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Mélusine

Mélusine, fée ou sirène de la France centrale, que l'on rencontre dans les romans de chevalerie et dans les traditions du Poitou. De toutes les fées que l'on rencontre dans le folklore de la France, Mélusine, est , sans contredit, la plus célèbre. C'était la patronne de la maison de Lusignan, et la plupart des femmes de cette famille portèrent son nom. Jean d'Arras, poète du XIVe siècle, a écrit en vers l'histoire de cette fée. 

Elle descendait selon les légendes, d'un certain Êlénas, roi d'Albanie, et avait été, en punition d'une faute (peut-être pour avoir  donné la mort à son père), condamnée par sa mère à être fée et serpent tous les samedis, jusqu'au jour du Jugement dernier, à moins qu'elle ne pût trouver un chevalier qui consentit à l'épouser et ne pût jamais la voir sous cette forme. Raymondin de Forez (ou Raymond de Poitiers), premier seigneur de Lusignan en Poitou, et qui devint la tige des maisons de Lusignan, de Luxembourg et de Bohème, l'ayant rencontrée dans un bois, en devint amoureux, et l'épousa. Ce fut pour lui qu'elle bâtit le fameux château de Lusignan en Poitou. 

Mais malheureusement. Il ne tint pas la promesse qu'il lui avait faite de ne jamais chercher à la voir le samedi, et un jour il la surprit lorsqu'elle était métamorphosée en serpent. Il l'enferma dans un souterrain de son château de Lusignan ou dans une tour, où elle est depuis restée emprisonnée. Elle ne se laissa plus voir que sur une haute tour du château, où elle paraissait en vêtements de deuil lorsque quelqu'un de la famille devait mourir. Le plus souvent, on ne la savait présente que par les gémissements, les sifflements et les cris lugubres qu'elle faisait entendre quand elle prédisait les malheurs qui menaçaient ses descendants. 

Seulement, toutes les fois que le château de Lusignan changeait de seigneur, ou qu'il devait mourir quelque personne de sa famille, en la voyait pendant trois jours apparaître sur le donjon en exhalant de lugubres gémissements. Le manoir de Raymond resta plein des souvenirs de la mère des Lusignan, tour à tour nommée mère Lusigne, Merlusine, enfin Mellusine, Mélusine. 

Les bonnes gens parlaient sans cesse des huit fils de la femme-serpent, tous esfroyables à veoir, tous marqués de signes surnaturels. La statue de l'un d'eux, Geoffroi à la Grand' Dent, se dressait même sur la maîtresse porte, comme pour attester la réalité des traditions. Parfois, un serpent aux cercles noueux se glissait la nuit le long des escarpements de la forteresse. S'il en faisait trois fois le tour, on pouvait être certain de la menace d'un assaut. Les cris prophétiques de la fée redoublaient au trépas de quelque prince de la famille royale de France. 

Les constructions les plus anciennes et les plus renommées du Poitou, ainsi que des provinces voisines, étaient également attribuées à la femme-serpent; entre autres, les châteaux de Morvant, de Vouvant, de Partenay, de Parc-Soubise, du Coudray, de Salbart, de Béruges en Poitou, de Marmande en Touraine, d'Issoudun en Berry, etc.; et dans leurs vieilles ceintures de murailles flanquées de tours, dans leurs ruines majestueuses, les mêmes apparitions se répétaient. 

La tradition de Mélusine était encore en pleine vigueur vers la fin du XVIe siècle. Dans les guerres de religion qui désolèrent la France à cette époque, le château et la ville de Lusignan furent, en 1574, assiégés et pris par le duc de Montpensier. 

« Le roi, dit le président de Thou, ordonna que ce château, le plus fameux et le mieux bâti de France, serait rasé; on ne fit pas même grâce à cette fameuse tour de Mélusine, que nos auteurs ont rendue si célèbre par les fables qu'ils ont racontées. » 
Catherine de Médlcis, qui était, comme on sait, fort adonnée à la magie, prit alors un grand plaisir à faire causer de vieilles femmes qui lavaient leur linge à une fontaine auprès du vieux château. 
« Les unes lui disaient, rapporte Brantôme, qu'elles voyaient Mélusine quelquefois venir à la fontaine pour s'y baigner en forme d'une très belle dame et en habit de veuve; les autres disaient qu'elles la voyaient, mais très rarement, et ce, le samedi à vêpres (car en cet état ne se laissait-elle guère voir), se baigner, moitié le corps d'une très belle dame et l'autre moitié en serpent : les autres, qu'elle paraissait sur le haut de la grosse tour en forme d'une très belle dame et en serpent. Les unes disaient que quand il devait arriver quelque grand désastre au royaume ou changement de rè gne, ou mort et inconvénient de ses parents, les plus grands de la France, que trois jours avant on l'oyait crier d'un cri très aigre et effroyable par trois fois. On tient celui-ci pour très vrai. » 
Une autre Mélusine figure dans les traditions féeriques de la Franche-Comté; c'est la vouivre, être moitié femme aussi moitié serpent, qui porte au front une escarboucle lumineuse. (E. Jacobi / A19).


En bibliothèque - Cette légende fut traitée par Jean d'Arras (1387), dont le roman fut imprimé en 1478. Il fut mis en vers par Couldrette en 1401 et traduit en allemand en 1456 par Thüring de Ringoltingen. Ce devint un des livres les plus populaires de l'Allemagne imprimé dès 1474 à Strasbourg.

- J. Kohler, Der Ursprung dur Melusinensage, Leipzig,1895.

En librairie - J. d'Arras, Mélusine, Livre de Poche, 2003. - Alain Guillerm, A la poursuite de Mélusine, In Octavo, 2003. - L'Histoire de Mélusine (reprise de l'édition Jacques Oudot, 1699), Phénix, 2001. - Thüring de Ringoltingen, La Mélusine et autres récits, Honoré Champion, 1999. - Coudrette, Roman de Mélusine, Flammarion (GF), 1993.

Malek, Histoire de Mélusine (Fortune d'un roman chevaleresque en Pologne et en Russie), Presses de l'université de Paris-Sorbonne, 2003. - Yvan Goll et Alain Montandon, Mélusine, Presses universitaires de Clermont-Ferrand, 2001. Claude-Louis Combet, Le Roman de Mélusine, Albin Michel, 2000. - Jean Markale, Mélusine, Albin Michel, 2000.  - Jeanne-Marie Boivin, Proinsias Maccana et al., Mélusines continentales et insulaires (actes colloque Paris XII), Honoré Champion, 1999. Jacqueline Kelen, Les femmes éternelles (Antigone, Dulcinée, Nausicaa, Mélusine, Pandore, Pénélope, Juliette...), Anne Carrière, 1998.  - Claude Lecouteux et Jacques Le Goff, Mélusine et le Chevalier au Cygne, Imago, 1998. - Collectif, Mélusine, Stock, 1991. - Laurence Harf-Lancner, Les fées dans la littérature française au Moyen âge (Morgane, Mélusine), Honoré Champion, 1991. - De la même, Fées au Moyen âge, Slatkine.

Pour les plus jeunes : Claire Renaud et Elisabeth Schlossberg, Mélusine n'aime pas Halloween, Fleurus (coll. J'aime la vie),  2003. - Hervé Le Gall et Michel Cordeboeuf, La fée Mélusine, Bastberg, 2000. - Michèle Perret, La légende de Mélusine, Père Castor, 1999. - Yvon Mauffret, Bien joué, Mélusine!, Rageot, 1999. Balland, Quella-Guyot, Mélusine, fée serpente, Geste (BD).

 
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