| Rue Quincampoix, à Paris. - Cette rue du IIIe'arrondissement et du IVe'arrondissement (section piétonnière) relie la rue aux Ours à la rue des Lombards, parallèlement et entre la rue Saint-Martin et le boulevard de Sébastopol. Des actes de 1210 lui donnent cette dénomination. Le vieux Guillot de Provins, qui écrivait en 1300, l'appelle Quinquenpoit. Selon Sauval et Leboeuf, ce nom lui vient d'un seigneur de Quinquenpoit, qui en avait fait construire la première maison. « C'est, dit Lemontey, un défilé obscur de quatre cent cinquante pas de long sur cinq de large, bordé par quatre-vingt-dix maisons d'une structure commune et dont le soleil n'éclaire jamais que les étages les plus élevés. » Au XIIIe siècle, cette très ancienne rue était peuplée de merciers et d'orfèvres, fréquentée par les dames et même servant de promenade à la mode. Les merciers, à cette époque, vendaient tous les objets de luxe et de parure pour les femmes. C'était une corporation très importante, très nombreuse, et plus riche toute seule, dit Sauval, que les autres cinq corps de marchands. Il serait très difficile d'énumérer tout ce qui faisait alors partie de la boutique d'un mercier, chapeaux, étoffes de soie, hermines, tissus de lin, broderies, joyaux, aumônières, parfums; etc. - La rue Quincampoix, à Paris. Les plus riches merciers de la rue Quincampoix étaient les d'Espernon, dont un est taxé dans la taille de 1313 à 90 livres. Au le XVIe siècle, la vogue marchande de cette rue était passée, et elle avait quelques hôtels de grands seigneurs. De ce nombre était l'hôtel de Beaufort, dont un passage a conservé le nom, où demeura le roi des halles, le héros de la populace de Paris à l'époque de la Fronde : « Il disoit tout haut, raconte Gui Patin, que si on le persécutoit à la cour, il viendroit se loger au milieu des halles, où plus de vingt mille hommes le garderoient. » Vers la fin du règne de Louis XIV, cette rue devint le séjour des juifs qui faisaient la banque et des courtiers qui tripotaient des gains illicites sur les billets de l'État ou sur les emprunts du grand roi. La rue Quincampoix devint célèbre peu de temps après par le jeu effroyable que toute la France vint y jouer. Louis XIV en mourant avait laissé l'État grevé d'une dette de deux milliards soixante-deux millions. Pour faire regorger les traitants, le régent établit d'abord une chambre ardente. Cet expédient ne fut qu'un insuffisant palliatif. - Le "Bureau des Mdes Lingères" (1716), au n°22 de la rue Quincampoix. Un Écossais, John Law, vint alors proposer l'établissement d'une banque générale, où chacun pourrait porter son argent, et recevoir en échange des billets payables à vue. Cette banque offrait pour hypothèque le commerce du Mississippi, du Sénégal et des Indes-Orientales, et ce fut la rue Quincampoix qui devint alors le centre de l'agiotage dont la fièvre agita tout le pays. Elle se trouva encombrée de joueurs depuis les caves jusqu'aux greniers: on s'y pressait, on s'y écrasait, on y achetait la moindre place au poids de l'or; une chambre s'y louait dix louis par jour. De là nous sont venus les ventes à terme, la prime, le report et toutes les autres inventions, roueries et manoeuvres de bourse. Quand vint la banqueroute, Law se vit dépouiller de sa dernière place de directeur et dut s'enfuir. C'est encore dans la rue Quincampoix, dans le cabaret de l'Épée-de-Bois, au coin de la petite rue de Venise, que le comte de Horn assassina un des agioteurs pour lui voler son portefeuille; il fut arrêté, condamné et exécuté sur la roue. Aujourd'hui, la rue Quincampoix est bien déchue de ses honneurs du XIIIe et du XVIIe siècles. Elle a pour prolongement une ruelle qu'on appelait des Cinq-Diamants : là demeurait Chapelain. (Th. Lavallée). - | | Art urbain, rue Quincampoix. (© Photos : Serge Jodra, 2009). | | |