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L'histoire du commerce
Le commerce de l'Inde
Antiquité.
Dans l'Inde, soumise déjà dans l'Antiquité au régime des castes, les marchands, avec les agriculteurs, et les artisans, forment les classes inférieures. Les grands pèlerinages vers les lieux saints, tels que Bénarès, Ellora, etc., concentrent le commerce intérieur autour des temples et le rattachent au culte. En possession d'immenses richesses naturelles et d'une industrie remarquable, l'Inde peut se passer des autres pays. Dans son commerce extérieur, elle laisse donc les ennuis et les périls des longs voyages aux étrangers, qui viennent à ses frontières acheter ses produits avec de l'or et surtout avec de l'argent. Mais pour certains produits qui manquent à l'Occident et dont il ne peut se passer, les épices, les matières tinctoriales, le coton, les pierres précieuses, l'ivoire et les bois de prix, l'Inde exerce un attrait irrésistible. Ses habitants n'e sont pas navigateurs. Les étrangers abordent à un certain point du littoral occidental.

Les documents égyptiens, hébraïques et autres nous permettent d'affirmer l'existence d'un commerce suivi, dès une époque très ancienne. Ce commerce se fait par mer en profitant du phénomène des moussons qui rapproche singulièrement les deux rivages asiatique et africain de l'océan Indien. C'est probablement dans ces parages que commenÃce la grande navigation, que l'on se lance en pleine mer, tournant le dos aux côtes, et il est possible que ce soient de leurs ancêtres du golfe Persique que les Phéniciens aient tenu cette audace nautique qui en fera les premiers grands navigateurs de la Méditerranée et de l'Atlantique. Le commerce a lieu d'abord entre l'Inde et l'Egypte, par l'intermédiaire de l'Arabie. Les bas-reliefs du temple de Déir-el-Bahari nous montrent la reine Hatasou, rapportant du Yémen qu'elle a conquis les produits et les animaux de l'Inde, singes, dents d'éléphant, pierres précieuses, bois de santal, à côté de ceux de Afrique, lions, girafes, bois d'ébène, plumes d'autruche et de ceux du pays, monceaux d'encens.

Dans ce commerce dont l'activité ne se ralentit pas jusqu'à la décadence de l'Empire romain, le rôle des habitants de l'Arabie a toujours été celui d'entrepositaires plutôt que celui de navigateurs. Il en est encore ainsi à l'âge sur lequel nous possédons le plus de renseignements positifs, c.-à-d. dans les environs de l'ère chrétienne. C'est seulement dans le port de Muza (aujourd'hui Mauschid) que les auteurs anciens signalent la construction de gros navires capables de faire la traversée de l'Inde. Les bateaux de cuir qu'Agatharchide et Strabon attribuent aux Sabéens ne peuvent servir qu'à un cabotage peu étendu le long des côtes et ne pourraient pas être en état d'affronter la vaste traversée de l'Oman aux bouches de l'Indus. Presque tous les navires qui font cette course hardie appartiennent  à des ports situés au delà du golfe Persique. Agatharchide raconte que beaucoup sortent de la Caramanie où se trouve la fameuse échelle d'Harmozia (Ormuz), et Lassen a prouvé (Indische Alterthumkunde, t. II) d'une manière décisive que la grande majorité sont Indiens. Ainsi dans les relations étroites et constantes qui pendant bien des siècles existent entre l'Inde et l'Arabie, ce sont les Indiens qui viennent commercer dans le Yémen plutôt que les Sabéens dans l'Inde. C'est pour cela qu'une île qui joue dans l'océan Indien un rôle fort analogue à celui de Malte dans la Méditerranée, file de Socotora (Dvipa Sukha tara, Dioscoridis), tour à tour phénicienne, grecque, syrienne, arabe, nous apparaît dans la haute antiquité comme tout à fait indienne.

Les ports où les marchandises précieuses de l'Inde sont apportées sont : au Yémen, Muza (Mauschid) et surtout Aden, principal foyer de ce commerce, où les richesses qui y afflluent valurent d'être appelées spécialement par les Grecs Arabie heureuse, à la frontière du Yémen et du Hadramaut, Cané (aujourd'hui Hisn-Ghorâb); dans le pays de Mahràh, Moscha ou Séfar (Zhafâr). En même temps d'autres vaisseaux partis de l'Inde, ne voulant pas faire une traversée aussi longue, se décharge sur la côte de l'Oman dans le port d'une autre Moscha (Mascate). Il y en a enfin, et ceux-là sont spécialement ceux dont la cargaison est destinée à Babylone et à la vallée de l'Euphrate, qui pénétrent dans le golfe Persique; ils vont dans les îles de Tylos et d'Arvad quand les Cananéens les occupent encore et n'ont pas entrepris leur migration vers la Syrie; plus tard, ils se rendent sur la côte de la province de Bahrein occupée par les Houschites de Dedan. Les principales marchandises que l'on fait venir de l'Inde sont l'or, l'étain, les pierres précieuses, l'ivoire, le bois de santal, les épices, poivre et cannelle, et le coton. 

A côté de ces articles on voit s'accumuler dans les entrepôts de l'Asie méridionale ceux qu'un cabotage actif, fait cette fois par les Sabéens, va chercher sur la cote d'Afrique opposée à leur pays et bien peut distante, où Mosyllon (actuellement Ras-Abourgabeh) est le port le plus important ce sont les aromates qui ont ddonné leur nom à cette côte, le bois d'ébène, les plumes d'autruche, puis encore de l'or et de l'ivoire. Ajoutez à cela les produits même du sol de l'Arabie méridionale, qui ne sont guère moins précieux et recherchés, encens, myrrhe, laudanum, pierres dures telles qu'onyx et agates, enfin l'aloès de l'île de Socotora et les perles pêchées dans le golfe d'Ormuz, et vous aurez la liste des articles qui constituaient le commerce de cette contrée. Vous aurez en même temps, par le simple énoncé de cette liste, une idée de ce que devaient être l'importance et l'activité de ce trafic.

De la côte méridionale d'Arabie les marchandises suivent la voie de terre, car la navigation de la mer Rouge, très dangereuse et difficile, est certainement postérieure à celle de l'océan Indien. Elle est créée par les Phéniciens à l'instigation de l'Egypte. Les Phéniciens prennent une grande part au trafic avec l'Inde, et leurs marchands s'établissaient dans les villes du Yémen, du Hadhramout, de l'Oman, du Bahrein; leurs anciennes îles de Tylos et d'Arvad leur servent plus tard de comptoirs. Ils y portent leur huile, leur vin, leurs instruments et armes de bronze et de fer, leurs toiles, leurs tissus teints en pourpre, enfin les lingots d'argent, métal dont ils sont les grands exportateurs et que leur commerce rend plus abondant que l'or. La concurrence avec Babylone Ãest plus facile à soutenir en suivant la route de l'Arabie occidentale, et ce doit être le motif qui pousse les Phéniciens à surmonter les périls de la navigation de la mer Rouge. Diminuant les frais du transport par caravane, accroissant l'échange entre l'opulente Egypte, le Yémen et l'Inde, ils réalisèrent d'énormes bénéfices. Lorsque la décadence de l'Egypte et la chute de Sidon ont suspendu ce trafic, les Phéniciens de Tyr tentent de rouvrir, la route maritime vers les fabuleuses richesses d'Ophir. On a soutenu, non sans vraisemblance, que cette fois leurs navires poussent directement jusqu'à l'Inde. La décadence des Israélites ne permettra pas de continuer ces grandes entreprises. Les relations directes entre l'Egypte et l'Inde ne reprendront qu'au temps des Ptolémées.

La conquête d'Alexandre met en contact direct l'Inde et l'hellénisme; le marché international se déplace au profit de l'Egypte transformée en royaume grec. Eudoxe de Cyzique, explorateur aventureux, reconnaît la route de mer entre la mer Rouge et la côte indienne; Hippale signale la périodicité des moussons. La navigation, d'abord timide, s'enhardit; au lieu de suivre prudemment la côte pour atteindre Patala, aux bouches de l'Indus, les vaisseaux font voile directement du cap Syagrus, en Arabie, aux ports indiens de Sigerus et de Muziris; on a soin d'embarquer des archers pour se défendre contre les pirates qui infestent le chemin, signe manifeste d'un commerce prospère. Une ligne de ports fréquentés s'échelonne de l'Indus au Gange; les listes de Ptolémée en ont préservé le nom, mais sans en fixer le site avec une précision suffisante. 

Le Périple de la mer Erythrée est le manuel du parfait trafiquant en ces régions : le Sind demande des draperies simples, des cotonnades à fleurs, des parfums, du métal monnayé, et offre en échange des épices, des teintures, des fourrures et des soies de Chine. Barygaza (Broach) achète du vin, des métaux, des draperies, des gommes d'Arabie, des parfums, et vend des onyx, des mousselines, etc. Des fortunes colossales s'échafaudent à Alexandrie, mais déjà les économistes constatent avec inquiétude que l'Inde absorbe l'or et l'argent et ne les rend pas. Le commerce indo-hellénique disparaît à la chute de l'Empire romain : Cosmas est le dernier témoin de sa prospérité.

Moyen-âge et Temps modernes.
Le commerce de l'Inde et de l'Occident se fait désormais, pendant presque mille ans, par des intermédiaires. Les Arabes, maîtres de l'Egypte, entreposent à Alexandrie les marchandises de l'Inde, et les vaisseaux des républiques italiennes vont les y chercher; Venise et Gênes sont alors à l'apogée. Le voyage de Vasco de Gama renoue la tradition perdue, mais en suivant une voie nouvelle. La rivalité des Européens aux Indes n'est que l'histoire brutale d'une concurrence commerciale à main armée. L'Angleterre finit par triompher, par le mérite d'une politique persévérante et aussi par l'habile choix de ses établissements; la fortune éclatante des trois capitales, Bombay, Calcutta, Madras, créées de toutes pièces par les Britanniques, a justifié le choix des premiers agents de la Compagnie. La route par le Cap et l'Atlantique favorise le commerce britannique; l'ouverture du canal de Suez rend aux ports de la Méditerranée une grande part du commerce de l'Orient : sans les chances supérieures d'un fret de retour avantageux, Londres aurait vu déjà diminuer sensiblement sa clientèle navale.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le commerce indien, qui prend une importance considérable à la fin du siècle, ne consiste pas en un trafic d'échanges; l'exportation y surpasse de beaucoup l'importation. L'Inde fournit une grande abondance de produits au reste du monde et ne lui en achète que fort peu. Une somme considérable en or et en argent entre ainsi chaque année dans l'Inde pour n'en plus sortir. Le cabotage entre à peu près pour 28%, dans ce mouvement; le reste se fait presque tout entier par des navires à long cours. Les cinq ports de Bombay, Calcutta, Madras, Rangoon, Karachi absorbent 94% du commerce étranger; Bombay 43%, Calcutta 35%, Madras moins de 6%. Tuticorin, Cocanada, Mangalore, Calicut font à la capitale de la présidence une concurrence effective. Karachi a vu son chiffre d'affaires avec l'étranger croître de 118% entre 1887-1888 et 1891-1892.

Les principales marchandises d'importation sont : les cotonnades (35% du total des importations), le coton tressé et filé, la quincaillerie, le fer, l'étain, le cuivre, le charbon, les pierres précieuses, l'huile minérale, la soie brute, les soieries, les lainages, le sucre raffiné, le sel, le vin, la bière et les spiritueux.  Les principaux articles d'exportation sont : le blé, le riz, les graines oléagineuses), le coton brut, l'opium, le jute brut, le thé, les cotons tressés et filés, le jute manufacturé, les peaux et cuirs, la laine brute.

Au cours des deux dernières décennies du XIXe s.,  plupart des pays maritimes participent à ce mouvement commercial. Le Royaume-Uni vient en tête; avant l'ouverture du canal de Suez, il prenait 63 % du trafic total; il n'y entre plus que pour 47,5%. La France suit, mais de loin, avec près de 7%, et Hong Kong avec 6,5 %. Viennent ensuite les Straits Settlements, 4,35; l'Allemagne, 3,8; la Belgique, 3,8; les Etats-Unis, 2,9; les ports chinois, 3; l'Egypte (comme simple entrepôt), 4,2; l'Italie, 2; Ceylan (Sri Lanka), 2; l'Autriche, 1,7; Maurice, 1,7; Perse, 1,6. Le Royaume-Uni importe surtout des cotonnades grises, moitié moins de cotonnades blanches ou teintes, et compte pour 72,5 °% an total des importations. Ses exportations sont moins considérables 32 % du total; elles consistent surtout en blé, en thé, en graines oléagineuses, en riz, en peaux. La France exporte sept fois plus qu'elle importe: 1,5% d'une part, 10% de l'autre; elle importe surtout des vêtements, des soieries, des spiritueux; elle exporte le blé, les graines oléagineuses, le coton brut.
Le commerce par la frontière de terre est beaucoup moins important. Il oscille annuellement entre 80 et 400 millions de roupies. Le trafic afghan passe par trois routes : la passe de Bholan, qui sert de débouché à Kandahar et à Khélat, et conduit au marché de Shikarpour dans le Sind; la passe de Gomal qui mène de Ghazni à Dera Ismail Khan; la passe de Khyber, de Kaboul à Peshawar. 

L'importation consiste surtout en laine, en fruits et noix de toute sorte; l'exportation en cotonnades, thé, indigo, sel. Le Cachemire, le Ladakh, le Tibet, Yarkand et le Kachgar ont pour marchés, dans le Penjab, Amritsar et Jalandar, d'où la route passe par Kangra, Palampour et Leh. Le transport s'y fait surtout à dos de yacks et de chèvres; mais les Anglais ont introduit aussi l'usage des mules. Le commerce avec le Cachemire se monte à 13 millions, avec le Ladakh à 530 000, avec le Tibet à près de 2 millions de roupies. Le Cachemire importe des bois et des lainages; les châles, jadis si fameux, sont moins demandés. Le commerce avec le Népal, qui dépasse 30 millions de roupies, se fait tout le long de la frontière; la route principale part de Patna et va à Katmandou; mais elle n'est pas carrossable sur tout le parcours. Le Népal importe des grains et des graines, du bétail, du bois, des cornes, du musc, du borax, des queues de yack, des fourrures, et achète des cotonnades, du sel, du sucre, des épices.

Le commerce intérieur est tout entier aux mains des Indiens. Les banians hindous et les marchands parsis sont connus et appréciés à Mascate, à Aden, à Zanzibar, à Singapour. Chaque communauté villageoise de l'Inde a son fournisseur local, souvent un marvari, à la fois débitant et banquier, détesté et indispensable. Les pèlerinages si nombreux et si fréquentés sont, sous couleur de religion, de vastes foires où des régions entières viennent s'approvisionner. Dans des localités presque inhabitées le reste de l'année s'élève tout à coup une ville improvisée, grouillante de boutiquiers de colporteurs et de chalands. (A.-M. B).

Depuis 1900.
Au début du XXe siècle, l'Inde exporte principalement des matières premières comme le coton, le jute, le thé, les épices, et le minerai de fer. Les produits agricoles et les textiles représentent une grande partie des exportations. L'Inde importe des produits manufacturés, notamment des textiles, des machines et des équipements en provenance du Royaume-Uni et d'autres pays européens. La Seconde Guerre mondiale perturbe les routes commerciales et l'économie indienne, avec une redirection des ressources vers l'effort de guerre. Les aspirations à l'indépendance économique commencent à croître, préparant le terrain pour les politiques post-indépendance.

Après l'indépendance en 1947, l'Inde adopte une politique économique de planification centralisée avec une forte orientation socialiste. Le gouvernement nationalise plusieurs industries clés et a mis en place des barrières tarifaires élevées pour protéger les industries locales naissantes. L'accent est mis sur l'exportation de produits agricoles et de textiles.Il existe une politique d'importation contrôlée de biens de consommation pour préserver les réserves de devises étrangères. Priorité est donnée aux importations de biens d'équipement et de technologie. Les politiques protectionnistes conduisent à une stagnation économique, et une crise des réserves de devises étrangères culmine en 1991. La nécessité de réformes économiques devvient apparente, conduisant à une libéralisation économique.

En 1991, sous la pression de la crise de la balance des paiements, l'Inde adopte des réformes économiques radicales, ouvrant son marché aux investissements étrangers et réduisant les barrières tarifaires. Les contrôles étatiques sont réduits et  la privatisation encouragée. On assiste à une diversification des exportations avec une montée en puissance des produits manufacturés, des services informatiques et des produits pharmaceutiques. Les importations de biens de consommation, de technologie et de pétrole brut augmentent.

Depuis le début du XXIe siècle, l'Inde signe plusieurs accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux, facilitant l'accès aux marchés mondiaux. La participation active à l'OMC, influence les politiques commerciales mondiales. L'Inde devient un leader mondial dans le secteur des services informatiques et des technologies de l'information. Elle étend ses secteurs manufacturiers comme l'automobile, l'acier, les produits chimiques, et les textiles, mais reste confrontée à la volatilité des marchés mondiaux, à sa dépendance aux importations de pétrole et la nécessité de réformes structurelles continues. Cependant, elle bénéficie de sa croissance démographique qui lui procure un marché intérieur en expansion, ainsi que d'un important potentiel d'innovation technologique.

La pandémie de covid-19 perturbe les chaînes d'approvisionnement mondiales et impacte le commerce extérieur de l'Inde. Des initiatives sont prises  pour stimuler la production locale et réduire la dépendance aux importations, telles que la campagne Atmanirbhar Bharat (Inde autonome).

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