| Samedi, dans le Bréviaire : Sabbatum. Les Actes des apôtres (II, 46; III, 1; V, 42) montrent les chrétiens de Jérusalem assidus au temple tous les jours, d'un commun accord; ils étaient d'ailleurs restés attachés à toutes les prescriptions mosaïques (Moïse, Judaïsme). II est donc plus que vraisemblable qu'ils continuèrent à observer religieusement, le même jour que les Juifs, c.-à-d. le samedi, la loi du repos et de la sanctification édictée par le IVe commandement du Sinaï. Mais avant la fin de la nuit suivante, ils se réunissaient entre eux, pour se préparer, par des lectures, des exhortations, des chants et des prières, au culte du jour du Seigneur (dimanche), consacré au souvenir de la résurrection de Jésus et, plus solennellement que les autres jours, à la liturgie eucharistique, qui avait lieu pendant les premières heures de la matinée. Il est probable qu'ils employaient au travail le restant de la journée. Cependant, saint Paul écrivait aux Colossiens (II, 16-17) : « Que personne ne vous condamne au sujet du manger ou du boire, ou pour les distinctions de fête, de nouvelle lune ou de sabbat, car ces choses n'étaient que l'ombre de celles qui devaient venir »; et aux Galates (IV, 9-11) « Comment retournez-vous à ces faibles et misérables rudiments, auxquels vous voulez vous assujettir de nouveau? Vous observez les jours, les mois, les temps et les années. Je crains pour vous que je n'aie travaillé en vain à votre égard ». Mais les efforts de cet apôtre, pour supprimer les prescriptions et les conceptions provenant du judaïsme, et pour réduire la religion chrétienne aux seules inspirations de la foi, eurent peu de succès dans l'Église primitive. Lui-même se soumit plus d'une fois aux observances qu'il avait paru condamner d'une manière absolue. Et il ne faut pas oublier (ce qu'on fait trop souvent) que ses épîtres, c.-à-d. ses lettres, n'étaient guère connues alors que des petites communautés au quelles elles étaient adressées. Un indice précis de la persistance de la vénération du sabbat parmi les chrétiens résulte des actes du concile de Laodicée, dont la tenue est rapportée à des dates fort différentes, variant de 314 à 380. Le 29e canon de ce concile anathématise comme judaïsants ceux qui s'abstiennent de travailler le jour du sabbat, et il recommande d'honorer plutôt le jour du Seigneur et de s'abstenir, s'il est possible, de tout labeur ce jour-là. Néanmoins, les canons 49 et 51 assimilent le sabbat et le jour du Seigneur pour la célébration eucharistique et les fêtes des martyrs, pendant le carême. Des indications plus formelles se trouvent dans les Constitutions apostoliques. La date et la composition de ces constitutions sont discutées; mais, dans leur ensemble, les documents qu'elles contiennent représentent les traditions de l'Église d'Orient au IIIe et au IVe siècle. On y lit : « Observez le sabbat et le jour du Seigneur comme des fêtes : l'un est consacré au souvenir de la Création; l'autre, au souvenir de la Résurrection (VII, 23, 2). » « Le sabbat est le repos après la création, le complément de l'oeuvre, la promulgation de la Loi, l'action de grâces pour ce que Dieu a donné aux hommes (VII, 36, 1, 2). » « Que les serviteurs travaillent cinq jours, mais que le jour du sabbat et le jour du Seigneur ils soient affranchis de tout travail (VIII, 83, 1). » Dans le même ordre d'idées, les Canons des apôtres : « Si quelqu'un jeune le jour du sabbat ou le jour du Seigneur, excepté la veille de Pâque, qu'il soit déposé, s'il est clerc; qu'il soit excommunié, s'il est laïque (56e can.)-». Le jeûne exceptionnel, pratiqué a veille de Pâques dans l'Église grecque, était motivé par cette considération que Jésus était encore enseveli dans son sépulcre ce ,jour-là. Mais jeûner, faire maigre et s'agenouiller pour les prières, les autres samedis, était regardé comme une profanation du sabbat. Un écrit, attribué à saint Ignace, prétend même que jeûner ces samedis-là, c'est se faire meurtrier de Jésus. Le concile Quinisexte, tenu in Trullo, à Constantinople (685) cite le 56e canon des apôtres et le déclare obligatoire, même en Occident, où était établi un usage contraire. Mais quand deux fêtes se suivent ainsi sans intervalle chaque semaine, l'une d'elles doit amoindrir l'autre et finalement l'oblitérer. Peu à peu, le culte du samedi cessa d'être suivi par le peuple; il ne garda sa place que dans les cérémonies de l'Église d'Orient, où il resta consacré par des offices analogues aux offices du dimanche. Le peuple n'y assistait plus guère; mais le respect de l'ancienne coutume subsista chez lui, traduit par une haineuse réprobation de ceux qui la profanaient, par le jeûne, le maigre et les agenouillements. Ce sentiment fut une des principales causes du grand schisme d'Orient. A Rome, le samedi était devenu un jour de jeûne. Déjà au temps de Tertullien, il y avait des églises on l'on prolongeait parfois jusqu'au samedi le jeûne du vendredi. Ces jeûnes prolongés étaient fort en usage à la fin du IIIe siècle. On rattache ordinairement à cette prolongation le jeûne romain du samedi. Suivant l'abbé Duchesne (Origines du culte chrétien; Paris, 1889, in-8), le jeûne du vendredi aurait d'abord empiété sur le samedi. Puis, cette pratique ayant été trouvée trop rigoureuse, on l'aurait remplacée par un autre jeûne ou semi-jeûne, distinct de celui du vendredi. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'à Rome on ne célébrait pas la liturgie eucharistique le samedi. Même en Occident, on ne parvint jamais à introduire d'une manière générale le jeûne ordinaire du samedi, institué à Rome. A Milan, on ajoutait simplement au jeûne de la veille de Pâques le jeûne des samedis de carême. Dans les Gaules aussi, on se contenta de jeûner les samedis de carême, jours prescrits par les conciles d'Agde (506) et d'Orléans (541). Au temps de Charlemagne, il y avait encore pleine liberté pour les jeûnes du samedi. Mais plusieurs évêques travaillaient déjà à les importer en France, conformément à l'usage de l'Église de Rome, dont on recevait peu à peu les rites. Cet effort se prolongea pendant plus de cent cinquante années. Finalement, comme on n'osait point en imposer l'obligation au commun des fidèles, on se borna, en plusieurs conciles, à prescrire l'abstinence de chair le samedi. De là, l'ordonnance ainsi exprimée dans les Commandements rimés de l'Église : Vendredi chair ne mangeras Ni samedi pareillement. Toutefois, en son Histoire des fêtes mobiles, Baillet cite des documents indiquant que l'abstinence des samedis n'était pas encore reçue en toute la France, à la fin du XIe siècle, et même que ce ne fut que vers la fin du XVe siècle qu'elle y devint générale. (E.-H. Vollet).
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