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La Révolution française
Composition et organisation intérieure
de l'Assemblée constituante. Etat des partis
Aperçu Causes Constituante Législative Convention Directoire
L'Assemblée constituante étant sortie directement des Etats généraux de 1789. Les députés étaient au nombre de 1118 : 577 appartenaient au tiers-état, 291 au clergé, 250 à la noblesse. Après la réunion des trois ordres, le tiers, déjà le plus nombreux, eut encore les voix de la plupart des curés (ils étaient 208 contre 48 évêques et archevêques et 35 abbés et chanoines) et d'une cinquantaine de membres de la noblesse. Il y eut d'abord trois partis dans l'Assemblés : 
1° une droite formée par la noblesse et le haut clergé ayant pour chefs l'abbé Maury et Cazalès; c'était le parti de la cour qui ne voulut jamais transiger avec la Révolution et refusa même d'accepter comme valable l'adhésion du roi à la Constitution. Ne pouvant s'opposer efficacement aux décrets de l'Assemblée, ce parti faisait tous ses efforts pour troubler les délibérations. Ses membres interrompaient les orateurs, riaient, parlaient tout haut, sortaient de la salle quand le président posait la question, déclaraient s'abstenir du vote dans la plupart des questions ou votaient avec les ultra-révolutionnaires quand ils espéraient créer des obstacles à la Constituante (notamment lors de la discussion de la dissolution de l'Assemblée et de l'exclusion des constituants de la Législative); enfin ils ne cessaient de protester contre les décrets, devenus lois de l'Etat [protestation de 290 membres contre la suspension du pouvoir exécutif entre les mains de Louis XVI (juillet 1791) - protestation de 230 membres contre la constitution (septembre 1791)]. Bref, de l'aveu même d'un agent royaliste, Fauche-Borel, ils firent le plus grand mal à la cause qu'ils prétendaient servir. 

2° Un centre formé d'environ 300 membres, partisans du roi et des réformes, ayant pour chefs : Malouet, Lally-Tollendal, Mounier, Clermont-Tonnerre. Ils voulaient appliquer à la France la Constitution anglaise et le système des deux Chambres, C'étaient les monarchiens dévoués à Necker, et qui disparurent, pour la plupart, lorsque l'Assemblée eut repoussé le principe d'une Chambre haute. 

3° Une gauche, scindée en deux partis : le parti national, le plus nombreux et le mieux discipliné, dirigé par Mirabeau et Sieyès et qui prit la place du centre primitif après sa disparition; le parti libéral, conduit par Barnave, les Lameth, Pétion, Robespierre, qui laissa entrevoir, après l'affaire de Varennes, ses tendances républicaines et qui fut abandonné à ce moment par Barnave et les Lameth qui eux-mêmes prirent la place de Mirabeau à la tête du parti national. En somme, il y avait en faveur de la Révolution une majorité constante d'environ 800 membres, 500 appartenant au tiers, 250 au clergé et 50 à la noblesse.

A côté de l'Assemblée et ayant avec elle de nombreux rapports il faut mentionner les clubs. Le premier fut fondé à Versailles par les députés bretons qui s'assemblaient entre eux pour discuter les questions soumises ou à soumettre à l'Assemblée et délibérer sur la conduite à tenir. Après les journées d'octobre, le club Breton s'établit à Paris et prit le nom de Société des amis de la Constitution. Comme il se réunissait dans l'ancien couvent des Jacobins, rue Saint-Honoré, c'est sous le nom de club des Jacobins qu'il est le plus connu. Ce club demeura quelque temps simple assemblée préparatoire, puis, après avoir admis comme sociétaires des membres de la municipalité parisienne et des particuliers, il prit une rapide extension et se transforma en assemblée populaire. Une partie de ses fondateurs l'abandonnèrent alors et formèrent le club de 89, dirigé par La Fayette, Sieyès, La Rochefoucauld, Le Chapelier. Barnave et les Lameth restèrent à la tête des Jacobins (Mirabeau était inscrit aux deux clubs) où se produisit une nouvelle scission, à la suite de l'affaire de Varennes

Robespierre et Pétion prirent alors la place de Barnave et des Lameth qui fondèrent le club des Feuillants. A ces sociétés révolutionnaires, la droite opposa le club des Impartiaux, qui devint le club Monarchique fermé en janvier 1791 par la municipalité, car ses réunions excitèrent des troubles populaires. 

Toutes ces sociétés, dirigées par les membres les plus en vue de la Constituante et représentant à peu près les partis qui la divisaient, eurent forcément, sur cette assemblée, une influence réelle mais qu'il est difficile de définir, car elle ne se traduit par aucun acte saisissable. Dans son ouvrage sur les Origines de la France contemporaine (Révolution, t. I), Taine a exagéré leur puissance sous la Constituante. A l'en croire, les Jacobins, notamment, auraient dirigé la Révolution, dominé l'assemblée, inspiré ses travaux, exercé sur les députés une pression formidable en soulevant le peuple et en soudoyant les spectateurs des galeries. A vrai dire, l'Assemblée ne se laissa jamais détourner de son but par les influences extérieures quelles qu'elles fussent. Elle avait pour mandat d'établir une Constitution en conservant la monarchie et elle resta jusqu'au bout fidèle à l'esprit des cahiers des Etats généraux. C'est elle qui avait fondé les clubs; elle eut, grace à eux, une forte action sur le peuple et elle en usa, elle en abusa peut-être, contre les adversaires de la Constitution, mais - il ne faut pas l'oublier - ces adversaires faisaient appel à l'étranger précisément pour détruire son oeuvre. D'ailleurs, elle résista toujours énergiquement aux tentatives de désobéissance à ses décrets. Ainsi, elle proclama et fit exécuter la loi martiale et, lorsque les clubs voulurent s'ingérer dans les affaires administratives, elle ne craignit pas d'édicter contre eux la loi sur les sociétés populaires. 

Bien souvent les rapporteurs du comité de Constitution déclarent que leurs propositions sont impopulaires, mais que le souci de la vérité doit passer avant la popularité. Quant à l'influence des tribunes sur les délibérations, elle ne fut effective que sous la Convention. Il est vrai que les tribunes applaudissent ou murmurent, mais à cette époque on était fort tolérant pour ces manifestations ; les procès-verbaux les mentionnent; c'était un fait admis et qui ne tirait pas à conséquence; d'ailleurs, quand elles dépassaient la mesure, le président usait du rappel à l'ordre.

L'Assemblée nationale adopta son règlement le 29 juillet 1789. Sur la demande de Mirabeau, sir Samuel Romilly avait envoyé comme modèle le règlement de la Chambre des communes d'Angleterre, mais l'Assemblée en fit peu de cas et préféra innover. Nous insisterons un peu sur ce point, car les détails sont d'autant plus intéressants que les assemblées ultérieures ont toutes emprunté, plus ou moins, au règlement de la première Constituante.

L'Assemblée est divisée en trente bureaux composés chacun de quarante membres choisis de la manière suivante : On suit par ordre alphabétique la liste imprimée des bailliages et sans la moindre distinction entre les députés, on inscrit le premier de la liste, le 31e, le 61e, etc., au premier bureau ; le second de la liste, le 32e, le 62e, etc. au second bureau, et ainsi de suite pour tous les bureaux. Ces bureaux sont renouvelés tous les mois, mais de façon que les mêmes députés ne se trouvent plus ensemble. Pour obtenir ce résultat on inscrit le premier député de la liste, le 32e, le 64e, etc., et ainsi de suite. Ces trente bureaux sont chargés de nommer le président de l'Assemblée et les six secrétaires (le président pour 15 jours, les secrétaires pour un mois), de discuter les motions qui leur sont soumises, de nommer les comités. Les comités, composés de membres choisis par les bureaux (généralement un par bureau), examinent les questions spéciales pour lesquelles ils ont été nommés. Ils présentent à l'Assemblée des rapports et des projets de décrets. (Comité de Constitution ; - C. de rédaction ; - C. des finances ; - G. des affaires ecclésiastiques; - C. de judicature ; - C. de législation criminelle; - C. militaire; - C. d'agriculture et de commerce).

Deux d'entre eux exercent des attributions qui empiètent sur le pouvoir exécutif. Ce sont le comité des rapports et recherches chargé de l'administration générale de la police, et le comité des subsistances chargé des approvisionnements de Paris. Le président, qui n'est pas immédiatement rééligible, maintient l'ordre dans l'Assemblée, pose la question, annonce le résultat des suffrages, porte la parole au nom de l'Assemblée. Il n'a pas le droit d'intervenir dans les débats, sauf pour les diriger. Il use du rappel à l'ordre quand il en est besoin, et, s'il néglige ce devoir, tout membre peut l'exercer à sa place. Les secrétaires rédigent les procès-verbaux et ne peuvent faire partie d'aucun comité, Il y a séance tous les jours de la semaine, excepté le dimanche, à partir de 8 heures du matin; la séance ne peut commencer s'il n'y a deux cents membres présents. Tout représentant peut préparer une motion, à condition qu'elle soit rédigée par écrit et appuyée par deux membres. Aucune motion ne peut être discutée le jour même de son dépôt.

Toute question est décidée à la majorité absolue des suffrages; les voix sont recueillies par assis et levé; s'il y a doute on procède à l'appel nominal. Une question jugée, une loi adoptée dans une session de l'Assemblée nationale ne peut y être agitée de nouveau. Tout député peut déposer des pétitions. Les particuliers qui voudront déposer des pétitions devront être introduits à la barre de l'Assemblée par un huissier. Les procès-verbaux rédigés par les secrétaires sont imprimés et distribués mensuellement sous forme de volumes in-4 à tous les représentants. (R. S.).

On complétera ces renseignements par la liste complète des présidents, qui aura l'avantage de faire passer sous les yeux du lecteur les noms des membres les plus connus de l'Assemblée nationale constituante :

Liste des présidents de l'Assemblée nationale constituante de 1789

1 Bailly (17 juin 1789).
2 Duc d'Orléans (3 juillet).
3 Lefranc de Pompignan (3 juillet).
4. Duc de Liancourt (20 juillet).
5 Le Chapelier (3 août).
6 Clermont-Tonnerre (17 août).
7 De la Luzerne (31 août).
8 Clermont-Tonnerre (14 sept.).
9 Mounier (28 septembre).
10 Fréteau (12 octobre). 
11 Camus (8 octobre). 
12 Thouret (12 novembre).
13 De Boisgelin (21 novembre). 
14 Fréteau (5 décembre). 
15 Desmeuniers (22 décembre). 
16 De Montesquiou (4 janvier 1790).
17 Target (18 janvier).
18 Bureaux de Pusy (2 février).
19 De Talleyrand (16 février). 
20 De Montesquiou (28 février). 
21 Rabaut de St-Etienne (15 mars).
22 Baron de Menou (28 mars).
23 Marquis de Bonnay (12 avril).
24 Abbé Gouttes (27 avril). 
25 Thouret (10 mai). 
26 De Beaumetz (27 mai). 
27 Sieyès (8 juin).
28 Le Pelletier St-Fargeau (21 juin).
29 Marquis de Bonnay (5 juillet).
30 Treilhard (20 juin.).
31 D'André (1er aout).
32 Dupont de Nemours (16 août).
33 Jessé (30 août).
34 Bureaux de Pusy (12 sept.).
35 Emmery (26 septembre). 
36 Merlin (9 octobre). 
37 Barnave (25 octobre).
38 Chasset (8 novembre).
39 Al. de Lameth (21 novembre).
40 Pétion (5 décembre).
41 D'André (22 décembre.)
42 Emmery (4 janvier 1791). 
43 Abbé Grégoire (18 janvier).
44 Mirabeau (30 janvier). 
45 Duport (15 février).
46 De Noailles (27 février).
47 De Montesquiou (14 mars).
48 Tronchet (30 mars). 
49 Chabroud (10 avril). 
50 Rewbel (25 avril). 
51 D'André (10 mai).
52 Bureaux de Pusy (27 mai).
53 Dauchy (6 juin).
54 A. de Beauharnais (19 juin). 
55 Ch. de Lameth (3 juillet).
56 Fermont (19 juillet).
57 A. de Beauharnais (31 juillet).
58 V. de Broglie (14 août). 
59 Vernier (28 août). 
60 Thouret (11 septembre).
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