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Les Lares étaient les dieux ou génies domestiques des Romains, chargés de protéger les carrefours et les enclos, et surtout chaque maison et chaque famille. Selon quelques mythographes, c'étaient des divinités particulières, qu'on faisait naître de Mercure et de la nymphe'Lara, fille du fleuve Albe; mais, selon une autre opinion, c'étaient, non des dieux particuliers, mais quelques-unes des divinités principale, que chacun se choisissait à son gré. Les statues des dieux Lares étaient fort petites; on les plaçait au coin du foyer; les riches les conservaient dans un oratoire spécial, appelé lararium; on mettait près d'elles un chien, symbole d'attachement et de fidélité. Les Lares se transmettaient dans chaque famille de génération en génération; aussi les appelait-on dieux paternels. Outre les Lares domestiques, il y avait aussi des Lares publics, les uns urbains, exposés dans des niches, aux carrefours des villes; les autres viales, placés à l'embranchement des grands chemins, et figurés comme des termes. On offrait aux Lares des fruits, du lait, les prémices des moissons (Compitalia). On identifie souvent les Lares avec les Mânes des ancêtres de chaque famille; on les confond aussi avec les Pénates; cependant les Pénates paraissent plutôt chargés de dispenser, les richesses, et les Lares de les conserver. Rome avait pour dieux lares Rémus et Romulus. Groupe laraire en bronze, trouvé à Mandeure (Doubs), dessin de Féart. Le mot de Lares semble avoir signifié autrefois, comme celui de Mânes, les bons esprits de la terre; seulement, Mânes exprimait spécialement le caractère bienveillant et pur de ces esprits, tandis que Lares voulait dire les maîtres (en étrusque Lars = seigneur). Mais avec le temps Les lares étaient devenus les seigneurs, les esprits des ancêtres, avec une certaine acception idéale, et sans aucune idée de mort ou de tombeau. La sphère où s'exerce l'action des Lares est trop large pour qu'on puisse les regarder comme les simples esprits des morts. De là vient un certain vague dans les représentations et les explications des anciens sur ce sujet. La croyance populaire voit principalement en eux les gardiens des rues et des places, tandis que Nigidius Figulus les regarde plutôt comme les protecteurs des maisons, et que Varron les compare, tantôt aux Mânes italiens, tantôt aux héros grecs. Plus tard, quand on confondit les génies de toutes sortes et de toutes classes, pour ne plus admettre entre eux qu'une distinction de bons et de mauvais esprits, la croyance ordinaire fut que les gens de bien devenaient Lares après leur mort, tandis que les mauvais prenaient la forme de larves. Quoi qu'il en soit, le culte de ces bons esprits de la terre était commun à toute l'Italie; on le retrouve en Latium, comme chez les Sabins et les Étrusques. On peut supposer que la croyance aux Lares a commencé dans les campagnes, où on les adorait comme protecteurs du sol, de la vigne, des chemins, et de toute la vie champêtre. On les honorait aussi dans la maison : spécialement, le Lar familiaris, que l'on considérait comme le gardien de toute la famille, et quelquefois même comme son membre actif. Ainsi, la croyance latine voyait dans Servius Tullius le fils du Lar familiaris de la maison des Tarquins, et faisait remonter à ce fils des Lares la fête urbaine des Compitales; tandis que, dans la tradition de la famille Valeria, les Lares du foyer avaient indiqué au père désespéré le moyen de guérir ses enfants. C'est aussi aux Lares que se rapporte la vieille légende de l'augure Atta Navius. Tout jeune encore, et gardant les pourceaux de son père, Navius pendant son sommeil en avait laissé échapper quelques-uns. Fort affligé de cette perte, il alla à la chapelle des Lares, dans la vigne voisine, et leur redemanda ses pourceaux, leur promettant en retour la plus grosse grappe de raisin de toute la vigne. Il retrouva ses bêtes, mais se trouva fort embarrassé, quand il s'agit d'exécuter son voeu, pour trouver la plus grosse grappe. Il trouva alors d'inspiration l'art d'observer le vol des oiseaux. Cicéron et Tibulle nous apprennent que les campagnes furent les premières à adorer les Lares, et la fête des Compitalia n'est probablement que la fête des champs transportée à la ville. L'atrium, d'après l'ancienne coutume, était la salle à manger commune de la famille, et c'était là que, devant le foyer, se trouvait la place des Lares et des Pénates. Là se trouvaient les statues des Lares, faites de simple bois sculpté, que la ménagère était spécialement chargée de soigner. Aussi Caton lui prescrit-il sur toutes choses de tenir propre le foyer domestique, de le balayer tous les soirs avant de se coucher et, toutes les Calendes, Ides et Nones du mois, d'y faire sa prière, d'y déposer une couronne et d'y faire une libation selon sa fortune. Les Calendes de chaque mois étaient principalement un jour d'offrandes pieuses, surtout celles de mai que le calendrier de Venusia désigne sous le nom de Laralia. Ces Laralia étaient d'après Festus au nombre des fêtes qui n'avaient point de caractère officiel et que chaque famille célébrait dans son intérieur. Presque toujours, surtout aux fêtes de la famille, les Lares étaient ornés d'une grande et épaisse couronne, en sorte qu'ordinairement leurs statuettes étaient comme enfouies sous les fleurs et les feuilles. Les Lares recevaient en outre à chaque repas leur offrande déterminée de mets et de boisson, offrandes qu'on déposait sur le foyer après le premier service dans un religieux service et sur de petits plateaux (patellae) faits exprès. Puis on versait l'offrande dans le feu, et, après le cri de Dii propitii! le repas pouvait continuer. C'est de là que vient l'expression de Dii patellarii, employée par Plaute pour indiquer les dieux domestiques. Les Lares, considérés comme les bons génies de la maison, prennent part à toutes les fêtes. Quand le jeune homme de la maison prend la robe virile, on consacre aux dieux Lares la bulle, ornement de son enfance. Quand un parent revient de la guerre, on leur offre une part du butin. Les images des Lares, qu'on faisait de cire à la campagne dans les occasions solennelles et qui à la ville étaient généralement de pierre ou de métal, avaient généralement la toge retroussée, des cornes, et dans la main des coupes ou des aiguières. Après les Lares familiers, les plus importants sont ceux des carrefours et des chemins, les Lares compitales ou viales. On peut les appeler Lares publics en opposition aux Lares privés; car leur culte était tout officiel. Cependant ils ne concernaient que le carrefour mis sous leur protection et le quartier de la ville avoisinant. C'était le plus souvent sur le compitum même, au croisement de deux rues, que les Lares avaient leurs chapelles, à la campagne comme à Rome, et la chapelle des Lares appartenait si bien au culte de tous les habitants du quartier que toute jeune femme, en entrant pour la première fois dans la maison de son mari, devait non-seulement faire l'offrande d'un as à son époux et aux Lares de la maison, mais aussi à ceux du compitum voisin. Ces dieux sont les protecteurs de tout le voisinage ils sont toujours au nombre de deux, et on les considère comme les fils de Mercure et de Lara. Ils avaient leurs fêtes à la campagne comme à Rome, et ces fêtes s'appe laient compitalia; mais celles de la ville, fondées par Servius Tullius, le fils d'un Lare, disait-on, et en réalité l'organisateur de toute une division municipale de Rome, (les vici, avaient bien plus d'importance. Tous les habitants du vicus avaient au carrefour voisin une chapelle commune des Lares où les réunissait une fête annuelle. Pour cette fête, chaque maison du quartier devait payer la contribution d'un gâteau. Les sacrificateurs devaient être aidés non par des hommes libres, mais par des esclaves : usage qui était probablement un reste de la familiarité où les anciens vivaient avec les esclaves. Les Compitales tombaient peu après les Saturnales, mais n'avaient pas d'époque fixe : on les annonçait d'année en année. Parmi les usages alors observés, beaucoup nous rappellent le culte des morts et font même penser à d'anciens sacrifices humains. Ainsi les gens du peuple suspendaient pendant la nuit dans les carrefours et devant les portes toutes sortes d'objets, surtout des poupées de laine, et sacrifiaient chez eux des têtes de pavots ou des gousses d'ail qui représentaient les têtes et les corps des membres de la famille; on racontait à ce propos que Tarquin le Superbe avait immolé autrefois des enfants aux Lares et a Mania, leur mère, mais que Brutus avait substitué à ce cruel usage le sacrifice moins sanglant des têtes de pavots. D'autre part ces Compitales étaient une fête très-gaie, très-populaire , qu'on célébrait dans chaque carrefour avec des jeux et des réjouissances, et où reparaissait bien clairement le caractère champêtre de la grande ville. Souvent les ambitieux, pour se faire aimer du menu peuple, lui donnèrent de ces jeux de Compitales qu'ils savaient très-populaires; et même, au temps de la démocratie et de la démagogie, des collèges spéciaux se formèrent qu'on appela compitalicia, protégés par les meneurs du moment, chargés de donner au peuple les jeux des Compitales et aussi de seconder, avec leur séquelle, tous les coups de main des Clodius et consorts : ce qui faisait de ces jeux et de ces clubs un assez grand sujet d'épouvante pour le sénat et le parti des nobles. Quand Auguste eut brisé les clubs politiques, organisé la police des vici et compila et créé un surveillant responsable (magister vicorum) , alors enfin les Compitales revinrent en honneur. Auguste fit encore dans ce culte une réforme qui sans doute contribua plus que tout autre chose à fortifier son souvenir dans le petit peuple. Aux dieux Lares, qui étaient adorés dans chaque carrefour, on ajouta le génie d'Auguste, c'est-à-dire son esprit personnifié, dont on fit un dieu après sa mort : en sorte que désormais le peuple romain non-seulement à Rome, mais dans l'Italie entière, à côté des anciennes divinités qui protégeaient son quartier, s'habitua à adorer aussi le génie de ce prince et à en faire un de ses esprits tutélaires. Il nous reste à parler de certaines modifications et de certains noms particuliers de ce culte urbain des Lares, restes isolés d'anciennes croyances qui disparurent probablement à la restauration d'Auguste. Nous trouvons d'abord les Lares Grundules (de grunnire?); probablement une vieille chapelle où on adorait, à côté des dieux Lares, une truie et ses trente petits, allusion sans doute à la fameuse tradition des colonies albaines. Puis les Lares proestites, gardiens de la ville, et comme tels accompagnés de chiens et couverts même de peaux de ces animaux. Les Lares hostilii, protecteurs de la ville contre les ennemis, représentés sur une monnaie de la famille Caesia comme deux jeunes gens assis, armés d'épées, et ayant un chien entre eux deux. On parle aussi de Lares permarini, qui avaient un temple sur le Champ de Mars, bâti par L. Aemilius Regillus après une victoire navale, et aussi une fête particulière le 22 décembre. Il y avait encore un autre temple situé sur la Voie Sacrée, près du Palatin, et qu'Auguste nomme parmi ses constructions. Il était dédié aux Lares publics. Enfin on cite des Lares alites ou ailés qui avaient donné leur nom à une rue de Rome. De tous ces éléments divers se forma à la longue un culte des Lares qui différait de l'ancien culte sur plus d 'titi point. D'abord on identifia de plus en plus les Lares avec les génies des vivants et des morts, et c'est ainsi que le génie d'Auguste put devenir Lare public et les anciens Lares compitales Lares d'Auguste. On les fêtait comme tels le le' août, qui était la fête de cet empereur. En même temps on s'habitua de plus en plus à confondre les Lares de la famille avec le culte des morts illustres et des dieux protecteurs de la maison. Enfin, les arrangements plus commodes de l'architecture perfectionnée chassèrent les Lares de l'ancienne salle de famille pour les reléguer dans des Lararia, armoires ou chapelles spéciales, qu'on plaçait soit à l'entrée de la maison, soit à côté de la chambre à coucher du propriétaire. On associa aussi au culte des Lares le culte de toutes sortes d'esprits et de génies protecteurs, celui de l'empereur régnant d'abord, puis celui d'amis, de professeurs aimés, etc. La rage de l'apothéose se fit sentir dans le culte privé comme dans le culte public. C'est ainsi que l'empereur Alexandre Sévère eut à côté de sa chambre à coucher deux Lararia ; dans l'un, où tous les matins il faisait sa prière, avec les portraits des meilleurs empereurs, les images des hommes les plus sages et les plus saints du passé, Apollonius de Tyane à côté du Christ, Abraham à côté d'Orphée; dans l'autre se trouvait une galerie des poètes et des héros les plus connus de l'antiquité grecque et romaine, Virgile, Cicéron, Achille et d'autres. (L. Preller). |
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