| On donne le nom de Caryatide ou Cariatide à toute figure de femme, isolée ou adossée à une construction, et servant de support. Généralement, ces femmes vêtues de longues tuniques sont placées en guise de colonnes, de piliers ou de pilastres. Les caryatides, comme les atlantes, ne sont pas d'origine exclusivement grecque ; mais c'est aux Athéniens qu'il faut reconnaître le mérite d'avoir, par les admirables figures du portique méridional de l'Erechthéion (L'Acropole d'Athènes), consacré un des plus anciens en même temps qu'un des plus beaux exemples de cet élément de construction et aussi de décoration. Les caryatides de l'Erechtheion (acropole d'Athènes). Source : The World Factbook. Malgré un texte formel de Vitruve (L. 1, c. 5), qui, plaçant l'invention des caryatides à l'époque des guerres médiques, raconte que ces statues de femmes auraient été substituées à des colonnes pour rappeler à tout jamais la honte des habitants de Caryae, ville du Peloponnèse, qui s'étaient alliés aux Perses contre leurs compatriotes, on n'est pas d'accord sur la véritable origine des caryatides grecques et quelques auteurs veulent tout au moins la reporter à la guerre des Tégéates (auxquels les Caryates s'étaient alliés) contre les Spartiates, tandis que d'autres voient, dans les caryatides, soit une représentation des jeunes prêtresses laconiennes d'Artémis caryatis, soit une imitation des canéphores, ces jeunes filles de famille noble qui, parées des plus riches ornements, portaient sur leur tête, dans les cérémonies sacrées, des corbeilles contenant les offrandes ou les instruments nécessaires aux sacrifices. Quoiqu'il en soit, les caryatides de l'Erechthéion avec la courbure légère de leur axe, l'arrangement particulier de la tête et du chapiteau et la richesse des plis de leurs vêtements, présentent un type remarquable résultant de l'alliance de l'architecture et de la sculpture, type bien souvent répété dans l'antiquité gréco-romaine, sous la Renaissance et surtout au XIXe siècle. On a trouvé, à Rome, en 1766, dans une vigne de la villa Strozzi, près l'ancienne voie Appienne, deux caryatides antiques dont l'une portait, sur le calathus ou corbeille lui servant de coiffure, la signature des sculpteurs grecs Kriton et Nikolaos, et on pourrait citer d'autres exemples de caryatides antiques la plupart consistant plutôt, il est vrai, en des figures adossées à des pilastres qu'en statues isolées; mais ces caryatides, ne jouant que faiblement le rôle de supports, offrent ainsi un motif de décoration plutôt qu'un élément de construction : au reste, nombreux sont les emplois de figures de femmes faits pour orner les meubles, lits, tables, sièges, trépieds, candélabres, etc. découverts dans les fouilles antiques, à Pompéi notamment. L'art arabe, s'interdisant toute représentation de la figure humaine, ne connut pas les caryatides, et le Moyen âge occidental ne les employa guère : aussi, Viollet-Leduc, qui, dans ses Entretiens (L. I, p. 293), énumère avec complaisance les beautés du portique de l'Erechthéion, n'a même pas à mentionner les caryatides dans son Dictionnaire de l'Architecture française du Ve au XVIe siècle. Cependant l'Italie conserva, croyons-nous, à toutes les époques, la tradition des figures utilisées comme supports dans l'architecture, et, dès la Renaissance, Michel-Ange et Vignole, à Rome et Jean Goujon, en France, donnèrent, pour les caryatides, le signal d'une recrudescence de faveur qui ne s'est pas démentie ensuite. - Caryatides du Pavillon de l'Horloge, au Louvre. © Photo : Serge Jodra, 2008. Parmi les caryatides de la Renaissance, les plus belles sont sans contredit celles dues au ciseau de Jean Goujon, qui portent la tribune de la salle du musée des antiques du Louvre; plus que toutes les autres et peut-être grace aux socles circulaires qui leur servent de base, elles donnent bien l'idée de statues substituées à des colonnes. Il faut citer de la même époque les caryatides recevant les retombées des arcs du portail septentrional de l'église Sainte-Clotilde aux Andelys; les huit caryatides sculptées sur las dessins de Sarrazin au sommet de la façade de Pierre Lescot dans le pavillon de l'Horloge de la cour du Louvre et, peut-être dues aux inspirations du même artiste, les quatre caryatides, coiffées de chapiteaux ioniques, symbolisant par leurs attributs la justice, la force, la tempérance et la prudence, qui décorent le tombeau du prince Henri Il de Condé dans l'église de Vallery (Yonne). Les artistes modernes ont fait, eux aussi, appel aux caryatides et souvent avec succès; c'est ainsi que Pradier sculpta les Victoires du tombeau de Napoléon Ier aux Invalides; que Duret, Jouffroy, Dumont et Simart décorèrent de caryatides les Pavillons du nouveau Louvre; que, toujours au Louvre, la voûte du Salon français est ornée de cariatides polychromes dues au talent de Duret sur les inspirations de Duban, et qu'enfin, plus tard, la porte d'entrée de la bibliothèque de la Faculté de médecine sur le boulevard Saint-Germain a vu symboliser la médecine et la chirurgie par deux cariatides rappelant plus que toutes les autres les caryatides de l'Erechthéion d'Athènes. Comme dans l'Antiquité, sous la Renaissance et surtout au XIXe siècle, les arts du bois et du métal, la céramique et tous les arts décoratifs ont fait emploi de gracieuses figures féminines, inspirées bien souvent des peintures et des bronzes de Pompéi, et varient leur ornementation à l'aide de ce motif inépuisable de grâce, de charme et de fantaisie. (Charles Lucas). | |