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Maurice Beniowski


Ch. Grosdidier
2004 
Beniowski (Maurice Auguste, baron Aladar de), aventurier nĂ© Ă  Verbovo (Verbo, en Hongrie) en 1741 (ou 1746?), mort le 23 mai 1786 Ă  Madagascar. Issu d'une famille noble du comitat de Nytra (Hongrie), il commence Ă  connaĂ®tre la notoriĂ©tĂ© un jour de 1772, lorsqu'un vaisseau construit en sapin russe, comme on en avait jamais vu en Chine, dĂ©barque au port de Canton. A son bord,  soixante-cinq personnes; quelques femmes, mais surtout des hommes habillĂ©s de la façon la plus extravagante en officiers russes. Celui qui se prĂ©sente comme leur commandant arbore le ruban de l'ordre de l'Aigle Blanc : Mauritus Augustus Aladar de Beniowski. Colonel au service la ConfĂ©dĂ©ration de Pologne, fait prisonnier par les Russes, il vient de s'Ă©vader d'un bagne de SibĂ©rie. Après avoir soumis toute une garnison, il a fui par la mer avec ses compagnons, contournĂ© la presque Ă®le du Kamtchatka, les cĂ´tes japonaises, Formose… et vient livrer Ă  la France des plans secrets ourdis par la Russie en Europe. 

De la validitĂ© des secrets russes, on n'en saura jamais rien. Mais la France soutient alors les ConfĂ©dĂ©rĂ©s polonais contre l'expansion russe en Europe centrale (L'Europe au XVIIIe siècle). La hardiesse du baron impressionne; sa fidĂ©litĂ© Ă  la France mĂ©rite une rĂ©compense; on regretterait qu'un tel homme aille livrer Ă  d'autres nations les connaissances que sa longue navigation lui a procurĂ©es. Maurice Beniowski propose un plan de conquĂŞte de Formose… Le ministre de la Marine, le comte de Boynes, choisit de l'envoyer fonder un Ă©tablissement de traite Ă  Madagascar. Il s'agit de civiliser par de bons exemples et le pouvoir de la religion les habitants de la grande Ă®le et de leur inspirer des besoins… Le baron ayant appris dans le cours de ses voyages la manière de traiter avec les peuples sauvages, paraĂ®t avoir tous les talents et surtout la douceur de caractère qui convient pour un pareil dessein.

Les moyens mis en oeuvre sont Ă©levĂ©s. Tout un corps de troupe - les Volontaires de Beniowski - est levĂ© dans Paris pour accompagner le baron vers Madagascar. Mais rapidement, les ambitions de Beniowski vont dĂ©border celles du ministre : c'est une vĂ©ritable colonie que le baron entend fonder Ă  Madagascar. Les instructions du comte de Boynes manquent de prĂ©cision : elles ne subordonnent  pas clairement l'action de Beniowski au gouvernement de l'Ă®le de France, qui est pourtant chargĂ© de son approvisionnement. Le baron estime donc n'avoir de comptes Ă  rendre qu'Ă  Paris. Par lettres, il dĂ©crit les progrès rapides de sa conquĂŞte : en quelques mois, il a fait alliance avec les chefs de la rĂ©gion, assĂ©chĂ© des marais sur lesquels une ville a Ă©tĂ© fondĂ©e (Louisbourg),  construit des forts vers l'intĂ©rieur (le fort de Boynes…),  bâti des hĂ´pitaux, levĂ© des troupes d'indigènes qui reconnaissent le roi de France pour leur suzerain. BientĂ´t toute l'Ă®le est dĂ©jĂ  conquise. Et Beniowski accompagne ses lettres d'une comptabilitĂ© fort dĂ©taillĂ©e des travaux, ainsi que les plans de chacun des bâtiments construits.

Dans le mĂŞme temps, il ne cesse de demander des moyens toujours plus Ă©levĂ©s Ă  l'Ă®le de France : en hommes, en vaisseaux, en marchandises, en argent… L' intendant gĂ©nĂ©ral, le sieur Maillart, refuse d'engager des frais sans justification des dĂ©penses. Beniowski s'indigne auprès du ministre : il accuse le gouvernement de l'Ă®le de France (Maurice) de vouloir faire Ă©chouer son entreprise, de soutenir des intĂ©rĂŞts privĂ©s dans le commerce avec Madagascar… Alors que des boeufs par centaines, du riz par milliers de livres, des esclaves, attendent seulement des vaisseaux pour passer Ă  l'Ă®le de France, pourquoi le gouverneur prĂ©fère-t-il  se tourner vers les Indes pour commercer Ă  des conditions bien moins avantageuses?

A Paris, il semble qu'un complexe de supĂ©rioritĂ© bien français ait longtemps jouĂ© en faveur du baron : on lui pardonne beaucoup ses emportements, ses outrances, ses fureurs… Comment un Ă©tranger, un Hongrois pourrait-il jamais s'adapter aux finesses de l'administration française? Toutefois, le destin de Beniowski finit par croiser celui de quelques noms illustres. Kerguelen  mouille dans la baie d'Antongil en 1773 : il ne trouve pas la moindre provision auprès de l'Ă©tablissement français. En revanche, Beniowski lui demande son aide pour incendier un village d'indigènes voisins. 

C'étaient tous, laissera tomber le chevalier de Kerguelen au sujet des Volontaires de Beniowski, des enfants, des polissons, des décrotteurs du Pont-Neuf
Turgot, faisant un bref passage au ministère de la Marine, tente de recadrer la mission de Beniowski dans ses limites, mais sa lettre n'arrivera jamais. Deux annĂ©es après l'installation de Beniowski Ă  Madagascar, Monsieur de Salines, le nouveau ministre finit par ordonner une commission d'enquĂŞte Ă  laquelle participe La PĂ©rouse. Les constructions dessinĂ©es par le baron n'ont jamais existĂ© ; les forts se rĂ©sument Ă  quelques cabanes entourĂ©es d'une palissade pourrie ; le corps des Volontaires a Ă©tĂ© dĂ©cimĂ© par les maladie ; l'intĂ©rieur de l'Ă®le n'a jamais Ă©tĂ© vraiment explorĂ©; les indigènes ont dĂ©sertĂ© le littoral et ne veulent plus commercer avec les Ă©trangers. MĂŞme le choix de l'implantation de la ville de Louisbourg, les pieds dans l'eau, n'aurait pas pu ĂŞtre plus mauvais. Trois cents des hommes de Beniowski sont morts.  Deux millions de livres ont Ă©tĂ© dĂ©pensĂ©es.

Il faut se résigner, conclut la commission avec l'intendant Maillart, à considérer la comptabilité de notre établissement à Madagascar comme celle d'un navire perdu corps et biens.

Une leçon de deux millions de livres, rĂ©pond Beniowski, n'est pas trop chère pour apprendre Ă  la France que rien de petit ne peut se faire Ă  Madagascar. 
Beniowski n'est pas inquiĂ©tĂ©. Il passe Ă  l'Angleterre, puis en AmĂ©rique, Ă  Saint-Domingue. Partout, il cherche des capitaux pour reprendre son oeuvre Ă  Madagascar. C'est Ă  cette pĂ©riode de sa vie qu'il Ă©crit ses mĂ©moires. Ses fables prennent de l'ampleur : de la chasse Ă  l'ours blanc en SibĂ©rie jusqu'Ă  son sacre comme roi de Madagascar, la somme d'exploits quotidiens du baron parvient Ă  impressionner quelques crĂ©dules.  Il monte une nouvelle expĂ©dition, aborde sur la cĂ´te occidentale, oĂą il est attaquĂ© par les indigènes. La plupart de ses compagnons sont massacrĂ©s. On le tient pour mort, il rĂ©apparaĂ®t Ă  l'Est, ayant rĂ©ussi Ă  faire le tour de l'Ă®le en pirogue, et c'est lĂ  qu'il s'en prend Ă  un Ă©tablissement français. Un rĂ©giment part de l'Ă®le de France Ă  sa poursuite, et au cours d'une brève Ă©chauffourĂ©e, qui fera un seul mort :  Aladar de Beniowski est abattu. (Christophe Grosdidier, 2004).


En bibliothèque. - M. Beniowski, Voyages et mémoires du Comte Beniowski, contenant les opérations militaires en Pologne, son exil au Kamtchatka, son évasion, Paris, 1791, réed. 1863.

L'aventureuse destinĂ©e de Beniowski a inspirĂ© plusieurs Ă©crivains. Jules Slowacki, le poète polonais, en a fait le hĂ©ros d'un de ses poèmes les plus remarquables. Kotzebue l'a mis en scène dans son drame : Die Verschwörung in Kamtchatka (Leipzig, 1895), qui a Ă©tĂ© plusieurs fois rĂ©imprimĂ© et traduit en diverses langues. Louise Muhlbach l'a mis en scène dans un de ses romans. En France, Alexandre Duval a fait jouer en 1800 un opĂ©ra comique intitulĂ© Beniowski ou les ExilĂ©s du Kamtchatka, musique de Boieldieu. Prosper Cultru, enfin, a Ă©crit sa biographie : Un empereur de Madagascar, Benyowszky, 1906. 

En librairie - Christophe Grosdidier, Volontaire de Beniowski, Editions du Baobab (Mayotte), 2007. - Maurice-Auguste Beniowski, MĂ©moires et Voyages (3 tomes, trad. du polonais par Eric Morin-Aguilar), Editions Noir sur Blanc, 1999. 

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Dictionnaire biographique
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