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L'histoire des îles Pitcairn
Les Polynésiens ont été les premiers habitants des îles Pitcairn. Des études archéologiques ont révélé la présence de ces populations bien avant l'arrivée des Européens, probablement entre le IXe et le XVe siècle. Les Polynésiens occupaient non seulement l'île Pitcairn elle-même, mais également les îles voisines, Henderson et Ducie. Ces premiers habitants étaient probablement originaires des îles de la Société ou des îles Tuamotu, et leur société reposait sur la pêche, la construction de canoës et l'agriculture. Cependant, pour des raisons qui restent floues, la population polynésienne de Pitcairn a disparu avant que les Européens ne atteignet l'île, vraisemblablement en raison d'un épuisement des ressources naturelles ou de conflits internes.

Le premier Européen à repérer l'île Pitcairn fut l'explorateur portugais Pedro Fernandes de Queirós, qui naviguait pour l'Espagne en 1606. Cependant, il n'explora pas l'île en profondeur et elle resta largement ignorée par les puissances européennes pendant plus d'un siècle. En 1767, l'île fut redécouverte par l'explorateur britannique Philip Carteret, à bord du Swallow, qui lui donna le nom de Pitcairn en l'honneur du jeune Robert Pitcairn, un membre de son équipage, qui avait aperçu l'île en premier. L'île fut cartographiée à cette époque, mais en raison de son isolement, elle ne suscita pas d'intérêt immédiat pour l'exploration ou la colonisation. Ses coordonnées avaient d'ailleurs été mal déterminées. 

Pitcairn est devenue célèbre par le refuge qu'y trouva, sous la conduite du commandant en second Fletcher Christian, l'équipage révolté du bâtiment de guerre anglais la Bounty, à la fin du XVIIIe siècle. La Bounty, commandé par le capitaine William Bligh, naviguait dans le Pacifique pour collecter des plants d'arbres à pain afin de les transporter dans les Caraïbes. Cependant, après une longue escale à Tahiti, une partie de l'équipage, dirigée par le maître d'équipage Fletcher Christian, se mutina contre Bligh. Après la mutinerie, Bligh et ses partisans furent abandonnés en mer dans un canot, et Christian, avec un groupe de mutins et quelques Tahitiens, partit à la recherche d'un refuge isolé pour échapper à la justice britannique. En 1790, ils atteignirent l'île Pitcairn, alors non habitée. Le groupe se composait de 9 mutins britanniques, 6 hommes tahitiens, 12 femmes tahitiennes et une petite fille.

Les mutins brûlèrent la Bounty pour dissimuler leur présence et commencèrent à s'établir sur l'île. Leur vie sur Pitcairn fut marquée par des tensions et des violences, notamment entre les mutins britanniques et les hommes tahitiens, qui conduisirent à des meurtres et des conflits. Au fil du temps, plusieurs des mutins furent tués dans ces luttes, et en 1800, seul un des mutins originaux, John Adams, avait survécu. Adams (mort en 1829) devint le leader de la petite communauté sur Pitcairn. Il éleva les enfants des mutins et des Tahitiens et introduisit des pratiques religieuses et morales basées sur les enseignements chrétiens, utilisant la Bible comme guide. La communauté se développa sous son influence, et l'île devint un foyer pour les descendants des mutins et des Tahitiens.

En 1808, le baleinier américain Topaz découvrit la petite communauté de Pitcairn, dont les habitants descendaient pour la plupart des mutins et des Tahitiens.  Cela marqua la réapparition de Pitcairn sur la carte mondiale, après des décennies d'isolement. Il ne restait qu'un homme, 10 femmes et 23 enfants. En 1814, deux navires de la Royal Navy, la Briton et la Tagus, visitèrent également l'île et confirmèrent l'histoire des mutins de la Bounty. En 1838, l'île Pitcairn fut officiellement annexée par la Grande-Bretagne, devenant un territoire britannique. Cet événement marqua un tournant pour l'île, qui restait toutefois largement autogérée par la communauté locale. Le Royaume-Uni annexera aussi les îles voisines de Henderson, Oeno et Ducie en 1902 et les incorporera dans la colonie des îles Pitcairn en 1938, bien que toutes les trois soient inhabitées.

En 1825, la population étaient de 66 habitants et allait bientôt s'accroitre au-delà des ressources de l'île. En 1831, la population devenant trop importante pour l'île - il y avait 87 personnes - les Britanniques déplacèrent une partie des insulaires à Tahiti;  en 1856, on décida 187 des 194 habitants à se transporter à l'île Norfolk. Toutefois, dans les deux occasions, beaucoup revinrent à Pitcairn. Plusieurs familles sont revenues en 1858 et 1864, portant la population de l'île à 43, et la quasi-totalité de la population actuelle de l'île sont des descendants de ces rapatriés. On y comptait au début du XXe siècle 120 à 130 individus établis. En 1933, ils étaient 233; ils sont aujourd'hui moins de cinquante. La plupart on émigré en Nouvelle-Zélande. En 1887, toute la population se convertit à la foi adventiste du septième jour, sous l'influence d'un missionnaire américain, John Tay. Cette conversion modifia profondément les pratiques religieuses et la vie quotidienne de la communauté, et l'adventisme reste à ce jour la religion dominante à Pitcairn.

Durant la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, l'île Pitcairn resta extrêmement isolée, et les contacts avec le monde extérieur étaient rares, en dehors des quelques navires de passage. L'économie de l'île reposait principalement sur l'agriculture de subsistance, la pêche et les échanges occasionnels avec des navires étrangers. Les habitants produisaient également des objets d'artisanat, comme des paniers et des sculptures en bois, qu'ils échangeaient contre des biens venus de l'extérieur. Les navires qui passaient par l'île, principalement des baleiniers ou des marchands, apportaient parfois des produits de base tels que de la farine, du sucre et du thé, en échange des produits de l'île.

Dans les années 1950, Pitcairn demeurait extrêmement isolée. La population, composée principalement de descendants des mutins de la Bounty et de leurs partenaires polynésiens, vivait principalement d'une agriculture de subsistance et de l'artisanat destiné à l'échange avec les navires de passage. L'île était régulièrement approvisionnée par des navires britanniques, mais les visites restaient peu fréquentes. L'économie locale se basait sur l'exportation de miel, de fruits, de légumes, ainsi que la vente de timbres et d'objets artisanaux fabriqués par les habitants. Les timbres de Pitcairn devinrent une source importante de revenus à cette époque, grâce à la popularité croissante des collectionneurs.

Cependant, l'isolement géographique, combiné à l'absence d'infrastructures modernes et d'opportunités économiques, incita de nombreux jeunes à quitter l'île pour s'installer en Nouvelle-Zélande ou ailleurs dans le Pacifique. Cela entraîna un déclin démographique qui devint préoccupant dans les décennies suivantes. Durant les années 1970 et 1980, des efforts furent faits pour moderniser Pitcairn et améliorer les conditions de vie des habitants. Le gouvernement britannique investit dans des infrastructures de base, notamment des systèmes de communication. En 1967, Pitcairn se dota de sa première station de radio pour rester en contact avec le monde extérieur, et l'électrification de l'île fut progressivement introduite dans les années 1980. 

Le développement de la télécommunication a permis d'améliorer les liaisons avec la Nouvelle-Zélande et d'autres territoires, même si Pitcairn restait tributaire des navires de passage pour le ravitaillement et le commerce. En 1988, une centrale électrique fut installée, apportant l'électricité pour la première fois de façon régulière à la petite population. Malgré ces efforts de modernisation, les insulaires de Pitcairn restaient largement isolés. Le manque d'accès à des soins médicaux spécialisés, à des opportunités d'éducation et à des emplois poussa plusieurs habitants à émigrer, notamment en Nouvelle-Zélande.

Au début des années 2000, les îles Pitcairn furent au coeur d'un scandale majeur lorsqu'une série d'accusations d'abus sexuels éclatèrent au grand jour. En 1999, des plaintes furent déposées par plusieurs femmes, principalement des filles mineures à l'époque des faits, accusant plusieurs hommes de l'île de les avoir agressées sexuellement. Une enquête menée par les autorités britanniques révéla que ces abus avaient duré plusieurs décennies, affectant une grande partie des femmes de la petite communauté. En 2004, après plusieurs années d'enquête, sept hommes de Pitcairn, soit environ la moitié de la population masculine adulte de l'île, furent jugés pour agressions sexuelles. Les procès, qui eurent lieu sur l'île elle-même pour des raisons logistiques, firent grand bruit à l'international et révélèrent les profondes tensions au sein de cette communauté isolée. Les condamnations prononcées furent sévères, avec plusieurs hommes envoyés en prison, et cela eut des conséquences considérables sur la vie sociale de l'île. Le gouvernement britannique renforça la surveillance sur Pitcairn et prit des mesures pour protéger les femmes et les enfants vivant sur l'île. Ce scandale souligna aussi l'impact de l'isolement sur une si petite communauté, où l'absence de surveillance extérieure avait permis la perpétuation de ces abus.

Suite aux scandales des années 2000, la gouvernance locale fut renforcée, et des initiatives furent prises pour améliorer l'État de droit et la protection des habitants. Les autorités britanniques ont également investi dans l'amélioration des infrastructures et des services, y compris les soins médicaux et l'éducation. En tant que territoire britannique d'outre-mer, Pitcairn reste sous la souveraineté de la Couronne britannique, mais la gestion des affaires locales se fait principalement par le biais d'un conseil de l'île élu par les habitants. Le gouverneur des Pitcairn réside en Nouvelle-Zélande et supervise les affaires de l'île à distance, tandis qu'un administrateur réside généralement sur l'île pour gérer les affaires courantes.

Au début du XXIe siècle, le tourisme est devenu une source de revenus potentielle pour l'île. Des croisières spéciales visitent parfois Pitcairn, et les visiteurs peuvent acheter des souvenirs locaux et découvrir ce lieu chargé d'histoire. Cependant, en raison de l'isolement extrême de l'île et de la difficulté d'accès, le tourisme reste limité. En 2015, Pitcairn s'est également tournée vers l'écotourisme et la protection environnementale. Les eaux entourant l'île ont été déclarées réserve marine en 2016, couvrant une vaste zone de l'océan Pacifique pour protéger la biodiversité locale. Cela a permis de positionner l'île comme un acteur dans la préservation des écosystèmes marins.

L'un des défis les plus sérieux auxquels Pitcairn est confrontée est le déclin démographique. La majorité des jeunes choisissent de quitter l'île pour chercher des opportunités en Nouvelle-Zélande ou en Australie. À son apogée au XIXᵉ siècle, l'île comptait environ 200 habitants. Seuls deux enfants sont nés à Pitcairn entre 1986 et 2012, et en 2005, un couple est devenu le premier nouvel étranger à obtenir la citoyenneté depuis plus d'un siècle. Depuis 2013, les îles Pitcairn ont tenté d'attirer de nouveaux migrants mais n'ont pas eu de candidats car elles obligent les candidats à disposer de sommes importantes et interdisent l'emploi pendant une période d'essai de deux ans, au cours de laquelle le conseil local peut refuser le statut de résident de longue durée. La population actuelle de Pitcairn est inférieure à 50 habitants. 

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