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Les langues australiennes
et la littérature australienne autochtone
Avant l'arrivĂ©e des colons europĂ©ens, l'Australie comptait environ 250 Ă  300 langues aborigènes distinctes, rĂ©parties en environ 700 dialectes. Aujourd'hui, un grand nombre de ces langues sont en danger critique d'extinction en raison des pressions de l'anglais, des dĂ©placements forcĂ©s des populations et de la globalisation. Certaines aussi continuent d'ĂŞtre parlĂ©es activement. Ces langues sont non seulement des moyens de communication, mais aussi des porteurs de culture et reflètent l'histoire, les valeurs et la vision du monde de leurs locuteurs. Les langues aborigènes sont intĂ©grĂ©es aux pratiques cĂ©rĂ©monielles et artistiques. Elles contiennent Ă©galement des connaissances spĂ©cifiques sur l'environnement local, la mĂ©decine traditionnelle, et les relations sociales, qui sont inaccessibles dans les langues non autochtones. Pour pallier le dĂ©clin des langues australiennes, des efforts de revitalisation sont rĂ©alisĂ©s par des linguistes, des centres culturels, et des programmes Ă©ducatifs locaux qui collaborent avec les populations aborigènes pour crĂ©er des ressources, enseigner les langues dans les Ă©coles, et promouvoir leur usage au quotidien. 

La grande variété des langues autochtones parlées en Australie permet difficilement d'en dégager des caractères généraux. On peut seulement noter que ces langues possèdent souvent un riche éventail de sons, notamment des consonnes rétroflexes (produites avec la langue recourbée vers le palais), des sons nasaux et des séries de sons dentaux et palatals. Beaucoup de langues aussi ont des systèmes de pronoms qui incluent des distinctions de genre, d'inclusion/exclusion (par exemple, "nous" peut signifier "nous, y compris toi" ou "nous, sans toi"), et des formes spécifiques pour exprimer des relations de parenté. Contrairement aux langues européennes, qui suivent souvent un ordre spécifique (sujet-verbe-objet), les langues aborigènes utilisent généralement un ordre des mots plus flexible, grâce à des terminaisons qui indiquent le rôle de chaque mot dans la phrase. Ajoutons que dans certaines populations, il existe une langue de communauté, pour les échanges ordinaires, et une langue de rituel, qui est une langue secrète utilisée uniquement dans des contextes cérémoniels. Par exemple, le damin est une langue rituelle des Yolngu, et est utilisée exclusivement lors de certaines initiations masculines. Ces langues spéciales servent ordinairement de moyen pour renforcer des liens culturels et des notions religieuses transmises de génération en génération.

Classification et familles de langues aborigènes

Famille pama-nyungan Paman
 Pama Central 

Wangkangurru (100 loc.), yarluyandi (50 loc.); dieri (100  loc.), kokatha (50 loc.), tharrkari  (20 loc.), wik (wik mungkan, wik-me'nh, wik-ngathan, wik-elkenh, wik-Iiyanh, wikampama), kugu (kugu nganhcara, kugu muminh, kugu mangk, kugu yi'anh, kugu uwanh, kugu mi'inh)


Pama Nord

Warlpiri (5000 loc.), pintupi (1000 loc.); luritja (1000), warumungu (200 loc.), gurindji (500 loc.), umpila, kuuku (kuuku ya'u, kuuku yani, kuuku I'yu ou kaanju), pakanh, yir-yoront, lamalama, umbuygamu

Aranda (Arrernte ou Arrernte-Arandic) : Arrernte (Arrernte de l'Est, Arrernte du Sud, Arrernte de l'Ouest, 3000 locuteurs), Anmatyerre (1000 loc.), Kaytetye (500 loc.), Arena, Alyawarr, Coglin (langue Ă©teinte) 


 Pama Sud

Pitjantjatjara (3000 locuteurs),  yankunytjatjara (1000 loc.), ngaanyatjarra (1000 loc.),
ngarrindjeri (200 loc.), kaurna (100 loc.), narungga (50 loc.), ngadjuri (20 loc.), wirangu (10 loc.), barngarla (10 loc.), adnyamathanha (100 loc.), ngarrindjeri, mbabaram, yalanji, djabugay, yidinji

Nyungan Wajarri (200 locuteurs), badimaya (100 loc.), wangkangurru (100 loc)

Sous-groupe du Noongar 

Noongar (ou nyungar, 1000 locuteurs), ballardong, wadjuk et pinjarup

Langues non-pama-nyungan Gunwinyguan Gunwinggu (ou guninjin, 200 loc.), gurr-goni (ou  gudanji), kune (ou kundjeyhmi), ndjĂ©bbana (ou rembarrnga, 100 loc.), maung, maningrida (ou iwirrkara), Jawoyn (200 loc.),  murrinh-Patha (env. 1500 locuteurs), nunggubuyu (wubuy, 200 loc.)

  Yolngu Matha
(terme qui signifie "langue des gens du nord").

Kunwinjku (ou kuninjku ou oenpelli, 1000 locuteurs), bininj kunwok (ou bininj gun-wok, ou kunwinjku de l'est, ou binbinka, env. 1500 loc.), dhuwal, djaŋkawu, djaŋgala, gupapuyŋu, gumatj, djambarrpuyŋu, ritharrngu, dhuumbur

Bunuban Bunuba, ngarluma
Ngardiman Kitja, ngaliwurru, jaru
Ngayardan Ngarluma (100 loc.), yindjibarndi (300 loc.), kurrama (100  loc.), mardudhunera (50 loc.) ngayarda (ngarluma-yindjibarndi ou nhuwala, 200 loc.).

Nyulnyulan
Nyulnyul (environ 100 locuteurs), miriwung (20 loc.), karajarri (500 loc.), yawuru (200 loc.);  jabirr Jabirr (20 loc.), bardi (100 loc.), nimanburru (10 loc.)
Iwaidjan Iwaidja, marra, mawng (wurdirr), yilpara, yiriwa
Worrorran Worrorra (100 locuteurs), unggumi (20 loc.), wunambal (20 loc.), gambera (10 loc.), Ngarinyin (100 loc.), ungarinyin, inyjarrumi 
Jarrakan Miriwoong, gija
Langues isolées Tiwi (variété dialectale : ngalagan); tasmanien (palawa kani, reconstruction linguistique).
NB : ce tableau à été construit à partir de sources diverses, souvent en désaccord du fait généralement de méthodologies différentes, ce qui a rendu toute synthèqe illusoire. Aussi doit-on considérer cette proposition comme simpleune illustration du foisonnement linguistique de l'Australie autochtone. Le nombre de locuteurs (estimation de 2024) est également indicatif.

Famille pama-nyungan.
La famille des langues pama-nyungan est la plus vaste et la plus largement répandue des familles de langues aborigènes australiennes. Elle englobe environ 90 % des langues aborigènes du continent et s'étend sur presque toute l'Australie, à l'exception du nord, où l'on trouve des langues d'autres familles non pama-nyungan. Beaucoup de ces langues sont aujourd'hui éteintes ou en danger critique d'extinction.

La théorie de l'origine unique de la famille pama-nyungan suggère qu'il y a plusieurs milliers d'années, une langue ancestrale commune se serait répandue à travers le continent, se fragmentant en diverses langues à mesure que les populations migraient et se séparaient géographiquement. Les langues de cette famille partagent donc des éléments lexicaux et grammaticaux hérités de cette langue commune :

• Phonologie. - Les consonnes et voyelles varient selon les langues, mais on trouve fréquemment des systèmes phonétiques avec des consonnes rétroflexes, vélaires, et un petit nombre de voyelles (souvent trois : /a/, /i/, /u/).

• Morphologie et syntaxe. - Dans beaucoup de langues, la morphologie est agglutinante, ce qui signifie que les mots peuvent ĂŞtre modifiĂ©s par l'ajout de suffixes pour marquer des cas grammaticaux, comme le locatif, l'ablatif, ou l'instrumental. 

• Ordre des mots. - Bien qu'il varie, l'ordre des mots a tendance à être flexible, avec une prépondérance de l'ordre sujet-objet-verbe (SOV), mais certains dialectes peuvent adopter un ordre différent selon le contexte. Cela correspond à des langues dites ergatives-absolutives.

Parmi les langues de cette famille, on peut mentionner :

Pitjantjatjara et Yankunytjatjara. 
Les langues pitjantjatjara et yankunytjatjara sont parlĂ©es par les populations du mĂŞme nom dans le centre de l'Australie, principalement dans les rĂ©gions du Territoire du Nord, de l'Australie-MĂ©ridionale et de l'ouest de l'Australie. Elles sont très proches linguistiquement, au point d'ĂŞtre parfois considĂ©rĂ©es comme des dialectes d'une mĂŞme langue, appelĂ©es collectivement pitjantjatjara-yankunytjatjara ou pitjantjatjara-yankunytjatjara anangu. Ces languesont une morphologie agglutinante, c'est-Ă -dire que les mots sont formĂ©s par l'ajout de suffixes pour exprimer diffĂ©rentes significations et fonctions grammaticales. Elles sont encore bien vivantes aujourd'hui, parlĂ©es par plusieurs milliers de personnes. 

Arrernte.
L'arrernte (aranda) est une langue parlée autour de la ville d'Alice Springs, dans le centre de l'Australie. Cette langue possède un système phonologique riche avec des distinctions fines entre plusieurs types de consonnes, dont des sons rétroflexes et latéraux qui lui sont propres. Plusieurs dialectes d'arrernte existent, tels que l'arrernte oriental et l'arrernte central. Malgré la dominance de l'anglais dans la région, l'arrernte est encore bien transmis et enseigné dans les écoles locales. Elle est aussi étudiée dans des programmes universitaires pour former des spécialistes de la langue et des linguistes autochtones.

Warlpiri
La langue warlpiri est parlée dans le centre du Territoire du Nord, principalement dans les communautés de Lajamanu, Yuendumu et d'autres villages. La warlpiri est une langue ergative-absolutive, avec une structure syntaxique assez flexible, bien qu'elle favorise un ordre sujet-objet-verbe (SOV). Elle est considérée comme l'une des langues autochtones les mieux conservées, avec un fort soutien communautaire pour sa préservation et son enseignement. Les programmes d'enseignement bilingue dans les écoles locales ont contribué à sa vitalité, même si le warlpiri fait face aux mêmes pressions linguistiques que d'autres langues aborigènes.

Noongar.
Le noongar (nyungar) est une langue parlĂ©e par les Noongar dans le sud-ouest de l'Australie occidentale, dans une rĂ©gion englobant Perth et le sud-ouest de l'État. ComparĂ©e Ă  d'autres langues pama-nyungan, le noongar a un système phonologique moins complexe. Sa grammaire reste nĂ©anmoins typiquement ergative-absolutive. Le noongar a subi une Ă©rosion linguistique considĂ©rable, mais des efforts sont en cours pour le revitaliser. Des programmes communautaires, des ressources en ligne et des dictionnaires ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s pour encourager son apprentissage et son usage dans les cĂ©rĂ©monies culturelles. 

Yolŋgu.
Le yolŋgu, ou yolŋgu matha, est un groupe de langues aborigènes australiennes parlées dans la région du nord-est de l'Australie, en particulier dans la péninsule du cap York et dans les îles voisines. Ces langues sont également des langues agglutinantes, avec un riche système de suffixes et de préfixes pour indiquer les relations grammaticales. Elles possèdent également un système de classes nominales, qui regroupent les noms en catégories selon leur nature (par exemple, animaux, plantes, objets, etc.). Exemples de langues yolŋgu : le djambarrpuyngu (djambarrpuyngu yolngu) et le gupapuyngu (gupapuyngu yolngu). Le yolngu matha reste une langue reste vivante grâce à son usage dans la communauté et dans la musique. Le groupe de rock aborigène Yothu Yindi a contribué à sa visibilité, et les efforts des aînés pour transmettre la langue à la nouvelle génération renforcent sa préservation. I

Diyari
Le diyari (dieri) est une langue parlée historiquement dans le nord-est de l'Australie-Méridionale, le long de la rivière Cooper Creek. Elle possède une structure grammaticale complexe et un système phonologique qui inclut des distinctions rares dans les langues australiennes. Le diyari est en danger critique, avec très peu de locuteurs natifs restants. Cependant, des efforts de documentation et d'enseignement sont menés par des linguistes et des membres de la communauté, notamment des enregistrements et des publications.

Kaurna.
Le kaurna, originaire de la rĂ©gion d'AdĂ©laĂŻde en Australie-MĂ©ridionale, et qui est une langue dĂ©clarĂ©e Ă©teinte, a fait l'objet d'une reconstruction basĂ©e sur les archives et est aujourd'hui enseignĂ©e dans certaines Ă©coles et utilisĂ©e dans les cĂ©rĂ©monies culturelles. Cette langue agglutinate possède Ă©galement un système complexe de marques de cas pour indiquer le rĂ´le des participants dans une phrase. 

Langues non-nama-nyungan.
Il existe une mosaĂŻque de langues dans le nord de l'Australie, notamment en Terre d'Arnhem, au  Cap York, dans la rĂ©gion du dĂ©troit de Torres et dans les Ă®les adjacentes, qui ne partagent pas d'origine commune avec les langues pama-nyungan et forment plusieurs familles linguistiques. 

Contrairement aux langues pama-pyungan, les langues dites non-pama-nyungan ont des caractéristiques très diverses. Elles peuvent avoir des systèmes phonétiques plus variés et incluent parfois des contrastes phonétiques uniques. Certaines possèdent des sons peu courants comme des éjectives ou des distinctions fines entre plusieurs types de consonnes. Certaines de ces langues, comme le tiwi, sont polysynthétiques, ce qui signifie qu'elles peuvent former des mots extrêmement longs en ajoutant de nombreux affixes à un radical pour exprimer des concepts complexes en un seul mot. Certaines peuvent être de type nominatif-accusatif ou ergatif-absolutif. Elles ont couramment des systèmes de classes nominales très complexes, avec des catégories grammaticales associées au genre, à l'animé/inanimé, et d'autres distinctions culturelles.

Voici quelques exemples de ces langues non-pama-nyungan :

Tiwi.
Le tiwi est parlĂ© sur les Ă®les Tiwi, au nord de Darwin, dans le Territoire du Nord et n'a pas de lien avec les autres langues de l'Australie continentale. C'est une langue polysynthĂ©tique (elle peut former des mots très longs en ajoutant des affixes), qui se distingue par son adaptation aux besoins de communication modernes. Le tiwi est relativement bien prĂ©servĂ©, en partie grâce Ă  l'isolement gĂ©ographique des Ă®les et au fort attachement culturel des habitants. 

Murrinh-patha.
Le murrinh-patha  (garama) est parlĂ© Ă  Wadeye, dans le Territoire du Nord. Il s'agit de l'une des rares langues autochtones d'Australie dont l'usage est en augmentation. Cette langue agglutinante possède un système verbal extrĂŞmement complexe, avec des morphèmes qui varient selon la personne, le temps, et l'aspect. Le murrinh-patha est enseignĂ© dans les Ă©coles locales et utilisĂ© dans les services religieux et communautaires, ce qui le rend plus vivant que beaucoup d'autres langues autochtones.

Nunggubuyu.
Le nunggubuyu (wubuy) est une langue parlée dans l'est de la Terre d'Arnhem. C'est une langue ergative-absolutive avec des structures grammaticales et morphologiques très complexes. Elle comprend des classes nominales caractérisées par des distinctions de genre et d'autres catégories culturelles. Le nunggubuyu est en danger critique d'extinction, bien que des projets de documentation et des efforts de revitalisation soient en cours pour préserver ce patrimoine.

La littérature des populations autotchtones d'Australie

La littĂ©rature des Aborigènes d'Australie est en grande partie orale, car la transmission de leur culture, de leurs rĂ©cits et de leurs connaissances s'est faite pendant des milliers d'annĂ©es sans Ă©criture. Cette littĂ©rature est riche en mythes, en chants, en poĂ©sie, en  oeuvres narratives et en rĂ©cits de vie. Cependant, avec le contact europĂ©en, la littĂ©rature aborigène a aussi pris des formes Ă©crites - souvent en anglais -, notamment depuis le milieu du XXe siècle.

Littérature orale.
Le Temps du rĂŞve.
Les rĂ©cits du Temps du rĂŞve constituent la base de la littĂ©rature orale aborigène. Ils racontent les origines du monde et de la crĂ©ation, mettant en scène des esprits ancestraux qui ont façonnĂ© le paysage, crĂ©Ă© les animaux et Ă©tabli les lois. Ces rĂ©cits (mythes) expliquent comment le monde a Ă©tĂ© formĂ© et comment il doit ĂŞtre maintenu. Les rĂ©cits du Temps du rĂŞve se veulent des guides de conduite, des enseignements pour comprendre l'environnement naturel et des façons de prĂ©server les relations entre les gens, la terre et le monde autre. Les mythes et lĂ©gendes varient selon les groupes aborigènes, car chaque groupe a ses propres ancĂŞtres mythiques et rĂ©cits spĂ©cifiques liĂ©s Ă  son territoire. 

• Le Serpent Arc-en-Ciel et la crĂ©ation des rivières. -  Le serpent arc-en-ciel (un esprit crĂ©ateur) est une figure centrale dans de nombreuses cultures aborigènes et apparait auusi dans de nombreux mythes. Dans la culture des Arrernte (Aranda), il Ă©merge de la terre au dĂ©but des temps et trace des chemins Ă  travers la terre, formant des rivières, des lacs et des montagnes. Il crĂ©e des points d'eau pour les animaux et les humains, mais peut punir ceux qui ne respectent pas les lois cosmiques. Dans d'autres mythes, ont voit Gurugulu, un serpent gĂ©ant, qui traverse l'ocĂ©an et crĂ©e les rĂ©cifs coralliens avec son corps.
• Les trois Soeurs. - Trois soeurs d'une tribu locale tombent amoureuses de trois hommes d'une autre tribu. Cependant, leur union est interdite par les lois tribales. Un ancien sorcier transforme les soeurs en pierre pour les protéger d'une bataille entre les deux tribus, mais il meurt avant de les ramener à leur forme humaine. Les montagnes connues sous le nom des Trois Soeurs dans les Blue Mountains (près de Sydney) rappellent cette histoire.

• Tiddalik, la grenouille géante. - Tiddalik, une grenouille géante, décide de boire toute l'eau du monde, laissant les animaux et les humains souffrir de soif. Pour la faire rire et le pousser à relâcher l'eau, les autres animaux mettent en scène des performances humoristiques. Finalement, un émeu ou un lézard réussit à la faire rire, libérant l'eau et sauvant la nature.

• Les sept soeurs. - Ce récit, partagé par plusieurs populations aborigènes, raconte comment sept soeurs fuient un chasseur amoureux et se réfugient dans le ciel, devenant le groupe d'étoiles connu sous le nom des Pléiades. Le chasseur, parfois identifié comme une étoile solitaire, les poursuit encore dans la Voie lactée.

Les chants.
Le lignes de chant sont des itinéraires de chants et de récits qui traversent le continent australien. Chaque chanson raconte un chemin précis emprunté par les esprits ancestraux et décrit des points de repère, des lieux sacrés et des événements mythiques. Ces chants servent de cartes orales : en suivant les lignes de chant, les Aborigènes peuvent voyager à travers leurs territoires. Ces chants sont aussi un moyen de maintenir la mémoire des territoires et des événements historiques.

Les histoires de vie et les enseignements moraux.
La littérature orale est riche en histoires qui enseignent des valeurs morales, des règles de conduite et des relations interpersonnelles. Par exemple, certaines histoires avertissent des dangers ou enseignent des valeurs comme la générosité, le respect des anciens et la coopération. Les histoires de vie, ou récits personnels, racontent les expériences individuelles et les relations avec le clan et la terre. Ces récits sont généralement partagés lors de cérémonies et sont considérés comme des outils éducatifs importants.

Littérature écrite.
La littérature aborigène écrite est un phénomène plus récent, apparu principalement au XXe siècle. Quand elle est en anglais, elle permet de partager les expériences des Aborigènes avec un public plus large et d'attirer l'attention sur leurs luttes, leurs identités et leur culture.

RĂ©cits autobiographiques.
L'autobiographie est l'un des premiers genres littéraires écrits par des Aborigènes. Des écrivains aborigènes ont publié des récits de vie décrivant leur enfance, leur identité culturelle, leurs luttes contre le racisme et les effets de la colonisation. Parmi les œuvres notables, on trouve My Place (1987) de Sally Morgan (née en 1951), qui raconte l'histoire de sa famille et la découverte de ses racines aborigènes.

• My Place (ou Dark Place) est une autobiographie publiée en 1987, où Sally Morgan raconte la quête de ses racines et de son identité en tant que femme aborigène en Australie. Elle découvre, à l'âge adulte, que sa famille lui a caché son ascendance aborigène pour échapper aux discriminations. En interrogeant les membres de sa famille, elle expose les traumatismes liés à la colonisation, le racisme et les pertes culturelles qu'ont subis ses ancêtres. Ce livre est un témoignage poignant de l'importance de la mémoire familiale et de l'identité culturelle.
Récits de résilience et de réconciliation.
Les Ă©crits aborigènes contemporains se concentrent sur la question de la rĂ©conciliation et de la rĂ©silience. De nombreux Ă©crivains partagent des rĂ©cits sur la façon dont les Aborigènes prĂ©servent leurs cultures et identitĂ©s malgrĂ© les difficultĂ©s Bruce Pascoe (nĂ© en 1947), par exemple, dans Dark Emu (2014),  propose une rĂ©interprĂ©tation des pratiques agricoles et sociales des Aborigènes, qui remet en question les rĂ©cits historiques et les stĂ©rĂ©otypes. Ajoutons aussi que de nombreux auteurs aborigènes Ă©crivent des essais et des travaux historiques pour informer sur les luttes pour les droits des Aborigènes, leurs contributions culturelles, et les impacts durables de la colonisation. Ces Ă©crits visent Ă  Ă©duquer et Ă  susciter des discussions sur la justice et l'Ă©galitĂ©.
• Dark Emu est un essai de Bruce Pascoe publié en 2014. Dans cet ouvrage, l'auteur défend l'idée que les populations aborigènes d'Australie avaient, avant la colonisation européenne, des sociétés complexes basées sur l'agriculture, la construction d'habitations, l'irrigation et des systèmes alimentaires avancés. Contrairement à l'image traditionnelle de chasseurs-cueilleurs que les colonisateurs ont utilisée pour justifier la prise des terres, Pascoe montre que les autochtones australiens avaient des pratiques sophistiquées de gestion des terres. En s'appuyant sur des journaux de colons et des preuves archéologiques, Dark Emu déconstruit les mythes européens et redonne une place au savoir et aux pratiques autochtones.
Poésie.
La poésie est un autre genre populaire. Elle est volontiers engagée et vise à refléter les luttes pour les droits, la résistance à la colonisation et la préservation de l'identité aborigène. Des figures comme Oodgeroo Noonuccal (d'abord connue sous le nom de Kath Walker, 1923-1993), une des premières poétesses aborigènes reconnues, qui ont utilisé la poésie pour exprimer les souffrances de leur peuple et pour promouvoir la justice sociale et la réconciliation.

Romans et nouvelles.
Les écrivains aborigènes abordent également des genres comme le roman et la nouvelle pour raconter des histoires ancrées dans la culture et les valeurs aborigènes. Des auteurs comme Kim Scott (né en 1957), Alexis Wright (née en 1950) et Melissa Lucashenko (née en 1967), qui ont tous reçu des prix littéraires australiens, abordent les défis contemporains (expérience du déracinement, impact de la colonisation, résilience de la culture autochtone) des Aborigènes tout en intégrant des éléments du Temps du Rêve et de la tradition orale.

• Benang, de Kim Scott est une fiction historique parue en 1999, qui raconte l'histoire de Harley, un jeune homme métis, qui cherche à comprendre ses racines aborigènes et l'histoire de sa famille. Au fil de sa quête, il découvre la politique de "blanchiment" des Aborigènes, menée par le gouvernement australien au XXe siècle, dans le but d'assimiler les populations autochtones en encourageant les mariages avec des blancs. En retraçant l'histoire de plusieurs générations, Harley prend conscience des traumatismes et des pertes culturelles que cette politique a infligés à sa famille et à d'autres peuples autochtones.

• Carpentaria (2006) d'Alexis Wright est unune fiction épique qui se déroule dans la ville fictive de Desperance, dans le nord de l'Australie. Le roman raconte la lutte d'une famille aborigène, les Phantom, pour défendre leur territoire et leur mode de vie face aux compagnies minières, aux autorités et aux tensions locales. Alexis Wright utilise un style empreint de réalisme magique et d'humour pour raconter les luttes politiques, les croyances religieuses et les liens profonds avec la terre de ses personnages. Carpentaria évoque la relation complexe entre les peuples autochtones et les forces modernes de destruction de l'environnement.

• Celle qui parle aux corbeaux (Too Much Lip) de Melissa Lucashenko est une comédie dramatique publiée en 2018 dans laquelle l'autrice raconte l'histoire de Kerry Salter, une femme aborigène rebelle qui retourne dans sa ville natale pour voir sa famille. Ce retour est l'occasion de revisiter les dynamiques familiales compliquées et les traumatismes du passé, tout en luttant contre un projet immobilier qui menace les terres ancestrales de sa famille. Dans ce roman, Melissa Lucashenko aborde des sujets sérieux tels que la violence, la toxicomanie, et les traumatismes intergénérationnels, mais elle utilise aussi l'humour et l'esprit vif de Kerry pour donner une voix à la résilience et à l'espoir.

Théâtre et performance.
Le théâtre aborigène s'est développé à partir des années 1970 et permet de combiner la tradition orale et la performance scénique. Les pièces de théâtre abordent des thèmes comme la perte de territoire, l'injustice sociale et les traditions aborigènes. Jack Davis (1917-2000), un dramaturge célèbre, a écrit des pièces comme No Sugar (1985) qui traite des effets de la politique d'assimilation et des conditions de vie difficiles des Aborigènes dans les missions.
• No Sugar est une pièce de théâtre de Jack Davis créée en 1985 et qui se déroule en Australie-Occidentale dans les années 1930, durant la Grande Dépression. Elle raconte l'histoire des Millimurra-Munday, une famille aborigène forcée de quitter leur maison et d'être déplacée dans une réserve. À travers les épreuves de cette famille, l'auteur illustre les injustices systémiques et le traitement oppressif que les Aborigènes australiens ont subis sous le régime colonial et gouvernemental. La pièce expose le racisme institutionnalisé et les tentatives de survie culturelle malgré les politiques d'assimilation et de ségrégation.
Littérature pour enfants.
La littérature jeunesse aborigène connaît une faveur particulière. Les oeuvres visent à sensibiliser les jeunes aux histoires, à la culture et aux valeurs des Aborigènes. Elles racontent des histoires inspirées des mythes et légendes du Temps du rêve et sont fréquemment illustrées avec des motifs et des symboles aborigènes traditionnels.
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