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L'histoire de l'escrime
du XVIIe à la fin du XIXe siècle
Aperçu
Moyen âge et Renaissance
 Temps modernes

Au XVIIe siècle, Thibaust d'Anvers essaya de répandre l'escrime de l'école espagnole en France, mais la tentative ne paraît pas avoir été couronnée de succès. L'Italie possédait alors des maîtres dont la renommée brillait du plus vif éclat. Et c'est dans ces grands noms tels que Fabris, Giganti et Cappa Ferro, qu'il faut honorer les fondateurs de l'escrime moderne qui, plus tard, se divisa en deux branches encore vivantes aujourd'hui, l'escrime italienne et l'escrime française. 

Jusqu'à la fin du XVIe siècle, le mot garde n'avait eu d'autre signification que celle assez vague de l'attitude la plus favorable comme point de départ pour une série d'attaques. La garde défensive n'existait pas, car on ne pouvait admettre qu'il fut pratique de parer sans frapper en même temps par une contre-attaque.

L'école italienne : de Fabris à Capo Ferro.
L'italien Fabris paraît avoir eu le premier la notion de l'idée de garde; il en distingue quatre principales et les définit ainsi : 

« La première est la position prise, alors que l'épée, venant d'être tirée du fourreau, on en tourne la pointe vers l'adversaire; pour la deuxième, la main est légèrement abaissée; pour la troisième, elle est tenue naturellement, sans être tournée ni d'un côté ni de l'autre; la quatrième garde tourne la main vers le côté gauche. » 
On remarquera que ces gardes n'ont rien de relatif, c.-à-d. qu'elles ne sont pas prises d'après le rapport avec l'épée ennemie, mais seulement d'après la position de la main, quelle que soit d'ailleurs celle du corps. Mais le maître recommande d'opposer toujours une garde identique à celle de l'adversaire. La garde n'est donc, en somme, qu'une « position d'attaque pour la main ». La botte, qui est l'attaque, est déterminée par la garde et la position du corps. Il faut, avant tout, songer à se bien couvrir, c. -à-d. à se garder de la pointe de son adversaire, sans avoir à faire aucun mouvement, mais par la position seule de la main et de manière que l'épée oblige celle de l'adversaire à changer de place s'il veut vous attaquer. On aura soin de tenir son épée de manière à ce qu'elle résiste à la pression de l'adversaire.

Fabris établit donc les nécessités découlant de contacts de fer. Il attache aussi une grande importance à la question de mesure, c.-à-à. à la distance à laquelle il est possible de frapper l'ennemi, soit en allongeant le bras, soit en avançant d'un pas. Une plus grande importance encore a la question de temps. Le temps est, selon lui, le mouvement que fait un des tireurs, en mesure; 

« c'est une occasion de frapper ou de prendre un avantage sur votre ennemi ». 
Fabris est le premier qui ait défini l'engagement et le dégagement, voire le doublé et le contre.
« Quand l'ennemi essaye d'engager votre épée ou de la battre de côté, vous devez, sans lui permettre de l'engager ou de la battre, faire un dégagement à temps (cavatione di tempo). - Une contra cavatione (double dégagement, doublé) peut se faire pendant que l'ennemi dégage, en dégageant vous-même, de manière qu'il se trouve dans la même situation qu'auparavant. - Une rivacatione (contre-dégagement, contre) est ça que vous pouvez faire de mieux après la première cavatione et pendant que votre adversaire fait une contra cavatione, en d'autres termes, en faisant un deuxième dégagement de manière à tromper son action. - Nous appelons meggia cavatione (demi-dégagement) l'action dans laquelle l'épée n'achève pas son passage d'une ligne à l'autre, mais reste sous la lame de l'antagoniste. »
Fabris ne parle que peu des oppositions et est encore d'avis qu'il vaut mieux parer par des contre-attaques que par des parades simples. Il préconise les coups de temps qui sont encore des coups d'arrêt et recommande de faire ses mouvements et feintes le bras allongé, conséquence naturelle de ce qu'il dit sur les dangers de se laisser arrêter. Sa méthode était défectueuse en ce qu'il ne professa pas la méthode du développement et qu'il donna toujours trop d'importance aux pratiques dangereuses des voltes pour éviter les attaques et des passes pour faire celles-ci. L'usage de la main gauche ne lui paraît point inutile, quoiqu'il tende à en restreindre l'emploi; mais il en réglemente sérieusement l'exercice avec la dague. En somme, Fabris marque un progrès vraiment considérable pour son époque. Si l'on veut bien tenir compte qu'au commencement du XVIIe siècle les rapières avaient plus de quatre pieds et trois pouces de long, encore que leurs lames très fines et leurs lourds pommeaux les rendissent très maniables, on verra combien une pareille escrime était scientifique et demandait de force et d'adresse. L'école napolitaine moderne a gardé beaucoup des principes du vieux maître; mais sa méthode fut portée à la perfection par ses compatriotes Giganti, Capo Ferro et Alfieri.
« La science des armes doit à Fabris l'éclaircissement de beaucoup de principes qui jusqu'alors n'étaient qu'à moitié compris; une définition claire du mot garde, sous le nom de contra guardia; de l'opposition qu'il nomme trovare dispada; du dégagement; des parades circulaires etde leurs déceptions, qu'il nomme respectivement contra cavatione et ricavatione; de la nature des feintes, des temps et de la distance. Il fut le premier qui prouva l'incontestable supériorité d'un système d'escrime dans lequel la rapidité à saisir le moment (temps) est le point principal, sur un système qui dépend des préliminaires de l'attaque [...]. Parmi les bottes favorites de Fabris, on en trouve une qui se pratique encore, dans l'école napolitaine moderne, sous le nom de sbasso et passato sotto, et qu'il nomme une ferita de prima. » (Egerton Castle).
A Giganti revient l'honneur d'avoir donné la définition claire et précise du développement. Il reconnaît deux gardes correspondant à quarte et à tierce et établit la nécessité d'engager en restant couvert, d'attaquer par des dégagements en se fendant à fond, de faire des feintes simples, et d'attaquer le bras tendu comme aussi pour prendre les parades circulaires. Ce maître italien ne fut dépassé que par Capo Ferro, professeur « de la nation allemande dans la fameuse ville de Sienne ». Partisan de la longueur de la rapière, il fixe ses dimensions à deux fois la longueur de bras. Son escrime parait déjà moins aventureuse; il donne une grande importance à la position de la tête, point sur lequel doivent tendre toutes les attaques de ligne haute, et recommande de porter le corps en avant de manière à augmenter la portée de la botte. Tout en laissant au bras gauche son rôle comme armé de la dague, il montre le rôle qu'il doit faire comme contrepoids pour aider le corps à se porter en avant ou à se relever. Pour lui, on doit toujours avoir le pied droit en avant même dans la marche qui se fait en avançant le pied gauche contre le droit après avoir porté celui-ci en avant; il n'admet la marche oblique qu'avec réserve, proscrit presque complètement les voltes et condamne la passe comme une perte de temps. 
Pour lui, « une garde est une position qui tend le bras et l'épée en ligne droite vers le milieu des endroits qu'on peut attaquer chez l'ennemi, le corps étant bien établi selon son mouvement, de manière à tenir l'adversaire à distance et à le frapper s'il s'approchait à ses risques et périls [...]. En se conformant à ma garde, la seule précaution nécessaire consiste à tenir l'épée droit en avant et à couvrir le faible de l'épée de l'adversaire, de manière à maîtriser celle-ci sans la toucher avant le moment de donner la botte, en dehors ou en dedans, selon l'occasion. »
Il conseille d'abandonner les coups de taille, parce qu'ils prennent plus de temps que ceux de pointe. Partisan de l'épée seule, il la considère comme suffisante pour attaquer et parer; aussi attache-t-il peu d'importance à la dague. Cependant tous les personnages figurés dans son ouvrage ont les deux mains armées, mais il ne considère l'arme de main gauche que comme un expédient favorable à la contre-attaque. 

Toutefois, l'arme de main gauche resta en faveur pendant la première moitié du XVIIe siècle, en Italie, en Espagne, en Allemagne et aussi en France. Elle servait surtout à parer tous les coups portés en dedans et permettait à l'épée d'attaquer en même temps. Mais cela compliquait le jeu et le rendait fort difficile. Quant aux petits boucliers, broquels et bras armés, ils étaient tombés en désuétude. L'abandon de ces armes défensives ainsi que des manches de mailles et des gants de prise que l'on avait tant portés au XVIe siècle expliquent pourquoi l'épée devenait de plus en plus légère et tendait à perdre même ses tranchants. Mais jamais elle n'avait été plus longue, notamment en Allemagne, où sa lame commençait à être en forme d'alène avec une coquille assez plate percée de trous, construite sur le type que l'on nommait en France flamberge.

Capo Ferro établit les natures différentes des parades et des ripostes, l'utilité des coups de temps, l'excellence de la garde basse qui se prend l'épée tenue horizontale, la pointe au corps de l'adversaire. Mais il n'est pas partisan des feintes, 

« car elles causent des pertes de temps et de distance [...]; faites hors de la portée, elles sont inutiles ». 
Le premier, il montre l'avantage de savoir « gagner » sur l'épée de l'adversaire dans toutes ses gardes. L'escrime de cette époque était plus utilitaire qu'académique; aussi sans cesse conseille-t-on de frapper les parties découvertes, la main, la jambe, la tête, suivant l'opportunité. Les coups de taille sont bons sur le visage, car ils aveuglent l'homme avec son sang, etc. Telle demeura, en ses principes essentiels, l'escrime italienne jusqu'à la fin du XVIIe siècle; elle se perfectionna sans doute, mais ne changea pas sensiblement. Morsicato Pallavicini, en 1670, paraît avoir apporté le système de tirer dans les feintes de l'adversaire, c.-à-d., en style moderne, de tirer droit sur le changement de fer; ce mouvement de grande vitesse semble indiquer que l'épée était alors plus légère; et, en effet, c'est vers cette époque que commence à se produire la décadence de la longue rapière, déjà abandonnée en France.

L'escrime française.
En France, l'escrime ancienne était remplacée par des théories toutes différentes qui ouvraient l'ère de l'escrime moderne. Cela tenait à l'adoption d'un nouveau modèle d'épée, de la courte épée française. Et, changement plus important encore, le fleuret venait de faire son apparition dans les salles d'armes. Jusque-là on s'était servi d'épées de service dont l'extrémité était forgée en forme de bouton rond; mais la lame avait la forme de la rapière, les mêmes dimensions, et était plus lourde encore. Les gardes étaient à peu près aussi compliquées, encore que beaucoup n'eussent que de simples quillons en croix. On les maniait avec de gros gants de peau ou même avec des gants de prise où la dessus de la main était couvert de mailles, de tuiles de fer ou de baleine. Mais le visage n'était pas abrité par un masque; aussi les accidents étaient-ils fréquents et les maîtres recommandaient-ils sans cesse aux élèves de mettre la plus grande prudence dans leurs exercices et de n'y apporter aucun amour-propre. Mais quelque dangereux et lourds que ces engins fussent à manier, ils présentaient l'avantage incontestable de représenter dans la main de l'élève l'arme dont il aurait un jour à se servir. Et comme, somme toute, l'épée d'exercice était même plus lourde que la rapière affilée, la main y gagnait en force et en souplesse. L'introduction du fleuret dans les salles d'armes allait amener une révolution dont l'intérêt est contestable au point de vue du maniement même de l'épée, et amener l'escrime à un état théorique et artificiel qui n'a fait que s'exagérer de nos jours en donnant à l'instrument de l'exercice une légèreté supérieure à celle de l'arme qu'il doit, en réalité, représenter. II en est donc résulté une escrime absolument différente selon que la main tient le fleuret ou l'épée, et le jeu académique a été considéré dès lors comme le résultat désiré.

Aussi verra-t-on, depuis la disparition de la rapière, les duels devenir de moins en moins meurtriers, sans qu'ils aient cessé d'être moins fréquents. C'est ainsi qu'à notre époque, où les duels sont aussi nombreux qu'au XVIIe siècle, on ne compte peut-être pas deux hommes tués sur cinq cents engagés; tandis que sous Louis XIII il était rare qu'une rencontre se terminât sans mort d'homme. Il y a à cela plusieurs causes. La rapière, à lame tranchante et rigide, à pointe peu effilée, mais aiguë et retaillée en ogive, avait une grande force de pénétration et faisait une blessure large, toujours dangereuse, car, plus une lame est large, plus elle a chance de couper sur son passage des vaisseaux et des organes importants. Les blessures par coups de taille sont souvent mortelles; ce que l'on a vu  dans les duels au sabre tend à le prouver, car cette arme, des plus meurtrières, rappelle beaucoup plus, et dans son maniement et dans ses effets, l'épée ancienne qu'on ne saurait le croire.

La courte épée française qui apparaît sous Louis XIV est, avec sa lame en carrelet triangulaire, assez flexible, une arme moins dangereuse que la rapière qu'elle venait de supplanter. Et la preuve en est que les duels restèrent beaucoup plus meurtriers dans les pays où l'on continua à manier la rapière, en Espagne, en Italie, en Allemagne. Le fleuret français était alors très court, plus court encore, que notre fleuret moderne, dont il différait par sa lame plus plate et sa garde plus compliquée présentant deux gardes superposées et des pas d'âne. On commençait déjà, en France, à ne plus engager ses doigts dans les gardes des épées; aussi l'escrime allait-elle acquérir rapidement plus de finesse. Ce sont les maîtres d'armes La Touche, Le Perche et Besnard qui ont établi les principes sur lesquels s'est basée l'escrime moderne française; à eux revient l'honneur « d'une classification méthodique des coups et des parades». 

Nouveaux principes.
C'est dans le livre, où Besnard expose les principes de la méthode qu'il professait, qu'est pour la première fois bien définie la position de prime, la première que prenne la main après avoir tiré l'épée et dans laquelle elle fournit un coup de haut en bas. Beaucoup de ses autres gardes diffèrent peu de celles des Italiens, et il emploie encore les passes, sorte de progression dans laquelle le pied gauche se trouve placé en avant. Ses gardes se réduisent essentiellement à quatre, nécessitent quatre engagements et aussi quatre dégagements qui amènent naturellement quatre feintes. II montre l'utilité de parer d'abord, puis de riposter ensuite et aussi l'utilité de faire des reprises, c.-à-d. de recommencer une attaque après la première parade, ce qu'en style moderne on appelle remiser. Il admet des parades dans les quatre lignes et condamne celles qu'on fait avec la main gauche. Ce point est important, car il tend à une uniformité de jeu où l'épée suffit à la parade et à l'attaque. 

Le traité de Le Perche est le premier de ceux que firent paraître successivement les maîtres de l'Académie royale d'armes de France. Tel fut le nom de la corporation officielle des maîtres en fait d'armes qui se nommait aussi Compagnie des maîtres d'armes de France et avait été établie par lettres patentes de Charles IX, de décembre 1567. Louis XIV leur accorda les armoiries suivantes : le champ d'azur à deux épées mises en sautoir, les pointes hautes, les pommeaux, poignées et croisées d'or accompagnées de quatre fleurs de lis avec timbre au-dessus de l'écusson et trophées d'armes autour. Les professeurs libres étaient dénommés ferrailleurs, et sans cesse étaient poursuivis par des édits.

La pratique du développement fut poussée à l'excès par les maîtres français du XVIIe siècle, surtout par La Touche qui définit ainsi cette action :

 « Pour n'importe quelle botte : prime, seconde, tierce, quarte et quinte, le bras est étendu; le pied droit fait un pas aussi long qu'il est anatomiquement possible de le faire, et le corps est courbé en avant jusqu'à ce qu'il repose réellement sur la cuisse. Le pied gauche est tourné de côté, de façon que la cheville touche presque la terre ; la tête est baissée autant que possible. » 
La botte, ainsi portée à fond, pouvait être redoublée par une remise; c'est ce qu'on appelait une estocade de pied ferme. Mais il était très difficile de se relever, en restant couvert, après une pareille attaque. Besnard, qui avait donné une excellente théorie du développement, n'avait pas entendu le faire tomber dans cet excès. Au reste, l'enseignement de La Touche semble avoir été rétrograde. Il est partisan des passes et des voltes, partisan des parades en rompant, et préconise des coups très peu réguliers comme celui de saisir à un moment son épée à deux mains, une par la poignée; l'autre par la moitié de la lame pour parer en rabattant l'épée ennemie; ce coup, dit « coup du paysan », se terminait par une botte poussée après une passe. Le désarmement était toujours recommandé et il subsistera, en France, comme les autres usages de la main gauche, ceux-ci cependant devenant de plus en plus rares jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

Les progrès de l'escrime française ne font désormais que s'affirmer en la poussant vers une correction de jeu vraiment académique et une simplification scientifique dans les attaques, les parades et les positions du corps, dans un jeu de plus en plus serré et correct substitué aux expédients tirés de la force et de l'agilité personnelles. 

« Mais, comme le fait remarquer judicieusement Egerton Castle, les vieilles traditions, comme par exemple l'usage de la main gauche dans la parade, qui satisfaisait la tendance instinctive de parer et de riposter en même temps, l'usage des voltes et des affaissements, si naturels aux personnes jeunes et actives, étaient trop profondément enracinées dans l'esprit des escrimeurs pour être entièrement abandonnées de sitôt. »
Si l'on prend l'ouvrage publié en 1696 par le célèbre Labat de Toulouse, on verra que, sauf ces pratiques défectueuses, son escrime ne différait guère de celle des temps modernes. Mais c'est au XVIIIe siècle que l'escrime française acquit ses principes vraiment scientifiques dont elle ne s'est guère écartée depuis que par une plus grande simplification consistant dans l'abandon de beaucoup de parades peu pratiques. 

La science des armes.
On est étonné de voir que, jusque-là, les gardes étaient restées ce qu'elles étaient dans le maniement de la rapière, c.-à-d. dans une escrime où l'on faisait un libre usage de la taille et de la pointe. De ces quatre gardes, telle de prime couvrait la tète et le côté gauche du corps; celle de seconde, la partie basse du côté droit; celle de tierce, la partie haute du côté droit ; celle de quarte, la partie haute du côté gauche. En fondant ce qu'il appelait la théorie numérique, Danet crut avoir dit le dernier mot sur la science des armes. Il n'admet qu'une garde, point de départ de toutes les attaques et de toutes les parades, où le tireur effacé, le pied droit en avant, le corps reportant son poids sur la jambe gauche, par conséquent un peu porté en arrière, le bras droit mollement étendu, la poignée de l'épée à hauteur du sein droit, la pointe à hauteur de l'oeil de l'adversaire, est également couvert et
prêt à l'attaque. Pour les attaques, il reconnaît cinq degrés d'élévation pour la main, neuf positions pour le bras et le poignet au moment de porter une botte. Le premier degré comporte trois bottes : prime, quarte, quarte en dehors. Le second en comporte une : tierce. Le second en comporte deux : quarte basse et flanconnade. Le cinquième degré en comporte une : quinte. Il reconnait dix-huit parades simples.

Encore que la nomenclature de Danet n'ait pas été adoptée, il faut reconnaître que ses principes furent ceux de toute cette école académique dont sortirent ces grands maîtres du XIXe siècle : La Boëssière, Lafaugère, Jean-Louis, Gomard, Grisier, Cordelois, etc. Le dernier-syndic de la Compagnie des maîtres d'armes de France fut Augustin Rousseau, mis à mort sous la Terreur comme « maître d'armes des enfants de Capet ». Le développement de l'escrime fut loin d'être le même dans tous les pays de l'Europe; c'est ainsi qu'en Angleterre la pratique de l'épée survécut peu à l'abandon de la rapière et que la propension nationale aux jeux des armes tranchantes fit toujours préférer le maniement du sabre et de l'estramaçon à celui de l'épée. Cependant, à la fin du XVIIIe siècle, le célèbre Angelo Malevolti fonda à Londres une académie d'armes restée longtemps florissante où il professait des théories en somme peu éloignées de celles des maîtres français. Mais l'escrime du sabre demeura davantage en honneur et le célèbre chevalier de Saint-Georges, si expert dans le maniement de l'épée, s'y adonna avec assiduité à tel point qu'une des gardes est encore dite : garde de Saint-Georges. L'escrime du sabre ne fut en France qu'un exercice militaire; l'usage de cette arme brutale et terrible n'a pu s'implanter en France avant le XXe siècle, avec l'apparition de sabres beaucoup mieux adaptés à leur utilisation seulement sportive.

L'escrime italienne ne paraît pas avoir fait de notables progrès pendant le XVIIIe siècle, ou, pour parler plus exactement, elle ne changea pas de méthode, mais tendit à un perfectionnement consistant dans une simplification des coups. Les Italiens, comme les Français, raccourcirent leurs épées; cependant les Napolitains continuèrent à user de ces longues et fines rapières à coupe et à pas d'âne dont leur épée actuelle représente une modification très légère. L'école napolitaine moderne, qui possède une si excellente méthode et des tireurs si parfaits, procède encore des principes émis au XVIIIe siècle par Rosaroli et Grisetti et basés sur la simplicité des mouvements demandant une activité individuelle peu commune. La marche tient une grande place dans cette escrime où l'on emploie la main gauche à parer les coups portés en dedans et où l'on attache la plus grande importance aux coups de temps ou pour mieux dire aux coups d'arrêt. Le bras de l'épée est tenu toujours allongé horizontalement, comme l'épée, prête ainsi à exécuter les parades les plus serrées avec le fort de la lame sur le faible de l'épée ennemie. Le point important est de conserver la ligne, le reste est une question d'à-propos. 

« La botte allongée n'est guère employée, dit Egerton Castle; on avait plutôt recours à des séries d'attaques courtes, parcourant diverses lignes afin de gagner sur l'adversaire, de manière à l'obliger à parer avec plus d'écartement ou à forcer une entrée en liant sa lame. La main gauche se tenait de. niveau avec la poitrine, prête à arrêter ces bottes de temps qu'on portait sur une feinte. En tombant à fond, cette main était généralement rejetée en arrière, en ligne avec le bras tenant l'épée, afin de conserver l'équilibre. On considérait encore, comme très académique, les bottes de temps portées sur l'attaque de l'adversaire, en baissant le corps, quand l'attaque venait dans une ligne haute ; en voltant, quand l'attaque arrivait dans une ligne entière; en passant à gauche, quand elle était dirigée en dehors ».
Il ne faut pas se fier, pour l'étude de l'escrime italienne, à ce qu'en ont écrit les maîtres français contemporains ni même Angelo Malevolti, car tous en ont parlé avec la plus grande injustice, notamment Danet. Les principes de l'escrime italienne furent ceux sur lesquels s'appuyèrent les Allemands du XVIIe et du XVIIIe siècle; à aucune époque on ne vit un peuple renfermer autant de duellistes. Les maîtres d'armes allemands, descendants des vieilles associations de Saint-Marc et de Saint-Luc des XVe et XVIe siècles, enseignèrent pendant le XVIIIe siècle des principes assez rétrogrades, et leur jeu était une sorte de compromis entre le maniement de l'ancienne rapière et celui de la courte épée. Angelo le décrit ainsi : 
« Dans la position de la garde allemande, le `poignet est extraordinairement tourné en tierce, en ligne ainsi que le bras avec l'épaule, la pointe vers la ceinture de l'adversaire, la hanche bien détournée de la ligne, le corps en avant, le genou droit plié et le genou gauche très tendu. Les Allemands cherchent toujours l'épée en prime ou en seconde et souvent portent la botte dans cette position en repliant le bras. Ils tiennent la main gauche à la poitrine dans l'intention de parer avec cette main, et, au moment où ils tirent l'épée, ils tâchent de frapper violemment du tranchant de leur arme la lame de l'adversaire afin de le désarmer s'il est possible.-» 
C'était là l'escrime nationale enseignée pour le maniement de l'épée à lame tranchante. Mais à cette époque on se servait aussi de l'épée triangulaire, comme en France, bien qu'on y préférât l'épée italienne à lame en forme d'alène et à garde en corbeille avec pas d'âne, telle que la gardèrent jusque vers 1848 les étudiants d'Iéna, Halle et Erlangen.

L'Espagne resta longtemps fidèle au jeu de sa longue rapière tel qu'il avait été codifié par Carranza et Narvaëz; elle le pratiqua jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, tout en abandonnant la dague remplacée par le manteau roulé autour du bras ou la main gauche seule. Puis, on essaya d'un système composite confondant les vieux principes espagnols avec ceux plus modernes de l'Italie et de la France. Cependant on tendait à séparer de plus en plus le maniement de l'épée de celui du sabre en adoptant l'épée sans tranchants; mais l'exercice du sabre trouva dès lors beaucoup plus de partisans, comme se rapprochant davantage de celui de l'épée nationale, et les principes d'escrime française ne s'implantèrent point dans la péninsule comme dans les cours d'Allemagne et du Nord de l'Europe.

Dans tous les pays où l'escrime française était en honneur, l'arme d'exercice était le fleuret, dont la garde s'était simplifiée et réduite à une simple pièce de fer évidée en deux larges anneaux fréquemment obturés par un garde-main de cuir. La fusée carrée et très allongée était déjà incurvée, présentant la disposition dite en quarte, permettant une meilleure prise de main. Le pommeau également allongé était plus ou moins arrondi; la lame longue d'environ 75 cm était en section carrée, simple et fine, son extrémité reforgée en un bouton rabattu que l'on entourait d'un tampon de peau ou de fil ciré. On maniait le fleuret avec un gant de buffle, à garde plus ou moins haute et rigide, protégeant le poignet et l'avant-bras. La poitrine était protégée par un plastron de peau rembourrée; jadis, on usait de cuirasses de carton épais. Le visage était abrité par un masque en grillage métallique entouré de bourrelets plus ou moins saillants. Cette dernière invention est peu ancienne; autrefois on s'escrimait le visage découvert, et c'était là une cause de bien des accidents, en outre que la rapidité des exercices devait en souffrir surtout pour les coups destinés à la tête et qu'on ne pouvait qu'ébaucher. Les masques sont plus anciens qu'on ne croit; on s'en est servi dès le XVIe siècle et ils étaient en carton, voire en fer, comme ceux dont usaient les spadassins, notamment en Italie et qui étaient à taillades et recouverts de velours. Le chevalier de Saint-Georges passe pour avoir mis, en 1750, les masques de fil d'archal à la mode ; on les attachait derrière la tète avec des cordons. Ceux dont on use aujourd'hui ont de solides armatures en fil d'acier qui leur donnent une surface en biseau, et leur réseau plus ou moins serré est fait de fil de fer tordu.

L'escrime, telle qu'on la pratique à partir de la fin du XIXe siècle en France et dans presque tous les pays du monde, est l'escrime française réduite à ses principes les plus essentiels et les plus pratiques. (Maurice Maindron).

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