| Dupleix (Joseph François), gouverneur des Indes françaises, né à Landrecies le 1er janvier 1697, mort à Paris le 10 novembre 1763. Il était fils de François Dupleix, fermier général, et de Anne-Louise de Massac. François Dupleix voulait faire de son fils un commerçant et, pour essayer de le détourner de son goût pour les arts et les sciences exactes, il le fit embarquer, en 1715, sur un navire de la Compagnie des Indes orientales. En 1720, le jeune Joseph Dupleix fut nommé membre du conseil supérieur de cette Compagnie et commissaire des guerres. En 1730, il était gouverneur de Chandernagor où il ramena la prospérité. En même temps, sa fortune personnelle s'accrut énormément et il fut en plusieurs occasions le banquier de la Compagnie des Indes. En 1741, Dupleix épousa Jeanne Albert, veuve de l'un des conseillers de la compagnie, du nom de Vincent, française de naissance et descendant de la famille portugaise de Castro. C'était une femme de courage et d'esprit qui le servit dans ses relations diplomatiques avec les princes indiens; elle fut connue en Inde sous le nom de Joanna-Begum (la princesse Jeanne). Les succès de Joseph Dupleix à Chandernagor lui valurent d'être appelé, la même année, au gouvernement de Pondichéry. Dans cette situation, qui faisait de lui presque un vice-roi, Dupleix rêva d'asseoir la domination française aux Indes sur de vastes possessions. Il voulait que la presqu'île entière fût administrée par la France, à l'aide de souverains locaux, ses tributaires et ses protégés, et il espérait faire accepter la suzeraineté de la France par le Grand-Mogol lui-même. Mais il fallait compter avec la rivalité de l'Angleterre qui avait fondé, elle aussi, une compagnie destinée à assurer le trafic avec l'Inde. Dupleix, prévoyant qu'une guerre était inévitable et que la suprématie dans l'Inde serait assurée au vainqueur, se prépara activement à cette lutte, s'attachant surtout à créer dans la colonie une force militaire et à s'assurer des appuis parmi les Hindous. La guerre éclata en 1745 entre la Grande-Bretagne et la France. Pour soutenir les établissements de l'Inde, le gouvernement avait donné l'ordre au gouverneur des îles de France (Maurice et la Réunion), La Bourdonnais, de se porter avec son escadre dans les eaux de Pondichéry; après des contretemps, il arriva le 6 juillet 1746. Dupleix le reçut comme un sauveur et lui donna l'ordre d'attaquer Madras dont la possession devait consolider l'influence française. Madras capitula le 21 septembre. Ce fait d'armes fit éclater entre La Bourdonnais et Dupleix un désaccord fatal; déjà leurs caractères opposés, leur autorité respective mal définie, avaient mis des nuages entre eux. Il faut rappeler que le nabab du Carnatic, Anaverdikan, avait sauvé Pondichéry, alors mal défendue, en empêchant la guerre entre Européens sur le territoire indien. Il protesta contre la prise de Madras, mais Dupleix, espérant conserver la ville sous l'influence française, lui fit répondre qu'il l'avait fait attaquer pour la lui livrer. La Bourdonnais fut informé de cette résolution; néanmoins, malgré l'ordre formel de Dupleix, il accorda aux Anglais le rachat de la ville. Dupleix refusa de ratifier le traité conclu le 26 sept. La Bourdonnais ne voulait pas céder. Cependant, après un ouragan qui avait fait subir à sa flotte de graves avaries, La Bourdonnais se résigna à quitter l'Inde le 23 octobre. Les historiens s'accordent aujourd'hui à réhabiliter Dupleix trop longtemps représenté comme ayant été pour La Bourdonnais un rival égoïste et jaloux; ils mettent en opposition avec les calculs ambitieux et intéressés de ce dernier la grandeur de vues de Dupleix, et son dévouement aux intérêts français. Après le départ de La Bourdonnais, le nabab du Carnatic somma Joseph Dupleix de lui remettre Madras. Celui-ci dut faire face aux Indiens avec de faibles ressources. L'armée du nabab fut défaite à Saint-Thomé et Madras déclarée possession française. Dupleix allait prendre le dernier refuge des Anglais, Saint-David, quand l'amiral anglais Boscawen parut avec une flotte en vue de Pondichéry. Dupleix fut blessé en dirigeant la défense; secondé par la mauvaise saison, il put contraindre les Anglais à lever le siège; il se disposait à poursuivre les débris de la flotte réfugiés au fort Saint-David au moment où fut signé le traité d'Aix-la-Chapelle. Dupleix s'attacha alors à assurer l'influence française en Inde en dominant les princes Indiens. Après la bataille d'Ambour, Dupleix réussit à placer sur le trône d'Arcate un auxiliaires français, et le nabab du Dekkan, qui vint rendre hommage à Dupleix, le nomma nabab de l'Inde, da cap Comorin au fleuve Krichna. Le renom de Dupleix était devenu considérable en Asie. Restait un point important à conquérir, Trichinopoli, où s'était réfugié un fils d'Anaverdikan, soutenu par les Anglais. Malgré le secours de la cavalerie du nabab Chanda Saïb, Law n'avait pas su exécuter les ordres de Dupleix et, s'étant laissé enfermer dans une boucle du fleuve Cauveri, il dut capituler (1752). Dupleix réclama des secours. Mais le gouvernement, indifférent à sa gloire et ne comprenant pas ses plans, n'avait qu'un désir, faire la paix avec l'Angleterre. Aussi envoya-t-il en Inde non pas des renforts, mais un commissaire extraordinaire, Godeheu, qui devait détruire l'oeuvre de Dupleix. Le gouverneur avait pourtant commencé à réparer les désastres de Trichinopoli qu'il faillit reprendre; ses efforts furent perdus. Godeheu avait ordre de destituer Dupleix et de l'arrêter au besoin; il remplit sa mission avec une rare hypocrisie. Il refusa de régulariser les comptes de Dupleix et séquestra les revenus destinés à rembourser ses avances. Godeheu fit reconnaître son titre de gouverneur et Dupleix fut embarqué presque de force pour la France le 12 octobre 1754. Sa chute marqua le commencement du déclin de l'influence française en Inde. Dupleix fut un grand administrateur, profond diplomate, mais il eut le malheur de n'être pas compris par ceux qui gouvernaient la France; on voyait en lui un aventurier et un tyran ambitieux et avide. Il fut abreuvé d'injustices et, n'ayant pu se faire rendre les avances considérables qu'il avait faites à la Compagnie, il termina ses jours dans une profonde misère. Sa femme était morte en 1756 et il avait épousé, en 1758, Mlle Chastenay-Lanty. (G. Regelsperger). | |