| Le mot monogramme, dérivé du grec (lettre ou caractère unique), désignerait, selon la définition du Dictionnaire de l'Académie française, un « chiffre ou caractère composé des principales lettres d'un nom, et quelquefois de toutes ». On peut y ajouter qu'un monogramme peut renfermer toutes les lettres même de plusieurs mots, ce qui eut lieu dans les documents du Moyen âge, pour certaines formules usuelles. D'autre part, Littré établit une distinction constitutive entre un monogramme et un chiffre. Le premier de ces termes s'appliquerait à la réunion de plusieurs lettres en un seul caractère, « de telle sorte que le même ambage ou la même panse serve à deux ou trois lettres différentes, tandis que dans le chiffre on peut suivre distinctement toutes les parties de chaque lettre ». Un chiffre ne serait ainsi qu'un simple entrelacement de deux ou de plusieurs lettres, tandis qu'un monogramme en offrirait toujours une combinaison, comme par exemple deux L adossés de manière à ne présenter qu'une barre verticale unique, servant aux deux lettres à la fois. Ainsi exprimée, la définition de ces deux, termes n'est pas rigoureusement conforme à leur acception usuelle, qui s'écarte de beaucoup, dans certains cas, du sens primitif, conforme à l'étymologie. Un monogramme, quelle qu'en soit la constitution, qu'il se compose de lettres entrelacées on simplement accostées, ou bien de lettres combinées (enclavées, liées, accolées), et même lorsqu'il ne consiste qu'en une seule lettre ou en une combinaison de lignes géométriques, représente, en principe et avant tout, une signature. Il désigne encore souvent le lieu d'exécution d'un objet ou un atelier, en guise de marque de fabrique. On le rencontre écrit, sculpté, gravé, frappé, peint, etc. Tout monogramme qui n'indique plus le lieu d'origine ou l'exécutant d'un objet, mais bien la personne à l'intention de laquelle celui-ci a été fait, est désigné habituellement par le mot chiffre. L'usage des monogrammes semble être plus ancien que l'écriture elle-même. Dans l'Antiquité, on s'en servait couramment pour signer les oeuvres d'art, sculptures et médailles surtout. Il prit encore plus d'extension au Moyen Âge, pour remplacer une signature. Le plus ancien monogramme connu figurant sur un acte public de cette époque serait celui de Théodoric, roi des Ostrogoths. En France, tous les rois, depuis les Mérovingiens jusqu'à Philippe VI, faisaient figurer le monogramme de leur nom au bas de leurs actes solennels ou diplômes. On conserve encore un acte de 625 signé, du monogramme de Clotaire II. D'après Eginhard, ce fut principalement Charlemagne qui propagea l'usage du monogramme sur les monnaies, et surtout dans les chartes à cause de son inhabileté dans l'art d'écrire. Le sien consistait en le mot Karolus dont les lettres sont disposées en forme de croix. C'est ce qu'on appelle un monogramme parfait, comme renfermant toutes les lettres d'un nom. Pendant des siècles, les notaires et autres officiers publics ne signaient pas autrement leurs actes. Des monogrammes figurent fréquemment sur les tombeaux depuis l'origine du christianisme, sur des oeuvres d'art en tout genre, sur des objets d'ameublement, sur des bagues sigillaires, sur des anneaux pastoraux (généralement avec le monogramme de Jésus-Christ), etc. Le monogramme du Christ, très employé alors, était formé d'abord des lettres X et P, initiales de ce nom en grec, la seconde lettre étant placée verticalement entre les jambages de la première. C'est ce qu'on appelle en archéologie un chrisme. A partir du XIIe siècle, il fut figuré par les lettres grecques : XC, XPC ou XPS, et postérieurement par les lettres IH ou IHS du mot latin IHESUS. Dans cette dernière figuration on a encore fait surmonter d'une croix la lettre H. L'étude des monogrammes est très importante pour la connaissance et l'explication des documents du Moyen âge, et elle constitue une branche de la diplomatique. Elle ne l'est pas moins pour la numismatique, la sigillographie et pour l'histoire de l'art en général. Le nom scientifique de monogrammiste est donné à tout artiste signant son oeuvre d'un monogramme, que ce soit un signe figuré, l'initiale ou les initiales, ou bien l'abréviation de son nom. Nombre de ces monogrammes sont encore à l'état d'énigme. Un signe figuré (dont l'interprétation est souvent impossible) est d'habitude appelé marque. Il fut aussi fréquemment en usage, aux XVe et XVIe siècles, dans les marques des imprimeurs et des libraires. L'emploi du chiffre personnel, comme signe de propriété, fut et est partout constant sur toutes espèces d'objets. Depuis longtemps, on a publié, pour cet usage, des recueils de modèles gravés. D'un intérêt tout particulier, sous ce rapport, sont les reliures anciennes, généralement de luxe, armoriées au non, où souvent un chiffre bien composé, sur les plats ou au dos du volume, ajoute encore au charme de la décoration, sans compter ce qu'il nous apprend sur les goûts de la personne. (G. Pawlowski). | |