or à Cannes et Oscar du meilleur film étranger). Le Tambour est le premier volet de la trilogie de Dantzig, qui inclut aussi Le Chat et la Souris (Katz und Maus, 1961) et Les Années de chien (Hundejahre, 1963). Cette trilogie eaborde les thèmes de la culpabilité, de la mémoire et de la responsabilité collective.

En 1965, Grass reçoit le prix Büchner, l'une des plus hautes distinctions littéraires en Allemagne. Sa renommée s'étend au-delà des frontières allemandes. Il devient l'un des écrivains de langue allemande les plus influents de sa génération. Par ailleurs, à partir des années 1960, Grass s'engage politiquement auprès des sociaux-démocrates. Il devient un fervent défenseur de la justice sociale et de la réconciliation allemande, ce qui l'amène à soutenir activement la campagne de Willy Brandt, notamment en 1969. 

Au cours de la décennie suivante Grass poursuit son travail d'écriture et de création artistique. Son style, souvent marqué par le réalisme magique et un humour caustique, continue de gagner en influence, et son approche unique de la satire et de la critique sociale fait école. Il continue également à s'impliquer dans des débats politiques, utilisant sa notoriété pour exprimer des opinions parfois controversées. Il défend des positions antinazies, antifascistes et anti-autoritaires, des thèmes qui traversent son Å“uvre littéraire et ses prises de position publiques. Il critique également le capitalisme et la consommation excessive. Parmi les romans de cette période, on retiendra Le Turbot et De la mort d'un locataire : 

• Le Turbot (Der Butt, 1977). - Ce roman, publié en 1977, est une réécriture moderne des contes populaires avec un ton féministe. Il s'agit d'une allégorie historique et politique complexe qui explore les relations de pouvoir entre hommes et femmes, et l'évolution de la société à travers les siècles. Le style est marqué par un réalisme magique et une narration polyphonique.

• De la mort d'un locataire (Das Treffen in Telgte, 1979). - Grass continue de se pencher sur l'histoire allemande à travers ses écrits. Ce livre, publié en 1979, imagine une rencontre fictive entre plusieurs écrivains allemands au XVII^e siècle, à la fin de la guerre de Trente Ans, pour réfléchir à la dévastation du pays.

• Le Rat (Die Rättin, 1986). - Dans ce roman post-apocalyptique, Grass présente une vision pessimiste de l'avenir de l'humanité, vue à travers les yeux d'un rat. Le livre aborde des thèmes écologiques et dénonce la destruction de la planète par l'activité humaine.

• Mon siècle (Mein Jahrhundert, 1999). - Ce livre présente une série de courts récits couvrant les événements majeurs de chaque année du XX^e siècle. Grass y examine les tensions entre mémoire collective et individuelle, offrant une vue d'ensemble de l'histoire allemande à travers une mosaïque de perspectives.

En 2006, Grass fait une confession dans son autobiographie En épluchant l'oignon (Beim Häuten der Zwiebel), admettant qu'il avait été enrôlé dans la Waffen-SS à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à l'âge de 17 ans. Cette révélation crée un choc, car Grass s'était toujours présenté comme une voix morale dans l'Allemagne d'après-guerre. De nombreux intellectuels et écrivains critiquent Grass pour avoir gardé le silence pendant tant d'années, alors qu'il avait construit sa réputation sur la dénonciation du passé nazi de l'Allemagne. D'autres, comme l'écrivain Heinrich Böll, défendent son oeuvre et son engagement malgré cette révélation.

En 2012, Grass publie un poème intitulé Ce qui doit être dit (Was gesagt werden muss), dans lequel il critique la politique israélienne vis-à-vis de l'Iran et s'oppose à ce qu'il perçoit comme une menace nucléaire émanant d'Israël. Ce poème provoque une controverse internationale, Israël l'accusant d'antisémitisme, et il est déclaré persona non grata dans le pays. Grass répond qu'il se considère simplement comme un critique des politiques de l'État israélien, et non du peuple juif. Jusqu'à la fin de sa vie, Grass continue à écrire. Son dernier livre, Vonne Endlichkait (2015), est un recueil de réflexions sur la fin de la vie et la mort. Il montre un Grass vieillissant, toujours engagé, qui continue de réfléchir sur l'histoire et sur son propre héritage littéraire et moral.