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Richepin

Jean Richepin est écrivain français, né à Médéa (Algérie) le 4 février 1849, mort le 12 décembre 1926 à Paris. Fils d'un médecin militaire, il fit de brillantes études et entra, en 1868, à l'Ecole normale (supérieure). Deux ans après, il s'engageait dans un corps de francs-tireurs qui suivit les mouvements de l'armée de Bourbaki, pendant la guerre franco-allemande (1870-1871). En 1871, il écrivait dans la Vérité et dans le Corsaire, et en 1873, il débutait au théâtre de la Tour-d'Auvergne, à la fois comme acteur et comme auteur dramatique, avec l'Etoile, pièce écrite en collaboration avec André Gill.
 Richepin était célèbre dans les cénacles du quartier latin où brillaient Ponchon, Sapek, Rollinat, Bourget. Il l'était par une passion effrénée d'indépendance, par des théories sociales truculentes, par certaines excentricités, par l'effervescence du « sang touranien » qui - disait-il circulait dans ses veines, par sa vigueur et son habileté dans tous les sports, par sa mâle beauté.

Il conquit du premier coup, le grand public par sa Chanson des gueux (Paris, 1876), ou, donnant libre cours à sa verve, il exalta sans réticence « la poésie brutale de ces aventureux, de ces hardis, de ces enfants en révolte, à qui la société presque toujours fut marâtre, et qui, ne trouvant pas de lait à la mamelle de la mauvaise nourrice, mordent à même la chair pour calmer leur faim ». Quelques scènes offensèrent la pudeur d'un journal qui n'avait pas jusqu'alors passé pour un parangon de vertu. Sur la dénonciation du Charivari, le poème fut saisi le 24 mai 1876 et Richepin fut condamné le 13 juillet suivant, par le tribunal de police correctionnelle de la Seine, à un mois de prison et à 500 F d'amende, pour outrages à la morale publique et aux bonnes moeurs. 

Après avoir purgé sa condamnation à Sainte-Pélagie, Richepin, emporté par les ardeurs du prétendu sang touranien, s'engagea comme matelot sur un navire marchand, exerça toutes sortes de métiers, entre autres celui de débardeur, fréquenta des troupes de bohémiens. 

Cette vie active ne nuisait en rien à sa vie cérébrale et, non content de collaborer à des journaux littéraires comme le Gil Blas, il donnait coup sur coup des études de moeurs, des romans, des poèmes et des drames. Les Caresses (Paris, 1877), les Blasphèmes (1884), la Mer (1886), continuent logiquement l'oeuvre de la Chanson des gueux. Avec de prodigieux effets de métrique, une richesse et une saveur de vocabulaire qui rappellent la manière de Rabelais, le poète chanta l'amour et la douleur, chanta les beautés et les fureurs de la mer, renversa comme un torrent brutal toutes les superstitions théologiques, toutes les chimères scientifiques, toutes les «-douces et belles illusions » dont vit l'humanité, et il compléta cette oeuvre de destruction par une analyse desséchante du moi : Mes paradis (1894). Viendront ensuite, notamment : Poèmes durant la guerre (1914-1918) (1919); Les Glas (1922); Les Petits Gagne-pain parisiens (1927)

Dans ses romans, il recherchait l'étude des sensations curieuses, des monstruosités psychologiques, des curiosités de moeurs. Les Morts bizarres (1876) sont un extraordinaire recueil d'atrocités, de trépas inédits, de peintures de douleurs inouïes; mais où perce peut-être un peu trop cette sorte de parti pris « d'épouvanter les bourgeois » qui anima Baudelaire et Maxime Du Camp. Madame André (1878) et Césarine (1888) sont de supérieures études de psychologie, où la fiction serre de si près la réalité qu'elles semblent le récit d'aventures vécues; le Pavé (1883) est une série de tableautins, vivement peints, représentant les types singuliers qui évoluent dans les rues de Paris, les spectacles qui mettent à nu les difformités de la grande ville. Puis toute une collection de monographies consacrées aux humbles et pittoresques bohèmes, paysans, truands que l'auteur affectionne : Miarka la fille à l'ourse (1883); les Braves Gens (1886); le Cadet (1890); Truandailles (1890); la Miseloque (189); Flamboche (1895),  L'Aile (1911).

Au théâtre, Richepin a apporté les mêmes préoccupations. Ses drames en vers, écrits dans la même langue opulente et éclatante, expriment les mêmes sentiments de mépris violent pour les conventions sociales. Vers la joie (Comédie-Française, 13 octobre 1894), le Chemineau (Odéon, 16 février 1897); les Truands (Odéon, 22 mars 1899), font le procès de la vie studieuse et contemplative de la vie des villes pour exalter la vie libre, fût-elle en marge des lois sociales. Citons encore : La Gitane, drame en quatre actes (1900); La Marjolaine (1907); Le Tango (1913).

L'oeuvre que nous venons d'analyser brièvement est déjà considérable : elle est d'un rude et laborieux ouvrier. Mais, pour être à peu près complet, il faut mentionner  : les Etapes d'un réfractaire, Jules Vallès (Paris, 1872); la Glu (1881), roman qui décrit avec une lucidité poignante la morbide action de certaines maîtresses sur les sens, et, par eux, sur le caractère de certains amants (représentés sous forme de drame, à l'Ambigu, en 1883); Quatre petits romans (1882); Nana Sahib, drame ou l'auteur joua lui-même le premier rôle, avec Sarah Bernhardt, en 1883; Macbeth, drame en vers (Porte-Saint-Martin, 1884); Sappho (1884); Sophie Monnier, maîtresse de Mirabeau (1884); Monsieur Scapin (Comédie-Française, 1886), étourdissante reconstitution de la vieille comédie; le Flibustier (comédie en vers, en trois actes, 1888) qui met en jeu les événements de la vie ordinaire des populations maritimes (représenté sous forme d'opéra-comique, musique de César Cui, en 1894); Par le glaive, drame en cinq actes (8 février 1892); l'Aimé (1893), Grandes Amoureuses (1896); Théâtre chimérique, 27 actes en prose et en vers (1896); la Martyre (Comédie-Française, 18 avril 1898), mettant en scène le conflit entre le paganisme et le christianisme; le Chien de garde, drame en cinq actes (1898); Contes de la décadence romaine (1898); Contes sans morale (1922); la Bombarde, Contes à chanter (1899); Lagibasse, roman magique (1899), Le Coin des fous (1921) etc. (R. S.).

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