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Juan
Rulfo
(Juan Nepomuceno Carlos PĂ©rez Rulfo VizcaĂno) est un Ă©crivain
mexicain, né le 16 mai 1917 à Apulco (ou, 15 km plus à l'Est,
à San Gabriel?), dans l'État de Jalisco (Mexique),
et décédé le 7 janvier 1986 à Mexico.
Bien que son oeuvre littéraire soit relativement courte, elle a eu un
impact profond sur la littérature du XXe
siècle. Ses personnages, souvent des paysans ou des figures marginales,
sont pris au piège dans des circonstances désespérées, souvent dans
un cadre rural austère et impitoyable. Les paysages désolés qu'il décrit
reflètent les vies intérieures de ses personnages : isolés, perdus et
confrontés à des forces dépassant leur contrôle. Il est principalement
connu pour son recueil de nouvelles El Llano en llamas (1953) et
son roman Pedro Páramo (1955), deux oeuvres qui ont marqué le
développement du réalisme magique
en Amérique latine et influencé notamment
Gabriel
GarcĂa Márquez, Carlos Fuentes et Mario
Vargas Llosa, et sont considérées à l'origine de l'essor de
la littérature latino-américaine des années 1960 et 1970.
Juan Rulfo est issu
d'une famille de propriétaires terriens aisée de Jalisco. Pendant son
enfance, il est témoin des troubles causés par la Révolution mexicaine
(1910-1920) et, surtout, par la Guerre des Cristeros (1926-1929), un conflit
sanglant entre les forces gouvernementales et les rebelles catholiques
qui s'opposent aux mesures anti-cléricales du gouvernement mexicain. Il
perd son père à l'âge de six ans, assassiné dans des circonstances
liées à ces conflits. Sa mère décède quelques années plus tard, le
laissant orphelin à l'âge de dix ans. Ces pertes successives et la violence
omniprésente dans sa jeunesse vont profondément marqué son oeuvre, volontiers
empreinte de solitude, de deuil, de douleur et de silence.
Après avoir vécu
un temps dans un orphelinat, Rulfo Ă©tudie Ă Guadalajara,
puis à Mexico, où il exerce différents métiers avant de se consacrer
Ă l'Ă©criture. Sa formation intellectuelle se fait en grande partie de
manière autodidacte, grâce à ses lectures, à ses rencontres littéraires
et à son intérêt pour les récits de la culture populaire mexicaine.
Il commence à publier des nouvelles dans des revues littéraires dans
les années 1940, mais c'est en 1953, avec la publication de son recueil
de nouvelles El Llano en llamas, qu'il acquiert une véritable reconnaissance.
Ce recueil contient 17 nouvelles qui dépeignent la vie des habitants des
régions rurales et marginalisées du Mexique.
• El
Llano en llamas est une représentation poignante des conséquences
de la révolution et de la violence sur les communautés rurales du Mexique.
Les histoires sont centrées sur des personnages qui vivent dans la pauvreté
et l'isolement, aux prises avec la dureté de la vie dans les plaines arides
du centre du pays. Les thèmes de la mort, de la souffrance, de la rébellion
et du désespoir imprègnent ces nouvelles. Une des plus célèbres, Diles
que no me maten!, raconte l'histoire d'un vieil homme en fuite pour
échapper à la vengeance pour un crime qu'il a commis des décennies auparavant.
Le style de Rulfo dans El Llano en llamas est concis, minimaliste,
mais puissamment évocateur. Il utilise le langage de manière précise
pour créer une atmosphère de désolation et d'intensité émotionnelle,
tout en intégrant le réalisme des dialogues des paysans mexicains.
En 1955, Juan Rulfo
publie son unique roman, Pedro Páramo. A
la fois mystique et tragique, l'ouvrage est
considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature latino-américaine
et un classique intemporel de la littérature
mondiale.
• Pedro
Pámamo est considéré comme un pilier du réalisme magique. À travers
une narration poétique et une plongée dans les thèmes de la mort, du
souvenir et de la quête d'identité, Rulfo emporte ses lecteurs dans l'univers
complexe et troublant de la mémoire et de l'absence. Le récit suit Juan
Preciado, un jeune homme qui se rend dans le village de Comala, Ă la recherche
de son père, Pedro Páramo, qu'il n'a jamais connu. Avant de mourir, sa
mère lui a confié qu'il devait aller rencontrer son père et lui faire
payer les souffrances qu'il lui a infligées. En arrivant à Comala, Juan
découvre un village fantomatique, peuplé de morts et d'âmes en peine.
Au fur et Ă mesure de son parcourt, il rencontre les esprits de ceux qui
ont vécu dans ce lieu, chacun ayant une histoire à raconter, révélant
ainsi les atrocités, les désirs et les regrets de leurs vies passées.
Les voix des morts se mêlent à celles des vivants et créent une atmosphère
de mystère et de mélancolie. Juan finit par réaliser que Pedro Páramo
est un homme tyrannique qui a contrôlé la vie des habitants de Comala
et qui a laissé derrière lui un héritage de souffrances.
Le roman aborde la
mort non pas comme une fin, mais comme une condition de vie. Rulfo utilise
des éléments de réalisme magique pour créer une atmosphère onirique
et mystique. La frontière entre la vie et la mort, la réalité et le
rêve, est floue, ce qui enrichit la profondeur du récit. Les âmes des
morts habitent Comala, et leurs récits sont intégrés dans la narration,
dans un univers où se mélangent le monde des vivants et celui des morts.
Si Juan Preciado part à la recherche de son père, sa quête devient
également une quête de sa propre identité et de ses racines. À travers
les voix qu'il rencontre, il découvre l'héritage familial et les tragédies
qui l'ont façonné. Les souvenirs des personnages résonnent tout au long
du roman, pour souligner l'importance du passé dans la construction de
l'identité. Le village de Comala devient une métaphore des cicatrices
laissées par l'histoire.
Le style de Rulfo
est caractérisé par une prose poétique et concise. Il utilise des dialogues
vifs et des descriptions Ă©vocatrices pour plonger le lecteur dans l'ambiance
du village. La narration est non linéaire, alternant entre les perspectives
des différents personnages, ce qui enrichit l'expérience de lecture et
crée une atmosphère de mystère. Pedro Páramo a reçu des critiques
élogieuses et a eu une influence majeure sur la littérature latino-américaine.
Le roman se recommande pour sa complexité narrative et sa manière d'empoigner
des thèmes universels de la souffrance humaine et de la quête d'identité.
Ă€ travers le voyage de Juan Preciado, Juan Rulfo nous offre un regard
poignant sur la condition humaine et les conséquences des actes des individus.
Après la publication
de Pedro Páramo, Juan Rulfo n'a jamais publié de nouveau roman,
malgré les attentes élevées des critiques et des lecteurs. Il a mené
une vie discrète, continuant à travailler dans l'administration et dans
les arts visuels, tout en restant une figure énigmatique du monde littéraire.
Il s'est également intéressé à la photographie et au cinéma. Il a
travaillé pour l'Instituto Nacional Indigenista, où il a réalisé des
documentaires sur les communautés indigènes du Mexique. Ses photographies,
tout comme ses écrits, témoignent de son profond intérêt pour les paysages
ruraux du Mexique et la condition des populations marginalisées. Il a
également participé à l'écriture de scénarios de films, dont celui
du célèbre film mexicain El Gallo de Oro (1964), basé sur une
nouvelle qu'il avait écrite. Il est mort en 1986 à l'âge de 69 ans. |
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