George Bernard Shaw

George Bernard Shaw est issu d'une une famille protestante anglo-irlandaise. Son père, George Carr Shaw, est alcoolique, et sa mère, Lucinda Elizabeth Gurly Shaw, est une chanteuse amateur. La famille vit dans des conditions modestes. Shaw quitte l'école à l'âge de 15 ans, insatisfait du système éducatif qu'il trouve inefficace. En 1876, Shaw s'installe à Londres où il se lance dans l'écriture et connaît plusieurs années de difficultés économiques. Il travaille comme critique musical et littéraire pour gagner sa vie, mais il se heurte souvent au rejet de ses premiers romans. Cependant, son esprit critique aiguisé lui permet de se faire remarquer dans les cercles intellectuels de l'époque. Il se tourne ensuite vers le théâtre, où il trouve sa véritable voix. Ses pièces se caractérisent par leur dialogue spirituel, leur satire sociale et politique, et leur traitement des sujets contemporains.

Parmi ses pièces, on peut mentionner : Candida (1898), une comédie sur les relations amoureuses et l'émancipation des femmes; Man and Superman (1902), une réflexion philosophique sur la condition humaine et la théorie du surhomme de Nietzsche; Pygmalion (1912), sa pièce la plus célèbre parce qu'elle a inspiré plus tard la comédie musicale My Fair Lady, et qui traite de la transformation sociale et linguistique d'une femme de la classe ouvrière. 

• Candida (1898) est une comédie en trois actes qui se déroule à Londres et examine les relations conjugales et le rôle des femmes dans la société victorienne. L'histoire se concentre sur Candida, l'épouse du révérend James Morell, un pasteur anglican socialement engagé et très respecté. Eugene Marchbanks, un jeune poète romantique et idéaliste, est amoureux de Candida et croit que Morell ne mérite pas l'affection de sa femme. La tension principale de la pièce réside dans un triangle amoureux entre Morell, Candida et Marchbanks. Le jeune poète, plein de passion et de poésie, confronte Morell, qu'il considère comme fade et trop rationaliste pour comprendre la véritable nature de l'amour. Candida, au centre de cette rivalité, est bien plus que l'objet de désir : elle incarne la sagesse et la maturité. À la fin, Candida choisit de rester avec son mari, non pas par convention, mais parce qu'elle sait qu'il dépend d'elle pour sa force. Candida renverse l'image traditionnelle de la femme soumise; elle est forte, intelligente et tient le contrôle émotionnel du ménage. Shaw étudie comment le pouvoir se distribue différemment dans les relations conjugales, souvent en faveur de la personne la plus émotionnellement dépendante. Eugene représente l'idéalisme romantique, tandis que Morell représente le réalisme pratique, et Candida se trouve entre ces deux extrêmes.

• Man and Superman (1902) est une pièce philosophique qui se penche sur les questions de l'amour, de la société, et de la nature humaine. Inspirée par la théorie du "Surhomme" de Friedrich Nietzsche, Shaw y développe sa propre vision du progrès humain et des relations entre les sexes. L'intrigue tourne a utour de John Tanner, un intellectuel anarchiste et auteur du Revolutionist's Handbook (le Manifeste du Révolutionnaire). Tanner est poursuivi par Ann Whitefield, une jeune femme intelligente et rusée, qui est déterminée à l'épouser, même s'il s'y oppose farouchement. Ann représente l'instinct de survie de l'espèce humaine à travers sa perpétuation par le mariage et la reproduction. Une partie essentielle de la pièce est le célèbre Acte III, connu sous le nom de Don Juan in Hell, où Shaw réinvente la légende de Don Juan. Cet acte est une discussion philosophique entre Don Juan (incarné par Tanner), le Diable, et d'autres personnages sur des thèmes tels que l'immortalité, la nature de l'homme, et le sens de la vie. Dans cette pièce, Shaw, inspiré par Nietzsche, imagine une figure humaine évoluée qui transcende les limitations de la société actuelle. Shaw présente le mariage et l'amour comme des mécanismes biologiques de perpétuation de l'espèce, démystifiant la romance traditionnelle. John Tanner tente de fuir Ann pour éviter de devenir une simple "proie" du mariage, mais il finit par céder à ce qu'il perçoit comme la "force de la vie".

• Pygmalion (1912) est une pièce en cinq actes qui parcourt les thèmes de la transformation sociale et du pouvoir du langage. L'histoire se concentre sur Henry Higgins, un professeur de phonétique qui parie avec son ami, le colonel Pickering, qu'il peut transformer une pauvre vendeuse de fleurs, Eliza Doolittle, en une "duchesse" simplement en améliorant son langage et ses manières. Eliza accepte de devenir son sujet d'expérimentation, et au fil de la pièce, elle apprend à parler et se comporter comme une femme de la haute société. Mais ce processus de transformation soulève des questions sur l'identité sociale et l'égalité : Higgins considère Eliza comme un simple "projet", ignorant ses sentiments et ses besoins en tant qu'individu. À la fin, Eliza, devenue une femme indépendante et consciente de sa propre valeur, se libère de l'emprise de Higgins. Shaw critique ici l'idée selon laquelle la classe sociale est une caractéristique innée, montrant que la façon de parler et de se comporter peut radicalement changer la perception que les autres ont d'une personne. Le langage est vu non seulement comme un outil de communication, mais aussi comme un moyen de manipulation sociale et de mobilité (Orwell, Bourdieu). À travers Eliza, Shaw explore les luttes d'une femme pour s'émanciper et gagner son indépendance dans un monde dominé par les hommes.