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L'An mil.
- Suivant une tradition répandue, l'An mil aurait marqué
une époque de crise pour toutes les nations de l'Occident, qui croyaient
voir alors se produire la fin du monde et le second avènement du
Christ (Chiliasme).
De là, aux approches de cette date, des terreurs inexprimables en
Allemagne,
en France,
en Angleterre;
de là, des donations nombreuses aux églises
et aux monastères, un redoublement
de piété, etc. L'An mille aurait marqué l'apogée
de ce mouvement général de crainte et de ferveur, qui alla
ensuite déclinant à mesure qu'on s'éloigna de la date
fatale. Si tout ce que l'on a dit à ce sujet n'est pas complètement
faux, il convient de tempérer l'importance de cet effroi supposé.
Les témoignages invoqués pour affirmer que le monde chrétien
fut, à cette époque, littéralement en proie à
une épouvante générale sont peu concluants, ou formellement
contraires à cette opinion (La
religion populaire au Moyen Âge).
Il y a eu effectivement, dès le
VIIe siècle, de nombreuses donations
ou des testaments ayant pour cause la fin prochaine du monde; des conciles
tenus à la fin du Xe siècle
ont organisé la discipline ecclésiastique comme si la Terre
devait durer longtemps encore; c'est le moment où Robert
le Pieux se laisse excommunier pour avoir épousé sa cousine
Berthe (995); les hommes se battent, tout comme
avant; enfin, rien dans les bulles pontificales, les correspondances des
souverains, des évêques et des moines, ne trahit l'inquiétude
d'une catastrophe prochaine, à moins de ranger dans ce contexte
lidée des Croisades,
qui va bientôt éclater au grand jour; et les visionnaires
qui, entre 950 et 1000, annoncent la fin du monde sont réfutés
par Abbon de Fleury, ou dépeints comme des
imposteurs, aussi bien que comme des prophètes. On ne peut certainement
pas nier qu'il ait existé un peur présente dans les esprits
à l'approche du millénaire, une peur qui justement a été
exploitée par ces "imposteurs", et l'on ne comprendrait d'ailleurs
pas pourquoi leur réfutation s'est imposée s'ils n'avaient
pas rencontré d'écho dans les populations. Mais la terreur
panique de l'An mil n'a donc été ni unanime, ni universelle.
(NLI). |
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