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Les Dames blanches
constituent une classe de fées dont
quelques-unes sont graves et bien faisantes; d'autres sont méchantes
ou simplement espiègles. Elles correspondent à la Banshie
des Ecossais. Lorsqu'on les rencontre au
bord des fontaines et au pied des vieux arbres, c'est toujours d'un fâcheux
présage.
En Bretagne,
il est de ces Dames blanches qui s'introduisent dans les écuries
portant des chandelles allumées. Elles laissent tomber alors des
gouttes de suif sur le crin des chevaux, ce qui leur permet de le lisser
avec plus de soin. Elle agissent de même dans les contrées
du Nord.
En Allemagne,
il y a une Dame Blanche qui se montre dans les forêts et dans les
prairies, et l'on prétend que dehors elle voit parfaitement clair,
tandis que renfermée dans sa demeure elle est aveugle. Certaines
Dames Blanches sont les protectrices de grandes familles, et elles apparaissent
constamment lorsqu'un des membres de ces familles doit mourir. Telles sont
entre autres les maisons de Neuchaus, de Rosenberg, de Brunswick, de Bade,
de Brandebourg, de Pernstein, etc. Byron cite aussi
la Dame Blanche de la famille Colalto.
Selon des légendes plus tardives,
une Dame Blanche aurait contribué, en 1638, durant la guerre contre
le comté de Bourgogne, à
sauver la ville de Salins et à battre un corps d'armée de
Louis Xll, commandé par Villeroy.
" Il est
remarquable, dit Girardot, qu'au même temps qu'on pourchassait les
Français, une petite fille, nourrie au couvent des Ursules de Salins,
étant près de mourir, dit aux religieuses assemblées
autour de son lit, qu'elles n'eussent plus de crainte des Français,
car elle les voyait fuir devant une femme blanche."
Nous empruntons aux Traditions populaires
comparées, de Désiré Monnier, le passage qui suit.
" Nous nous faisons un devoir
de conserver dans nos pages un monument écrit qui pourrait se perdre
de vue aux lieux mêmes où il se produisait en 1840 : nous
le tirons du journal lyonnais le Réparateur, organe des préoccupations
populaires de la fin de cette année calamiteuse. On sera frappé
du singulier conflit d'idées religieuses et païennes qui se
réveillèrent, et l'on reconnaîtra combien il est naturel
au peuple de recourir à des prodiges pour expliquer les catastrophes
qui le happent.
Un correspondant du Réparaleur
lui adresse le résume tout ce qu'il a entendu. [Ainsi, dit-il, on
raconte] qu'à Grenoble, il y a quelques
mois, à la veille de cette fatale année, une vieille femme
apparut sur le haut de je ne sais quel clocher, tenant en ses mains deux
flacons, l'un rempli d'eau, l'autre plein rte sang : l'eau, vous disent
les commentateurs, signifiait l'inondation; le sang, c'était la
guerre. A Fourrières, ajoute un autre, on a trouvé, la nuit,
la chapelle illuminée comme aux grands jours de fête,
et la statue de la Vierge implorant, à genoux devant l'autel, la
miséricorde divine en faveur de la ville dont elle est la protectrice.
Sans doute aussi, vous aurez entendu parler
d'une Dame Blanche qui s'est montrée, la nuit, sur les hauteurs,
se promenant silencieusement près de l'un des forts qui nous
dominent. Une première fois, elle passe non loin d'une sentinelle,
elle porte une coupe remplie d'eau; au Qui vive! du soldat, elle
ne répond pas et disparaît. Bientôt elle revient, et
cette fois elle porte une torche d'où jaillit une flamme livide;
même Qui vive! même silence! Elle reparaît une
troisième fois tenant à la main un pain; toujours même
silence! Enfin elle revient une dernière fois un glaive flamboyant
à la main. En la voyant armée, le soldat redouble ses Qui
vive! et menace de faire feu. La Dame Blanche s'arrête et répond
d'une voix lugubre et solennelle :
" Quand
j'ai passé près de toi avec une coupe pleine d'eau, c'était
l'inondation et tous ses désastres; tu vois... la torche signifiait
la peste; le pain, c'est la famine, et ce glaive, c'est la guerre. Mallheur,
malheur, malheur à vous tous! "
Et elle disparut, sans qu'on ait pu savoir
qui elle était."
Dans ses Souvenirs de voyages, Xavier
Marinier s'exprime ainsi sur une autre Dame Blanche-:
"Peu de traditions anciennes sont
aussi généralement répandues que celle-ci, et se sont
aussi longtemps maintenues dans la croyance non seulement du peuple, mais
des gens éclairés. [...]. Les chroniqueurs diffèrent
opinion sur l'origine de la Dame Blanche. Les uns la font descendre de
la célèbre maison de Méran, et, selon eux, elle épousa
le comte Henri d'Orlamund; d'autres disent que son image se trouve dans
le château de Nehaus en Bohème.
Du reste, on sait que la Dame Blanche doit apparaître dans les châteaux
de Berlin, Bayreuth,
Darmstadt, Karlsruhe,
Bade, etc. Yung Stilling en parle comme d'une chose certaine dans sa Théorie
des esprits. Or, voici ce que l'on raconte dans le pays de Bade
sur la Dame Blanche :
Bertha de Rosenberg épousa, en 1449,
Jean de Lichtenstein. Ce mariage fut on ne peut plus malheureux; la comtesse
se sépara de son mari, et se retira avec la haine dans le coeur
en Bohème, où elle fit bâtir le château de Neuhaus.
L'esprit de Bertha apparaît le plus souvent pendant la nuit, quelquefois
aussi pendant le jour. Elle porte une robe blanche comme celles que l'on
portait de son temps; son visage est couvert d'un voile épais, et
éclairé par un pâle rayon. Ce qu'il doit surtout y
avoir de terrible dans son apparition, au dire de tous ceux qui l'ont vue,
c'est le regard fixe, perçant, immobile, de ses grands yeux noirs,
qu'elle arrête en silence sur l'homme à qui elle se montre.
Ce regard pénètre jusqu'au fond de l'âme et glace la
pensée d'effroi. Quiconque l'a entrevue une fois ne l'oubliera de
sa vie.
Quelquefois aussi la Dame Blanche apparaît
avec un enfant à la main. Son apparition est toujours l'indice de
la mort prochaine d'un des membres de sa famille, ou d'un grand malheur.
Souvent on l'a vue se pencher Sur le lit d'un jeune prince dans son sommeil,
et peu de jours après l'enfant était mort. Elle se montre
tantôt dans les galeries, tantôt dans la chapelle,
et quelquefois aussi dans le jardin du château."
Les Dames des chasses
fantastiques.
Il existe quelques
traditions populaires qui mettent des Dames blanche à la tête
de chasses fantastiques. Ces récits
font ainsi le lien entre le cycle féérique
et celui de la Chasse sauvage. Voici deux exemples :
La
Chasseresse de Moissey.
Le Jura n'a pas
seulement des chasseurs mâles et infatigables pour animer l'air dans
ses contrées boisées, si riches d'ailleurs de traditions
: on y fait aussi les honneurs de la chasse nocturne à une belle
Dame blanche, qui conduit la chasse à travers les nuages,
au-dessus des bois agités par ses expéditions; on entend
ses chevaux, ses lévriers, ses piqueurs et le son harmonieux de
son oliphant. Cela se passe du côté de
la longue forêt de la Serre, aux environs de Dôle.
Cette forêt
se recommande, par ailleurs, aux amateurs du merveilleux par une ancienne
résidence attribuée aux druides,
connue sous le nom de l'Ermitage de la Serre. On y voit une grotte multiple
qui a un rez-de-chaussée dont les portes et les chambres voûtées
sont taillées dans le roc. Au-dessus de cet appartement est un étage
composé également de plus d'une pièce, et où
l'on remarque surtout une paroi percée d'un oeil-de-boeuf à
l'instar de certains dolmens. A ce lieu révéré se
rattachent encore les apparitions d'une Dame blanche, et nous avons tout
lieu de croire que c'est la même Dame que la chanteuse nocturne de
la forêt, à moins qu'elle ne vienne elle-même révéler
sa véritable origine à ceux qui s'informeront d'elle, et
leur dire :
Non, je
ne suis point la Diane de ces parages, mais je
suis la druidesse de cet antique sanctuaire...
"II y a, écrit
Désiré Monnier, parmi les hommes, des esprits assez mal faits
pour se plaire à tout dénaturer : ils se sont avisés
d'ôter à la Dame de Moissey jusqu'à se jeunesse et
à ses grâces; ils en font une naine vieille, ridée,
malicieuse, marchant toute courbée sur son bâton blanc de
coudrier, comme une sorcière de l'Ancien
régime. Si le fait est vrai, c'est que
les esprits de l'air s'amusent quelquefois à se travestir pour éprouver;
la foi des mortels. Quant à la Dame aérienne qui conduit
la chasse à travers les nuages, ne la voit pas qui veut. On sait
qu'elle a une robe blanche, mais on n'en sait rien de plus..."
La
Dame de la Chasse volante.
Les Périgourdins
disaient avoir vu la Chasse volante conduite par une Dame blanche,
montée sur un cheval blanc, armée d'une pique et donnant
elle-même de la trompe. La chasse est composée de chevaux
ailés, menés par des chasseurs, et de chiens courants; les
animaux poursuivis à travers les nuages sont des cerfs,
des biches et des lièvres
: on entend très distinctement le hennissement des chevaux,
le claquement des fouets et le glapissement des chiens,
et toutes les fois que cette chasse apparaît, c'est le présage
d'un grand événement comme une révolution, une guerre
ou une peste. |
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