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La
région qui constitue aujourd'hui le Soudan du Sud abritait divers
groupes ethniques, dont les Dinka, les Nuer, les Shilluk (Les
Nilotes) et les Azande, qui vivaient de l'agriculture, de l'élevage
et de la pêche. Les sociétés étaient organisées de manière tribale,
avec des structures de pouvoir décentralisées. Avant l'arrivée des colonisateurs,
ces communautés avaient des contacts limités avec le monde extérieur.
Entre 1899 et 1956,
le Soudan était administré conjointement
par le Royaume-Uni et l'Égypte
sous le Condominium anglo-égyptien. Pendant cette période, le
sud du Soudan était largement marginalisé par rapport au nord. Les Britanniques
appliquaient une politique de closed districts, qui limitait les
contacts entre le sud, majoritairement animiste et chrétien, et le nord,
majoritairement arabe et musulman. Cette politique renforça les divisions
culturelles et religieuses entre les deux régions. Les Britanniques favorisèrent
le développement de missions chrétiennes dans le sud, contribuant Ã
une identité distincte.
En 1956, le Soudan
obtient son indépendance. Dès 1955, avant même l'indépendance officielle,
une rébellion éclate dans le sud en raison de l'exclusion des Sudistes
des postes gouvernementaux et des tentatives d'imposer la culture arabe
et islamique. Cette révolte marque le début de la Première guerre civile
soudanaise (1955-1972). Le conflit oppose le gouvernement central de Khartoum
aux rebelles sudistes organisés au sein de l'Anyanya, un mouvement de
guérilla. Cette guerre, caractérisée par des violences ethniques, des
déplacements massifs et des destructions, dure jusqu'à l'accord de paix
d'Addis-Abeba en 1972. L'accord de paix
d'Addis-Abeba met fin à la première guerre civile et accorde au Sud une
autonomie régionale sous l'égide du High Executive Council. Cette période
relativement paisible permet un certain développement économique et social
dans le sud. Cependant, les tensions demeurent, notamment en raison des
tentatives continues du gouvernement central d'imposer des politiques d'arabisation
et d'islamisation.
En 1983, le président
soudanais Jaafar Nimeiry déclare l'application de la charia Ã
l'échelle nationale, y compris dans le sud. Cela provoque une nouvelle
insurrection, menée par l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA),
sous la direction de John Garang. Cette Deuxième guerre civile soudanaise
est l'une des plus longues et des plus meurtrières d'Afrique, avec des
millions de morts et de déplacés. Le conflit se complexifie avec des
luttes internes entre factions au sein du SPLA et des interventions étrangères.
À la fin des années 1980, le conflit est dans une impasse. Le régime
islamiste dirigé par Omar el-Béchir, arrivé au pouvoir en 1989, adopte
une position encore plus rigide contre le sud. Les tentatives de médiation
internationale échouent, et les violences continuent à dévaster la région.
En 1990, le Soudan
du Sud reste une région ravagée par la guerre, avec une population souffrant
de famine, de déplacements et de marginalisation. Le SPLA, bien que fragmenté
par des conflits internes, continue de résister contre Khartoum. Les perspectives
de paix semblent alors lointaines. Le SPLA reçoit un soutien international
limité, mais est affaibli par des divisions internes, notamment l'émergence
de factions rivales comme celle de Riek Machar, qui conteste le leadership
de Garang. Cette scission provoque des affrontements violents entre les
groupes sudistes, compliquant davantage le conflit.
Après des décennies
de guerre, qui ont fait environ deux millions de morts et déplacé des
millions d'autres, la pression internationale conduit à la signature de
l'Accord de paix global (CPA) en 2005. Cet accord met fin à la guerre
civile et accorde une autonomie substantielle au Sud-Soudan pendant une
période transitoire de six ans. Le CPA prévoit également un référendum
d'autodétermination pour décider de l'indépendance du Sud. John Garang
est nommé vice-président du Soudan et président du gouvernement autonome
du Sud-Soudan. Cependant, il meurt dans un accident d'hélicoptère en
juillet 2005, ce qui provoque des tensions et de la méfiance. Salva Kiir
le remplace à la tête du SPLA et du gouvernement sudiste.
En janvier 2011,
le référendum promis par l'Accord de paix global se tient. Près de 98
% des électeurs votent en faveur de l'indépendance. Le 9 juillet 2011,
le Soudan du Sud devient officiellement un pays indépendant, avec Juba
comme capitale. Salva Kiir en devient le premier président. L'indépendance
est accueillie avec joie, mais les défis restent énormes. Les questions
frontalières, notamment autour de la région riche en pétrole d'Abyei,
restent non résolues. De plus, les tensions internes entre différentes
groupes ethniques continuent de croître.
En décembre 2013,
des tensions politiques éclatent entre le président Salva Kiir, de l'ethnie
Dinka, et son vice-président Riek Machar, de l'ethnie Nuer. Kiir accuse
Machar de fomenter un coup d'État. Cette crise dégénère en guerre civile,
avec des affrontements violents entre les forces loyales à Kiir et celles
soutenant Machar. Le conflit prend une dimension ethnique, entraînant
des massacres, des viols de masse et des déplacements massifs de population.
Des millions de personnes sont déplacées, et des dizaines de milliers
sont tuées. La guerre civile provoque également une crise humanitaire
avec des famines récurrentes. Sous la pression internationale, plusieurs
accords de paix sont signés, mais échouent à stabiliser le pays. Ainsi,
Kiir et Machar ont-il signé un accord de paix en août 2015 qui a créé
un gouvernement de transition d'unité nationale en avril 2016. Cependant,
en juillet 2016, de nouveaux combats ont éclaté à Juba entre les forces
de Kiir et de Machar, replongeant le pays dans le conflit et impliquant
même de nouvelles forces, telles celles de la région sud de l'Équatoria
qui étaient restés en grande partie à l'écart de la première phase
de la guerre civile.
En 2018, un nouvel
accord est signé sous l'égide de l'IGAD (Autorité intergouvernementale
pour le développement), aboutissant à la formation en 2020 d'un gouvernement
d'unité nationale, avec Salva Kiir comme président et Riek Machar réintégré
comme vice-président. Le gouvernement et la plupart des groupes d'opposition
armés conviennent de former une armée nationale unifiée, de créer un
gouvernement de transition d'ici mai 2019 et de préparer des élections
en décembre 2022 (repoussées ensuite à la fin 2023, puis à la fin 2024).
Cet accord marque un pas vers la paix, bien que les tensions persistent.
Le processus de réconciliation et de désarmement progresse lentement.
Les parties se disputent les accords de partage du pouvoir, contribuant
à une recrudescence de la violence communautaire et à la pire crise de
sécurité alimentaire du pays depuis l'indépendance, avec 7 des 11 millions
de citoyens sud-soudanais ayant besoin d'aide humanitaire. Aujourd'hui,
des conflits locaux, souvent liés aux terres et au bétail, continuent
de provoquer des morts et des déplacements. Le pays, fortement dépendant
du pétrole, souffre d'une économie fragile et d'une corruption endémique.
Des millions de personnes dépendent encore de l'aide internationale, et
l'insécurité alimentaire reste une menace constante. |
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