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Avant
l'arrivée des colons européens, l'Australie comptait environ 250 à 300
langues
aborigènes distinctes, réparties en environ 700 dialectes. Aujourd'hui,
un grand nombre de ces langues sont en danger critique d'extinction en
raison des pressions de l'anglais, des déplacements forcés des populations
et de la globalisation. Certaines
aussi continuent d'être parlées activement. Ces langues sont non seulement
des moyens de communication, mais aussi des porteurs de culture et reflètent
l'histoire, les valeurs et la vision du monde de leurs locuteurs. Les langues
aborigènes sont intégrées aux pratiques cérémonielles et artistiques.
Elles contiennent également des connaissances spécifiques sur l'environnement
local, la médecine traditionnelle, et les relations sociales, qui sont
inaccessibles dans les langues non autochtones. Pour pallier le déclin
des langues australiennes, des efforts de revitalisation sont réalisés
par des linguistes, des centres culturels, et des programmes Ă©ducatifs
locaux qui collaborent avec les populations
aborigènes pour créer des ressources, enseigner les langues dans
les Ă©coles, et promouvoir leur usage au quotidien.
La grande variété
des langues autochtones parlées en Australie permet difficilement d'en
dégager des caractères généraux. On peut seulement noter que ces langues
possèdent souvent un riche éventail de sons, notamment des consonnes
rétroflexes (produites avec la langue recourbée vers le palais), des
sons nasaux et des séries de sons dentaux et palatals. Beaucoup de langues
aussi ont des systèmes de pronoms qui incluent des distinctions de genre,
d'inclusion/exclusion (par exemple, "nous" peut signifier "nous, y compris
toi" ou "nous, sans toi"), et des formes spécifiques pour exprimer des
relations de parenté. Contrairement aux langues européennes, qui suivent
souvent un ordre spécifique (sujet-verbe-objet), les langues aborigènes
utilisent généralement un ordre des mots plus flexible, grâce à des
terminaisons qui indiquent le rĂ´le de chaque mot dans la phrase. Ajoutons
que dans certaines populations, il existe une langue de communauté, pour
les échanges ordinaires, et une langue de rituel, qui est une langue secrète
utilisée uniquement dans des contextes cérémoniels. Par exemple, le
damin est une langue rituelle des Yolngu, et est utilisée exclusivement
lors de certaines initiations masculines. Ces langues spéciales servent
ordinairement de moyen pour renforcer des liens culturels et des notions
religieuses transmises de génération en génération.
Classification et familles
de langues aborigènes
Famille
pama-nyungan |
Paman |
Pama
Central
Wangkangurru
(100 loc.), yarluyandi
(50 loc.); dieri
(100 loc.),
kokatha (50 loc.),
tharrkari (20 loc.),
wik (wik mungkan,
wik-me'nh, wik-ngathan, wik-elkenh, wik-Iiyanh, wikampama), kugu
(kugu nganhcara, kugu muminh, kugu mangk, kugu yi'anh, kugu uwanh, kugu
mi'inh)
Pama
Nord
Warlpiri
(5000 loc.),
pintupi (1000 loc.);
luritja (1000),
warumungu (200 loc.),
gurindji (500 loc.),
umpila, kuuku
(kuuku ya'u, kuuku yani, kuuku I'yu ou kaanju), pakanh, yir-yoront, lamalama,
umbuygamu
Aranda
(Arrernte ou Arrernte-Arandic) : Arrernte
(Arrernte de l'Est, Arrernte du Sud, Arrernte de l'Ouest, 3000 locuteurs),
Anmatyerre (1000 loc.),
Kaytetye (500 loc.),
Arena, Alyawarr, Coglin (langue Ă©teinte)
Pama
Sud
Pitjantjatjara
(3000 locuteurs),
yankunytjatjara (1000 loc.),
ngaanyatjarra (1000 loc.),
ngarrindjeri
(200 loc.), kaurna (100 loc.), narungga (50 loc.), ngadjuri (20 loc.),
wirangu (10 loc.), barngarla (10 loc.), adnyamathanha (100 loc.), ngarrindjeri,
mbabaram, yalanji, djabugay, yidinji |
Nyungan |
Wajarri
(200 locuteurs),
badimaya (100 loc.),
wangkangurru (100 loc)
Sous-groupe
du Noongar
Noongar
(ou nyungar, 1000 locuteurs),
ballardong, wadjuk et pinjarup |
Langues
non-pama-nyungan |
Gunwinyguan |
Gunwinggu
(ou guninjin, 200 loc.),
gurr-goni (ou gudanji), kune (ou kundjeyhmi), ndjébbana (ou rembarrnga,
100 loc.), maung,
maningrida (ou iwirrkara), Jawoyn (200 loc.),
murrinh-Patha (env. 1500 locuteurs),
nunggubuyu (wubuy, 200 loc.)
Yolngu
Matha
(terme
qui signifie "langue des gens du nord").
Kunwinjku
(ou kuninjku ou oenpelli, 1000 locuteurs),
bininj kunwok (ou bininj gun-wok, ou kunwinjku de l'est, ou binbinka,
env. 1500 loc.), dhuwal, djaŋkawu, djaŋgala,
gupapuyŋu, gumatj, djambarrpuyŋu, ritharrngu, dhuumbur |
Bunuban |
Bunuba,
ngarluma |
Ngardiman |
Kitja,
ngaliwurru, jaru |
Ngayardan |
Ngarluma
(100 loc.), yindjibarndi
(300 loc.), kurrama
(100 loc.),
mardudhunera (50 loc.)
ngayarda (ngarluma-yindjibarndi ou nhuwala, 200
loc.). |
Nyulnyulan |
Nyulnyul
(environ 100 locuteurs),
miriwung (20 loc.),
karajarri (500 loc.),
yawuru (200 loc.);
jabirr Jabirr (20 loc.),
bardi (100 loc.),
nimanburru (10 loc.) |
Iwaidjan |
Iwaidja,
marra, mawng (wurdirr), yilpara, yiriwa |
Worrorran |
Worrorra
(100 locuteurs),
unggumi (20 loc.),
wunambal (20 loc.),
gambera (10 loc.),
Ngarinyin (100 loc.),
ungarinyin, inyjarrumi |
Jarrakan |
Miriwoong,
gija |
Langues
isolées |
Tiwi
(variété dialectale :
ngalagan);
tasmanien (palawa
kani, reconstruction linguistique). |
NB
: ce tableau à été construit à partir de sources diverses, souvent
en désaccord du fait généralement de méthodologies différentes, ce
qui a rendu toute synthèqe illusoire. Aussi doit-on considérer cette
proposition comme simpleune illustration du foisonnement linguistique de
l'Australie autochtone. Le nombre de locuteurs (estimation de 2024) est
Ă©galement indicatif. |
Famille pama-nyungan.
La famille des langues
pama-nyungan est la plus vaste et la plus largement répandue des familles
de langues aborigènes australiennes. Elle englobe environ 90 % des langues
aborigènes du continent et s'Ă©tend sur presque toute l'Australie, Ă
l'exception du nord, oĂą l'on trouve des langues d'autres familles non
pama-nyungan. Beaucoup de ces langues sont aujourd'hui Ă©teintes ou en
danger critique d'extinction.
La théorie de l'origine
unique de la famille pama-nyungan suggère qu'il y a plusieurs milliers
d'années, une langue ancestrale commune se serait répandue à travers
le continent, se fragmentant en diverses langues Ă mesure que les populations
migraient et se séparaient géographiquement. Les langues de cette famille
partagent donc des éléments lexicaux et grammaticaux hérités de cette
langue commune :
• Phonologie.
- Les consonnes et voyelles varient selon les langues, mais on trouve fréquemment
des systèmes phonétiques avec des consonnes rétroflexes, vélaires,
et un petit nombre de voyelles (souvent trois : /a/, /i/, /u/).
• Morphologie
et syntaxe. - Dans beaucoup de langues, la morphologie est agglutinante,
ce qui signifie que les mots peuvent être modifiés par l'ajout de suffixes
pour marquer des cas grammaticaux, comme le locatif, l'ablatif, ou l'instrumental.
• Ordre des
mots. - Bien qu'il varie, l'ordre des mots a tendance Ă ĂŞtre flexible,
avec une prépondérance de l'ordre sujet-objet-verbe (SOV), mais certains
dialectes peuvent adopter un ordre différent selon le contexte. Cela correspond
Ă des langues dites ergatives-absolutives.
Parmi les langues de
cette famille, on peut mentionner :
Pitjantjatjara
et Yankunytjatjara.
Les langues pitjantjatjara
et yankunytjatjara sont parlées par les populations du même nom dans
le centre de l'Australie, principalement dans les régions du Territoire
du Nord, de l'Australie-MĂ©ridionale et de l'ouest de l'Australie. Elles
sont très proches linguistiquement, au point d'être parfois considérées
comme des dialectes d'une même langue, appelées collectivement pitjantjatjara-yankunytjatjara
ou pitjantjatjara-yankunytjatjara anangu. Ces languesont une morphologie
agglutinante, c'est-à -dire que les mots sont formés par l'ajout de suffixes
pour exprimer différentes significations et fonctions grammaticales. Elles
sont encore bien vivantes aujourd'hui, parlées par plusieurs milliers
de personnes.
Arrernte.
L'arrernte (aranda)
est une langue parlée autour de la ville d'Alice Springs, dans le centre
de l'Australie. Cette langue possède un système phonologique riche avec
des distinctions fines entre plusieurs types de consonnes, dont des sons
rétroflexes et latéraux qui lui sont propres. Plusieurs dialectes d'arrernte
existent, tels que l'arrernte oriental et l'arrernte central. Malgré la
dominance de l'anglais dans la région, l'arrernte est encore bien transmis
et enseigné dans les écoles locales. Elle est aussi étudiée dans des
programmes universitaires pour former des spécialistes de la langue et
des linguistes autochtones.
Warlpiri.
La langue warlpiri
est parlée dans le centre du Territoire du Nord, principalement dans les
communautés de Lajamanu, Yuendumu et d'autres villages. La warlpiri est
une langue ergative-absolutive, avec une structure syntaxique assez flexible,
bien qu'elle favorise un ordre sujet-objet-verbe (SOV). Elle est considérée
comme l'une des langues autochtones les mieux conservées, avec un fort
soutien communautaire pour sa préservation et son enseignement. Les programmes
d'enseignement bilingue dans les écoles locales ont contribué à sa vitalité,
mĂŞme si le warlpiri fait face aux mĂŞmes pressions linguistiques que d'autres
langues aborigènes.
Noongar.
Le noongar (nyungar)
est une langue parlée par les Noongar dans le sud-ouest de l'Australie
occidentale, dans une région englobant Perth et le sud-ouest de l'État.
Comparée à d'autres langues pama-nyungan, le noongar a un système phonologique
moins complexe. Sa grammaire reste néanmoins typiquement ergative-absolutive.
Le noongar a subi une érosion linguistique considérable, mais des efforts
sont en cours pour le revitaliser. Des programmes communautaires, des ressources
en ligne et des dictionnaires ont été créés pour encourager son apprentissage
et son usage dans les cérémonies culturelles.
Yolŋgu.
Le yolŋgu, ou yolŋgu
matha, est un groupe de langues aborigènes australiennes parlées dans
la région du nord-est de l'Australie, en particulier dans la péninsule
du cap York et dans les îles voisines. Ces langues sont également des
langues agglutinantes, avec un riche système de suffixes et de préfixes
pour indiquer les relations grammaticales. Elles possèdent également
un système de classes nominales, qui regroupent les noms en catégories
selon leur nature (par exemple, animaux, plantes, objets, etc.). Exemples
de langues yolŋgu : le djambarrpuyngu (djambarrpuyngu yolngu) et le gupapuyngu
(gupapuyngu yolngu). Le yolngu matha reste une langue reste vivante grâce
à son usage dans la communauté et dans la musique. Le groupe de rock
aborigène Yothu Yindi a contribué à sa visibilité, et les efforts des
aînés pour transmettre la langue à la nouvelle génération renforcent
sa préservation. I
Diyari.
Le diyari (dieri)
est une langue parlée historiquement dans le nord-est de l'Australie-Méridionale,
le long de la rivière Cooper Creek. Elle possède une structure grammaticale
complexe et un système phonologique qui inclut des distinctions rares
dans les langues australiennes. Le diyari est en danger critique, avec
très peu de locuteurs natifs restants. Cependant, des efforts de documentation
et d'enseignement sont menés par des linguistes et des membres de la communauté,
notamment des enregistrements et des publications.
Kaurna.
Le kaurna, originaire
de la région d'Adélaïde en Australie-Méridionale, et qui est une langue
déclarée éteinte, a fait l'objet d'une reconstruction basée sur les
archives et est aujourd'hui enseignée dans certaines écoles et utilisée
dans les cérémonies culturelles. Cette langue agglutinate possède également
un système complexe de marques de cas pour indiquer le rôle des participants
dans une phrase.
Langues non-nama-nyungan.
Il existe une mosaĂŻque
de langues dans le nord de l'Australie, notamment en Terre d'Arnhem, au
Cap York, dans la région du détroit de Torres et dans les îles adjacentes,
qui ne partagent pas d'origine commune avec les langues pama-nyungan et
forment plusieurs familles linguistiques.
Contrairement aux
langues pama-pyungan, les langues dites non-pama-nyungan ont des caractéristiques
très diverses. Elles peuvent avoir des systèmes phonétiques plus variés
et incluent parfois des contrastes phonétiques uniques. Certaines possèdent
des sons peu courants comme des Ă©jectives ou des distinctions fines entre
plusieurs types de consonnes. Certaines de ces langues, comme le tiwi,
sont polysynthétiques, ce qui signifie qu'elles peuvent former des mots
extrĂŞmement longs en ajoutant de nombreux affixes Ă un radical pour exprimer
des concepts complexes en un seul mot. Certaines peuvent ĂŞtre de type
nominatif-accusatif ou ergatif-absolutif. Elles ont couramment des systèmes
de classes nominales très complexes, avec des catégories grammaticales
associées au genre, à l'animé/inanimé, et d'autres distinctions culturelles.
Voici quelques exemples
de ces langues non-pama-nyungan :
Tiwi.
Le tiwi est parlé
sur les îles Tiwi, au nord de Darwin, dans le Territoire du Nord et n'a
pas de lien avec les autres langues de l'Australie continentale. C'est
une langue polysynthétique (elle peut former des mots très longs en ajoutant
des affixes), qui se distingue par son adaptation aux besoins de communication
modernes. Le tiwi est relativement bien prĂ©servĂ©, en partie grâce Ă
l'isolement géographique des îles et au fort attachement culturel des
habitants.
Murrinh-patha.
Le murrinh-patha
(garama) est parlé à Wadeye, dans le Territoire du Nord. Il s'agit de
l'une des rares langues autochtones d'Australie dont l'usage est en augmentation.
Cette langue agglutinante possède un système verbal extrêmement complexe,
avec des morphèmes qui varient selon la personne, le temps, et l'aspect.
Le murrinh-patha est enseigné dans les écoles locales et utilisé dans
les services religieux et communautaires, ce qui le rend plus vivant que
beaucoup d'autres langues autochtones.
Nunggubuyu.
Le nunggubuyu (wubuy)
est une langue parlée dans l'est de la Terre d'Arnhem. C'est une langue
ergative-absolutive avec des structures grammaticales et morphologiques
très complexes. Elle comprend des classes nominales caractérisées par
des distinctions de genre et d'autres catégories culturelles. Le nunggubuyu
est en danger critique d'extinction, bien que des projets de documentation
et des efforts de revitalisation soient en cours pour préserver ce patrimoine.
La
littérature des populations autotchtones d'Australie
La littérature des
Aborigènes d'Australie est en grande partie orale, car la transmission
de leur culture, de leurs récits et de leurs connaissances s'est faite
pendant des milliers d'années sans écriture. Cette littérature est riche
en mythes, en chants, en poésie, en oeuvres narratives et en récits
de vie. Cependant, avec le contact européen, la littérature aborigène
a aussi pris des formes Ă©crites - souvent en anglais -, notamment depuis
le milieu du XXe siècle.
Littérature orale.
Le
Temps du rĂŞve.
Les récits du Temps
du rêve constituent la base de la littérature orale aborigène. Ils racontent
les origines du monde et de la création, mettant en scène des esprits
ancestraux qui ont façonné le paysage, créé les animaux et établi
les lois. Ces récits (mythes) expliquent comment le monde a été formé
et comment il doit être maintenu. Les récits du Temps du rêve se veulent
des guides de conduite, des enseignements pour comprendre l'environnement
naturel et des façons de préserver les relations entre les gens, la terre
et le monde autre. Les mythes et légendes varient selon les groupes aborigènes,
car chaque groupe a ses propres ancêtres mythiques et récits spécifiques
liés à son territoire.
• Le
Serpent Arc-en-Ciel et la création des rivières. - Le serpent
arc-en-ciel (un esprit créateur) est une figure centrale dans de nombreuses
cultures aborigènes et apparait auusi dans de nombreux mythes. Dans
la culture des Arrernte (Aranda), il Ă©merge
de la terre au début des temps et trace des chemins à travers la terre,
formant des rivières, des lacs et des montagnes. Il crée des points d'eau
pour les animaux et les humains, mais peut punir ceux qui ne respectent
pas les lois cosmiques. Dans d'autres mythes, ont voit Gurugulu, un serpent
géant, qui traverse l'océan et crée les récifs coralliens avec son
corps.
• Les
trois Soeurs. - Trois soeurs d'une tribu locale tombent amoureuses
de trois hommes d'une autre tribu. Cependant, leur union est interdite
par les lois tribales. Un ancien sorcier transforme les soeurs en pierre
pour les protéger d'une bataille entre les deux tribus, mais il meurt
avant de les ramener Ă leur forme humaine. Les montagnes connues sous
le nom des Trois Soeurs dans les Blue Mountains (près de Sydney) rappellent
cette histoire.
• Tiddalik,
la grenouille géante. - Tiddalik, une grenouille géante, décide
de boire toute l'eau du monde, laissant les animaux et les humains souffrir
de soif. Pour la faire rire et le pousser à relâcher l'eau, les autres
animaux mettent en scène des performances humoristiques. Finalement, un
émeu ou un lézard réussit à la faire rire, libérant l'eau et sauvant
la nature.
• Les sept soeurs.
- Ce récit, partagé par plusieurs populations aborigènes, raconte comment
sept soeurs fuient un chasseur amoureux et se réfugient dans le ciel,
devenant le groupe d'étoiles connu sous le nom des Pléiades. Le chasseur,
parfois identifié comme une étoile solitaire, les poursuit encore dans
la Voie lactée.
Les
chants.
Le lignes de
chant sont des itinéraires de chants et de récits qui traversent
le continent australien. Chaque chanson raconte un chemin précis emprunté
par les esprits ancestraux et décrit des points de repère, des lieux
sacrés et des événements mythiques. Ces chants servent de cartes orales
: en suivant les lignes de chant, les Aborigènes peuvent voyager à travers
leurs territoires. Ces chants sont aussi un moyen de maintenir la mémoire
des territoires et des événements historiques.
Les
histoires de vie et les enseignements moraux.
La littérature
orale est riche en histoires qui enseignent des valeurs morales, des règles
de conduite et des relations interpersonnelles. Par exemple, certaines
histoires avertissent des dangers ou enseignent des valeurs comme la générosité,
le respect des anciens et la coopération. Les histoires de vie, ou récits
personnels, racontent les expériences individuelles et les relations avec
le clan et la terre. Ces récits sont généralement partagés lors de
cérémonies et sont considérés comme des outils éducatifs importants.
Littérature écrite.
La littérature
aborigène écrite est un phénomène plus récent, apparu principalement
au XXe siècle. Quand elle est en anglais,
elle permet de partager les expériences des Aborigènes avec un public
plus large et d'attirer l'attention sur leurs luttes, leurs identités
et leur culture.
RĂ©cits
autobiographiques.
L'autobiographie
est l'un des premiers genres littéraires écrits par des Aborigènes.
Des écrivains aborigènes ont publié des récits de vie décrivant leur
enfance, leur identité culturelle, leurs luttes contre le racisme et les
effets de la colonisation. Parmi les Ĺ“uvres notables, on trouve My
Place (1987) de Sally Morgan (née en 1951), qui raconte l'histoire
de sa famille et la découverte de ses racines aborigènes.
• My
Place (ou Dark Place) est une autobiographie publiée en 1987,
où Sally Morgan raconte la quête de ses racines et de son identité en
tant que femme aborigène en Australie. Elle découvre, à l'âge adulte,
que sa famille lui a caché son ascendance aborigène pour échapper aux
discriminations. En interrogeant les membres de sa famille, elle expose
les traumatismes liés à la colonisation, le racisme et les pertes culturelles
qu'ont subis ses ancêtres. Ce livre est un témoignage poignant de l'importance
de la mémoire familiale et de l'identité culturelle.
RĂ©cits
de résilience et de réconciliation.
Les écrits aborigènes
contemporains se concentrent sur la question de la réconciliation et de
la résilience. De nombreux écrivains partagent des récits sur la façon
dont les Aborigènes préservent leurs cultures et identités malgré les
difficultés Bruce Pascoe (né en 1947), par exemple, dans Dark Emu
(2014), propose une réinterprétation des pratiques agricoles et
sociales des Aborigènes, qui remet en question les récits historiques
et les stéréotypes. Ajoutons aussi que de nombreux auteurs aborigènes
Ă©crivent des essais et des travaux historiques pour informer sur les luttes
pour les droits des Aborigènes, leurs contributions culturelles, et les
impacts durables de la colonisation. Ces Ă©crits visent Ă Ă©duquer et
à susciter des discussions sur la justice et l'égalité.
• Dark
Emu est un essai de Bruce Pascoe publié en 2014. Dans cet ouvrage,
l'auteur défend l'idée que les populations aborigènes d'Australie avaient,
avant la colonisation européenne, des sociétés complexes basées sur
l'agriculture, la construction d'habitations, l'irrigation et des systèmes
alimentaires avancés. Contrairement à l'image traditionnelle de chasseurs-cueilleurs
que les colonisateurs ont utilisée pour justifier la prise des terres,
Pascoe montre que les autochtones australiens avaient des pratiques sophistiquées
de gestion des terres. En s'appuyant sur des journaux de colons et des
preuves archéologiques, Dark Emu déconstruit les mythes européens
et redonne une place au savoir et aux pratiques autochtones.
Poésie.
La poésie est un
autre genre populaire. Elle est volontiers engagée et vise à refléter
les luttes pour les droits, la résistance à la colonisation et la préservation
de l'identité aborigène. Des figures comme Oodgeroo Noonuccal (d'abord
connue sous le nom de Kath Walker, 1923-1993), une des premières poétesses
aborigènes reconnues, qui ont utilisé la poésie pour exprimer les souffrances
de leur peuple et pour promouvoir la justice sociale et la réconciliation.
Romans
et nouvelles.
Les écrivains aborigènes
abordent Ă©galement des genres comme le roman et la nouvelle pour raconter
des histoires ancrées dans la culture et les valeurs aborigènes. Des
auteurs comme Kim Scott (né en 1957), Alexis Wright (née en 1950) et
Melissa Lucashenko (née en 1967), qui ont tous reçu des prix littéraires
australiens, abordent les défis contemporains (expérience du déracinement,
impact de la colonisation, résilience de la culture autochtone) des Aborigènes
tout en intégrant des éléments du Temps du Rêve et de la tradition
orale.
• Benang,
de Kim Scott est une fiction historique parue en 1999, qui raconte l'histoire
de Harley, un jeune homme métis, qui cherche à comprendre ses racines
aborigènes et l'histoire de sa famille. Au fil de sa quête, il découvre
la politique de "blanchiment" des Aborigènes, menée par le gouvernement
australien au XXe siècle, dans le but
d'assimiler les populations autochtones en encourageant les mariages avec
des blancs. En retraçant l'histoire de plusieurs générations, Harley
prend conscience des traumatismes et des pertes culturelles que cette politique
a infligés à sa famille et à d'autres peuples autochtones.
• Carpentaria
(2006) d'Alexis Wright est unune fiction épique qui se déroule dans la
ville fictive de Desperance, dans le nord de l'Australie. Le roman raconte
la lutte d'une famille aborigène, les Phantom, pour défendre leur territoire
et leur mode de vie face aux compagnies minières, aux autorités et aux
tensions locales. Alexis Wright utilise un style empreint de réalisme
magique et d'humour pour raconter les luttes politiques, les croyances
religieuses et les liens profonds avec la terre de ses personnages. Carpentaria
Ă©voque la relation complexe entre les peuples autochtones et les forces
modernes de destruction de l'environnement.
• Celle qui
parle aux corbeaux (Too Much Lip) de Melissa Lucashenko est
une comédie dramatique publiée en 2018 dans laquelle l'autrice raconte
l'histoire de Kerry Salter, une femme aborigène rebelle qui retourne dans
sa ville natale pour voir sa famille. Ce retour est l'occasion de revisiter
les dynamiques familiales compliquées et les traumatismes du passé, tout
en luttant contre un projet immobilier qui menace les terres ancestrales
de sa famille. Dans ce roman, Melissa Lucashenko aborde des sujets sérieux
tels que la violence, la toxicomanie, et les traumatismes intergénérationnels,
mais elle utilise aussi l'humour et l'esprit vif de Kerry pour donner une
voix à la résilience et à l'espoir.
Théâtre
et performance.
Le théâtre aborigène
s'est développé à partir des années 1970 et permet de combiner la tradition
orale et la performance scénique. Les pièces de théâtre abordent des
thèmes comme la perte de territoire, l'injustice sociale et les traditions
aborigènes. Jack Davis (1917-2000), un dramaturge célèbre, a écrit
des pièces comme No Sugar (1985) qui traite des effets de la politique
d'assimilation et des conditions de vie difficiles des Aborigènes dans
les missions.
• No
Sugar est une pièce de théâtre de Jack Davis créée en 1985 et
qui se déroule en Australie-Occidentale dans les années 1930, durant
la Grande DĂ©pression. Elle raconte l'histoire des Millimurra-Munday, une
famille aborigène forcée de quitter leur maison et d'être déplacée
dans une réserve. À travers les épreuves de cette famille, l'auteur
illustre les injustices systémiques et le traitement oppressif que les
Aborigènes australiens ont subis sous le régime colonial et gouvernemental.
La pièce expose le racisme institutionnalisé et les tentatives de survie
culturelle malgré les politiques d'assimilation et de ségrégation.
Littérature
pour enfants.
La littérature
jeunesse aborigène connaît une faveur particulière. Les oeuvres visent
Ă sensibiliser les jeunes aux histoires, Ă la culture et aux valeurs
des Aborigènes. Elles racontent des histoires inspirées des mythes et
légendes du Temps du rêve et sont fréquemment illustrées avec des motifs
et des symboles aborigènes traditionnels. |
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