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Jean
Genet
est un écrivain français, né
le 19 décembre 1910 à Paris et mort le 15 avril 1986 dans cette même
ville. Il reste l'un des auteurs les plus singuliers de la littérature
française, représentant à la fois l'individu en marge de la société
et l'artiste engagé. Son oeuvre se situe à la croisée de l'art,
de la politique et de la poésie.
Enfant abandonné
par sa mère à sa naissance, Jean Genet est placé dans une famille d'accueil
en province. Très jeune, il développe un sentiment de rejet et de marginalité.
Il connaît une adolescence difficile, devient voleur et vagabond, passant
de foyers d'accueil à des maisons de correction. À 15 ans, il est envoyé
à la colonie agricole de Mettray, un établissement pour jeunes délinquants,
qui sera souvent mentionné dans ses écrits.
À l'âge adulte,
Genet continue de vivre dans l'illégalité et multiplie les séjours
en prison pour vol, prostitution et vagabondage. C'est là qu'il commence
à écrire, transformant sa propre existence en sujet littéraire. La prison
devient pour lui un espace de réflexion et de création, un lieu qui nourrit
son imaginaire. Ses premiers poèmes et romans, dont Notre-Dame-des-Fleurs
(1944) et Miracle de la Rose (1946), mettent en scène des personnages
marginaux, des criminels, des prostituées, et traitent de la beauté dans
la transgression, de l'homosexualité et de la violence.
• Notre-Dame-des-Fleurs
(1944). - Ce premier roman de Genet est considéré comme l'une de ses
oeuvres les plus emblématiques. Il raconte l'histoire de Divine, un travesti,
et de sa relation avec des personnages issus de la criminalité parisienne
et des bas-fonds. L'oeuvre traite de thèmes comme la sexualité, la transgression,
et l'exclusion, avec une écriture poétique et lyrique qui contraste avec
la dureté des sujets abordés. À travers cette oeuvre, Genet magnifie
l'univers des marginaux et confère une dimension quasi mystique à des
personnages habituellement méprisés.
Grâce au soutien d'intellectuels
importants de l'époque, tels que Jean-Paul Sartre,
Jean Cocteau et Simone
de Beauvoir, Genet acquiert une reconnaissance littéraire. Jean-Paul
Sartre, fasciné par l'oeuvre de Genet, écrit un essai philosophique
intitulé Saint Genet, comédien et martyr (1952), où il dresse
un portrait complexe de l'écrivain et analyse sa trajectoire comme une
sorte de "rédemption" par l'écriture. Dans les années 1950 et 1960,
Genet se tourne vers le théâtre et écrit des pièces telles que Les
Bonnes (1947), Le Balcon (1956) et Les Nègres (1959).
Son théâtre, volontiers subversif, aborde des thèmes tels que le pouvoir,
la subversion, la révolte et l'identité. Ses pièces mettent en scène
des personnages qui jouent des rôles dans une sorte de mascarade permanente,
interrogeant la frontière entre le vrai et le faux, la domination et la
soumission.
• Les
Bonnes (1947). - Cette pièce de théâtre met en scène deux domestiques,
Claire et Solange, jouant à être leur patronne, Madame, dans une étrange
mise en abyme. Les deux soeurs nourrissent une haine envers Madame, qu'elles
tentent de tuer symboliquement dans leurs jeux de rôle. Cette oeuvre questionne
les dynamiques de pouvoir, de servitude et d'identité, ainsi que les tensions
de classe et la fascination-répulsion des subordonnés pour leurs maîtres.
Les Bonnes est une critique de la société bourgeoise et de ses
hypocrisies, également adossée aux thèmes du désir et de la haine.
Mentionnons aussi, datant
de la même période :
• Le
Journal du voleur (1949). - Ce roman autobiographique est l'un des
plus personnels de Genet. Il y décrit ses expériences de voleur, d'errance,
et de rencontres avec des criminels et des marginaux en Europe, notamment
en Espagne. Le livre est une plongée dans l'univers de l'illégalité,
de l'exclusion, et de l'homosexualité. Il parle de la trahison, de la
culpabilité et de la recherche d'une identité au sein d'une société
qui rejette les parias. Ce texte est à la fois un récit d'aventures
et une méditation poétique, oscillant entre la beauté et la brutalité.
À partir des années
1970, Genet s'implique activement dans plusieurs causes politiques. Il
soutient les Black Panthers aux États-Unis (Le
Mouvement des droits civiques), défend les droits des Palestiniens
et dénonce les injustices sociales. Ces engagements politiques, audacieux
et radicaux, reflètent sa solidarité envers les opprimés et les marginalisés.
Il écrira notamment Un captif amoureux, publié à titre posthume
en 1986, où il raconte son expérience et ses réflexions sur la lutte
palestinienne. Jean Genet meurt en 1986, laissant derrière lui une oeuvre
littéraire dense et subversive, empreinte de provocation et de beauté. |
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