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Rudolf Clausius

Rudolf Clausius est un physicien né en le 2 janvier 1822, Koszalin (royaume de Prusse, auj. en Pologne) et mort le 24 août 1888 à Bonn (Allemagne). Il a laissé une oeuvre théorique dense, rigoureuse et visionnaire, qui fait de lui l'un des pères fondateurs de la thermodynamique moderne. Il est l'introducteur de la notion d'entropie et de la théorie cinétique des gaz. Sa capacité à formuler des grandeurs statistiques à partir des lois classiques du mouvement marque un tournant dans la physique du XIXe siècle, amorçant une transition vers une compréhension plus unifiée et plus profonde des phénomènes physiques.

Clausius grandit dans une famille protestante stricte, son père étant pasteur. Dès son plus jeune âge, il montre un intérêt marqué pour les sciences et les mathématiques. Après une scolarité brillante dans des établissements classiques, il intègre en 1840 l'Université de Berlin. Là, il étudie les mathématiques, la physique et la philologie, suivant les cours de professeurs renommés comme Johann Dirichlet et Heinrich Wilhelm Dove. En 1847, il soutient une thèse de doctorat à l'université de Halle, portant sur les phénomènes optiques dans l'atmosphère terrestre.

La même année, il commence à s'intéresser aux théories de la chaleur, notamment celles de Sadi Carnot et de James Joule. En 1849, il devient professeur à l'École d'artillerie de Berlin, où il approfondit ses recherches sur la thermodynamique. En 1850, il publie un article qui marque un tournant dans l'histoire de la physique : il y redéfinit les bases de la théorie de la chaleur en introduisant une reformulation des idées de Carnot et en intégrant les concepts d'énergie et d'irréversibilité. Il énonce pour la première fois le second principe de la thermodynamique, fondement d'une nouvelle compréhension des transformations énergétiques. En 1855, il est nommé professeur à l'École polytechnique de Zurich, poursuivant ainsi une carrière scientifique qui attire l'attention de toute la communauté savante européenne.

C'est durant cette période aussi qu'il formalise la notion d'entropie, qu'il introduit explicitement en 1865 dans son mémoire  Über verschiedene für die Anwendung bequeme Formen der Hauptgleichungen der mechanischen Wärmetheorie  ( = Sur diverses formes des principales équations pratiques de la théorie mécanique de la chaleur). Il y définit l'entropie comme une grandeur physique fondamentale qui permet de quantifier l'irréversibilité des processus thermodynamiques et donne à la deuxième loi de la thermodynamique une formulation mathématique rigoureuse. Sa fameuse conclusion — « Die Energie der Welt ist konstant; die Entropie strebt einem Maximum zu »  — résume l'essence de sa pensée : L'énergie du monde est constante; l'entropie tend vers un maximum.

En s'appuyant sur les idées de Carnot concernant le rendement des machines thermiques et sur les travaux expérimentaux de Joule relatifs à l'équivalence mécanique de la chaleur, Clausius avait reformulé dès 1850 le second principe de la thermodynamique. Il avait montré que, dans un processus cyclique réversible, le rapport entre la quantité de chaleur échangée et la température à laquelle elle est échangée reste constant. Cette observation le conduira progressivement à l'introduction d'une nouvelle grandeur d'état, qu'il baptise « entropie » en 1865, dérivée du grec tropein signifiant « transformation ».

Clausius définit mathématiquement l'entropie S par l'intégrale de la chaleur réversible divisée par la température, soit :

dS = δQrev/T

où δQrev​ désigne un échange de chaleur infinitésimal effectué de manière réversible. Cette définition permet de généraliser le second principe : dans un système isolé, l'entropie reste constante si les transformations sont réversibles, et augmente dans le cas de transformations irréversibles. En d'autres termes, l'entropie mesure le degré d'irréversibilité d'un système thermodynamique. Clausius formule ainsi l'idée que les transformations spontanées dans la nature se produisent dans le sens d'une augmentation globale de l'entropie.

En identifiant l'entropie comme une fonction d'état croissante dans les systèmes isolés, Clausius jette les bases d'un principe d'évolution irréversible, incompatible avec les lois mécaniques classiques, mais essentiel à la compréhension des processus naturels à l'échelle macroscopique. L'introduction de l'entropie représente une avancée conceptuelle majeure, car elle permet non seulement de rendre compte de la direction du temps dans les processus thermiques, mais aussi d'unifier les phénomènes thermodynamiques sous une loi mathématiquement cohérente. Clausius ouvre ainsi la voie à la thermodynamique statistique, qui sera développée ultérieurement par Boltzmann et Gibbs

Parallèlement à ses contributions théoriques, Clausius s'intéresse aussi à la théorie cinétique des gaz, où il joue un rôle déterminant dans la clarification du concept de libre parcours moyen des molécules. Il complète et précise les travaux de Maxwell, proposant un modèle plus abouti du comportement statistique des gaz.  Il contribue également à la formulation de l'équation de transport de l'énergie thermique dans les milieux microscopiques, reliant ainsi les comportements macroscopiques aux dynamiques moléculaires.
Rudolf Clausius développe la théorie cinétique des gaz comme prolongement de sa réflexion sur les fondements microscopiques de la thermodynamique. À une époque où les propriétés thermiques des substances sont encore principalement décrites de manière macroscopique, il cherche à relier ces propriétés aux mouvements des particules constituant la matière. En 1857, il publie un article  intitulé  Über die Art der Bewegung, welche wir Wärme nennen, dans lequel il soutient que la chaleur correspond au mouvement désordonné des molécules, et il introduit des concepts qui vont devenir centraux dans la physique statistique.

Clausius reprend l'idée d'un gaz composé de particules en mouvement, comme l'avait proposé Daniel Bernoulli au XVIIIe siècle, mais il l'enrichit considérablement en introduisant le concept de libre parcours moyen. Il définit cette grandeur comme la distance moyenne qu'une molécule parcourt entre deux collisions successives. Ce concept lui permet de quantifier l'effet des chocs intermoléculaires sur les propriétés macroscopiques du gaz, telles que la diffusion, la conductivité thermique et la viscosité. Il montre que les échanges d'énergie et les pressions exercées sur les parois peuvent être expliqués par les collisions élastiques des molécules en mouvement.

La théorie cinétique de Clausius s'appuie sur l'hypothèse que les gaz parfaits sont composés de particules ponctuelles se déplaçant selon les lois de la mécanique classique et subissant des collisions occasionnelles. Il introduit une approche probabiliste en reconnaissant que, bien que les lois du mouvement soient déterministes, la complexité du système impose une description statistique de ses propriétés globales. Cela le conduit à poser les bases de ce qui deviendra la mécanique statistique. Contrairement aux approches purement thermodynamiques, la théorie cinétique permet de relier la température à l'énergie cinétique moyenne des molécules, établissant ainsi une correspondance directe entre une grandeur macroscopique mesurable et une propriété microscopique.

En 1867, Clausius accepte un poste à l'Université de Würzburg, puis en 1869, il rejoint l'Université de Bonn, où il restera jusqu'à la fin de sa vie. Là, il continue d'enseigner et de publier, tout en prenant part à diverses activités scientifiques et académiques. Il participe activement à la fondation de la Deutsche Physikalische Gesellschaft (Société allemande de physique), dont il est un des membres éminents. Malgré une santé fragilisée à partir des années 1870, il demeure intellectuellement actif et respecté dans toute l'Europe. Ses travaux influencent profondément la physique du XIXe siècle, préparant le terrain pour les développements ultérieurs de la physique statistique et de la mécanique quantique. Il meurt en 1888, à l'âge de 66 ans.
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