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Miguel
de Unamuno est un un Ă©crivain,
philosophe,
poète et homme politique espagnol, né le 29 septembre 1864 à Bilbao
et mort le 31 décembre 1936 à Salamanque. Il est considéré comme l'une
des figures majeures de la
Génération de
98, un mouvement intellectuel qui a marqué la renaissance culturelle
en Espagne après la perte des dernières colonies espagnoles en 1898.
Il est issu d'une
famille bourgeoise de tradition catholique. Son père, Félix Unamuno,
décède alors qu'il n'a que six ans. Jeune, Miguel est témoin de la troisième
guerre carliste (1872-1876), un conflit qui marque profondément son esprit
et influence sa réflexion sur l'identité espagnole et basque. Dès son
enfance, il s'intéresse aux langues et à la philosophie. Il apprend le
basque et s'intéresse aux idées politiques et sociales. En 1878, il entreprend
des Ă©tudes secondaires Ă Bilbao, oĂą il
se distingue par son intérêt pour la philosophie, la théologie et les
langues classiques. Deux ans plus tard, il s'inscrit à l'Université centrale
de Madrid (aujourd'hui l'Université Complutense),
oĂą il Ă©tudie la philosophie et les lettres. Il obtient son doctorat en
1884, avec une thèse sur la langue basque : CrĂtica del problema sobre
el origen y prehistoria de la raza vasca.
Après avoir obtenu
son diplĂ´me, Unamuno retourne Ă Bilbao et travaille comme professeur
et écrivain. Il s'intéresse aux idées socialistes
et évolue dans des cercles intellectuels. En 1891, il épouse Concha Lizárraga,
avec qui il aura neuf enfants. La même année, Unamuno est nommé professeur
de grec à l'Université de Salamanque,
oĂą il passera une grande partie de sa vie. Il commence aussi Ă publier
des articles, essais et réflexions dans des journaux. Il se penche sur
des thèmes tels que l'identité espagnole, la foi et les dilemmes existentiels.
Il approfondit sa réflexion philosophique, influencé par des penseurs
comme Kierkegaard, Nietzsche
et Schopenhauer. Il remet en question les
dogmes religieux et commence Ă questionner le conflit entre foi et raison.
Il publie son
premier roman en 1895, Paz en la guerra, une réflexion sur la guerre
carliste, mêlant réalité historique et préoccupations existentielles.
En 1897, une crise spirituelle intense conduit Unamuno Ă abandonner ses
croyances religieuses traditionnelles. Cette crise devient un tournant
majeur dans son œuvre, qui dès lors reflète un profond questionnement
métaphysique et existentiel. En 1900, Unamuno est nommé recteur de l'Université
de Salamanque pour la première fois, un poste qu'il occupe jusqu'en 1914.
Cette position marque le début de son influence publique en tant qu'intellectuel
engagé.
En 1913, il publie
l’un de ses ouvrages les plus célèbres, Del sentimiento trágico
de la vida, oĂą il analyse le conflit entre la raison et la foi, ainsi
que l’angoisse face à la mort et à l’immortalité. Cette oeuvre reflète
son attachement à une vision profondément humaine de l’existence, marquée
par le doute et la lutte intérieure.
• Le
Sentiment tragique de la vie (Del sentimiento trágico de la vida,
1913) est une oeuvre philosophique majeure centrée sur les conflits
existentiels et métaphysiques de l’être humain. À travers ce livre,
Unamuno examine les tensions entre foi et raison,
immortalité et finitude, en mettant en lumière l’angoisse
inhérente à la condition humaine. L’auteur part du constat que
l’humain est déchiré entre son désir d’éternité et la réalité
inévitable de la mort. Cette contradiction, qu’il appelle le « sentiment
tragique de la vie », constitue le coeur de son analyse. Il considère
que cette lutte intérieure est universelle et profondément humaine, car
elle dépasse les cadres religieux ou philosophiques traditionnels.
L’ouvrage
reflète une vision existentielle avant
l’heure, se concentrant sur l’individu et son expérience subjective
face au mystère de l’existence. Unamuno critique les systèmes rationnels
et dogmatiques qui cherchent Ă expliquer ou nier cette angoisse, car il
estime que la vraie vie réside dans l’incertitude
et le combat permanent entre l’espoir et le doute. Il s’inspire de
penseurs comme Kierkegaard et Nietzsche, mais son approche reste profondément
enracinée dans la culture espagnole et chrétienne. L’immortalité de
l’âme, thème central du livre, n’est pas abordée comme une certitude
théologique, mais comme une aspiration vitale de l’humain qui ne peut
se résigner à la disparition totale.
Dans un style Ă
la fois passionné et accessible, Unamuno mêle philosophie, littérature
et réflexion personnelle. Il rejette la froide abstraction des philosophies
académiques pour adopter une approche vivante et engagée, qui interpelle
directement le lecteur. Ce mélange de philosophie et de spiritualité
donne à l'oeuvre son caractère si particulier, car elle invite à embrasser
l’incertitude comme une source de vitalité plutôt que comme un obstacle
à surmonter. Le Sentiment tragique de la vie n’offre pas de solution
définitive, mais propose une exploration sincère et profonde de ce qui
rend la vie humaine Ă la fois tragique et magnifique. Par cette oeuvre,
Unamuno s’impose comme l’un des penseurs les plus originaux de son
époque, marquant durablement la réflexion sur la condition humaine.
Pendant cette période,
Unamuno Ă©crit Ă©galement des romans marquants, comme Niebla (1914),
une oeuvre expérimentale qui bouscule les conventions narratives traditionnelles,
et Abel Sánchez (1917), une réinterprétation du mythe de Caïn
et Abel. À travers ces récits, il aborde les thèmes du conflit intérieur,
de l’identité et des passions humaines. Parallèlement à sa production
littéraire, Unamuno s'engage activement dans la vie publique. En 1924,
il critique ouvertement la dictature de Primo de Rivera, ce qui lui vaut
d’être exilé sur l’île de Fuerteventura (Canaries).
Cet exil renforce son rôle de symbole de la résistance intellectuelle
contre l'autoritarisme. Il est finalement autorisé à partir pour la France,
où il continue à écrire et à critiquer le régime depuis l’étranger.
Après la chute de
Primo de Rivera en 1930, Unamuno rentre triomphalement en Espagne
et reprend ses fonctions à Salamanque, où il est accueilli en héros.
Avec l’avènement de la Seconde République en 1931, il soutient initialement
le nouveau régime, espérant une régénération politique et culturelle.
Cependant, il devient rapidement critique face aux excès de certaines
réformes et à la montée des tensions idéologiques dans le pays. Les
dernières années de sa vie sont marquées par une position ambivalente
face aux événements politiques, notamment le début de la guerre civile
espagnole en 1936. Alors qu’il exprime initialement des sympathies pour
les insurgés nationalistes, il condamne rapidement les violences et les
dérives du franquisme naissant.
Son célèbre affrontement
verbal avec le général franquiste Millán-Astray, lors d’un événement
à l’Université de Salamanque en octobre 1936, illustre son courage
intellectuel et son refus des extrémismes. Cette confrontation lui vaut
d’être placé en résidence surveillée à Salamanque. Miguel de Unamuno
meurt le 31 décembre suivant isolé mais fidèle à sa quête de vérité
et à son idéal humaniste. |
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