| Dans la liturgie catholique, on appelle pallium une bande de laine blanche, longue et étroite, qui se place sur la chasuble, contourne les épaules, les bouts pendant, l'un en avant, l'autre en arrière, retenus par deux plaques de plomb recouvertes de soie noire. Sur le fond sont disposées, de distance en distance, des croix pattées de noir. Le pallium s'attache sur la chasuble avec trois épingles d'or, dont la tête est ornée de pierres précieuses. La laine qui fournit l'étoffe provient d'agneaux présentés et bénits avec une pompeuse solennité, le 21 janvier, dans l'église du monastère de Sainte-Agnès-hors-les-Murs, puis confiés, une année aux religieuses capucines du Quirinal, et l'année suivante aux camaldules de Saint-Antoine, près de Sainte-Marie-Majeure. Pendant la semaine sainte, les religieuses tondent les agneaux et font présenter la laine au pape, qui la remet au Premier Maître des cérémonies, afin qu'il la fasse tisser conformément aux règles. Les palliums, apportés processionnellement dans un bassin de vermeil, sont bénits le 28 juin, après les premières vêpres de la fête des Apôtres, dans la basilique de Saint-Pierre, par le pape ou, en son absence, par le cardinal officiant. Puis ils sont portés dans la Confession de Saint-Pierre. Avant d'être remis au destinataire, ils sont placés immédiatement au-dessus du tombeau de l'apôtre, au moins pendant une nuit; de sorte que saint Pierre est censé avoir dormi sous ce manteau, qui devient ainsi le sien, et opère en faveur de celui qui le reçoit une communication de vertu et de pouvoir analogue à celle qui résulta de la remise d'un manteau d'Elie à Elisée, son successeur. Cette idée est exprimée par la formule rituelle Tradimus tibi pallium de corpore beati Petri sumptum, in quo est plenitudo pontificalis officii... Le pallium est l'insigne de la dignité archiépiscopale et patriarcale. Cependant le Saint-Siège l'a accordé quelquefois à des sièges épiscopaux privilégiés, comme Le Puy, Autun, Marseille, Valence, Arras. Suivant la discipline que la cour de Rome est parvenue à imposer à l'Eglise d'Occident, un patriarche ou un archevêque ne peut prendre son titre que lorsqu'il a reçu le pallium; s'il est transféré à un autre siège, il doit demander un nouveau pallium; et il ne doit faire aucune fonction pontificale avant de l'avoir reçu, quand même il l'aurait déjà possédé dans le siège précédemment occupé par lui. Le pallium est demandé au pape en consistoire, par un avocat consistorial, qui sollicite cette faveur, à genoux et trois fois : instanter, instantius, instantissime. Cet insigne ne peut servir qu'à celui à qui il a été donné. On l'inhume avec lui dans son cercueil. Avant de recevoir le pallium, celui à qui il a été accordé doit prêter le serinent d'obéissance canonique au Saint-Siège. Une décrétale de Pascal Il (1099-1124) indique en termes énergiques la dépendance que le pape entend faire résulter de la concession de cet objet et du serment qui doit en accompagner la tradition : Cum a Sede Apostolica vestrae insignia dignitatis exigitis, quae a beati Petri tantum corpore assumuntur, justum est ut vos quoque Sedi Apostolicae subjectionis debitae signa solvatis, quae vos curn beato Petro tanquam membra de membro habere et catholici capitis unitatem servare declarant. Le pape, peut porter le pallium tous les jours et dans toutes les églises où il se trouve : semper et ubique, quoniam assumptus est in plenitudinem ecclesiasticae potestatis quae per pallium significatur. Les évêques ne peuvent s'en servir que dans les églises de leurs propres provinces et à la messe seulement, aux jours indiqués par le Pontifical romain, quoniam vocati sunt in partem sollicitudinis, non in plenitudinem potestatis, dit Honoré Ill (1216-1223). Une histoire du pallium formerait un chapitre caractéristique de l'histoire de la papauté, spécifiant avec précision un des principaux moyens que les évêques de Rome employèrent pour établir leur domination sur les autres évêques, et montrant la merveilleuse habileté avec laquelle ils surent mettre en oeuvre tout ce qui pouvait servir à ce dessein. L'origine de cet insigne est essentiellement laïque. On en chercherait en vain l'indice dans l'Eglise pendant les quatre premiers siècles; mais on trouve dans le Code théodosien des pallia discolora, écharpes attribuées à des fonctionnaires de divers ordres, portées par eux sur la paenula. Un dyptique consulaire représente lui consul, dans l'acte le plus solennel de son inauguration au moment ou il va donner le signal, de laisser courir les chevaux dans l'arène. Ce magistrat porte sur ses vêtements une longue écharpe dont la forme et les dispositions ont une analogie frappante avec l'aspect du pallium pontifical, tel que le présentent les anciens monuments. Quand le christianisme fut devenu exclusivement la religion officielle, le gouvernement se trouva amené à donner le pallium aux dignitaires de l'Eglise, comme un insigne d'honneur, qui les plaçait au rang des plus hauts fonctionnaires de l'Empire. En le recevant, les dignitaires ecclésiastiques lui attribuèrent une signification symbolique, qui se rapportait à leurs fonctions. Dans l'Eglise d'Orient, cet insigne était appelé Omophorion. On le donnait aux patriarches et aux métropolitains, peut-être même à tous les évêques. Isidore de Péluse, qui écrivait vers 440, le compare à la brebis que le Bon Pasteur porte sur ses épaules. Quand cet usage s'établit en Orient, la plus grande partie des contrées de l'Occident avaient cessé de faire partie de l'Empire. Dès la fin du Ve siècle, l'évêque de Rome portait le pallium, mais en vertu d'une concession de l'empereur, ainsi que le reconnaît encore, à la fin du VIIIe siècle, le fabricateur de la donation de Constantin , ce faux célèbre qui fut le titre primordial du Domaine de saint Pierre. L'évêque d'Ostie le portait aussi, par un privilège spécial, comme consécrateur ordinaire des papes. Les évêques de Ravenne jouissaient du même privilège. Le caractère civil de l'autorité dont émanait la concession du pallium ressort, en outre, de ce fait que, au VIe siècle, quand les papes l'accordaient à des évêques qui n'étaient pas sujets de l'Empire grec, ils demandaient préalablement l'autorisation de l'empereur. Celui-ci du reste conservait et exerçait le droit de le conférer directement. Il paraît bien évident qu'en tout cela le tombeau de saint Pierre n'avait absolament rien à faire, ni les agneaux bénits au couvent de Sainte Agnès; et que pendant plusieurs siècles, l'institution resta complètement étrangère aux rites que les évêques de Rome y ont adjoints, et aux prétentions qu'ils en ont déduites. (E. H. Vollet). | |