| Les Mille et une nuits sont un recueil de contes orientaux, publié pour la première fois en Europe par Galland, qui l'attribuait à un auteur arabe inconnu. Caussin de Perceval a enrichi de nouveaux contes l'édition qu'il en donna en 1806 : comme le style dans lequel ces contes sont écrits est vulgaire et nécessairement assez moderne, il ne leur donnait pas plus de trois ou quatre siècles d'antiquité. Langlès et Hammer ont pensé, au contraire, que les Mille et une Nuits avaient une haute antiquité, et qu'on pouvait en attribuer la première rédaction à l'Inde, ou du moins à la Perse, avant la conduite de ce pays par les Arabes. Pour enlever aux Arabes l'honneur d'avoir inventé cette espèce de cycle romanesque, on allègue un passage de l'historien arabe Masoudi, qui écrivait vers l'an 947 de J.-C.; à propos de récits relatifs à certains personnages antérieurs à Mahomet, cet historien les traite de fables, a semblables, dit-il, à celles qu'on nous a traduites des langues persane, indienne et grecque, tels que le livre intitulé les Mille contes; et on remarque, à l'appui de ce passage, que, sous les califes- Haroun er-Rachid, Amin et AI-Mamoun, la littérature arabe s'enrichit, en effet, de la traduction d'un grand nombre d'ouvrages étrangers. Silvestre de Sacy, dans un mémoire lu à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, pense que la seule conclusion à tirer légitimement de la phrase de Masoudi, c'est qu'il aura existé, sous le nom de Mille contes, un livre originairement persan ou indien, puis traduit en arabe, et duquel l'auteur des Mille et une Nuits aura tiré certains sujets et peut-être même les noms de ses personnages. Illustration d'un des contes : Le bouffon du sultan de Kashgar dans la boutique du tailleur. Les raisons qui ne lui semblent pas permettre de donner aux Mille et une Nuits une origine indienne ou persane sont les suivantes : ce recueil présente à chaque page le tableau de la religion, des coutumes, des lois, des moeurs, du luxe, de l'étiquette des cours de Bagdad ou du Caire; presque tous les acteurs des contes sont des musulmans; la scène des événements est le plus souvent sur les bords du Tigre, de l'Euphrate ou du Nil; les sciences réelles ou fantastiques dont il y est question, sont celles dont les Arabes se font honneur; les génies qui y figurent n'indiquent pas, comme on le prétend, une source indienne, mais sont ceux de la mythologie arabe, modifiés par les préjugés musulmans, et toujours tremblants au seul nom de Salomon; les religions dont il est parlé ne sont jamais autres que l'islam, le christianisme, le judaïsme et le magisme; on y parle de Moïse, de David et autres personnages inconnus à l'Inde et à la Perse avant l'introduction du mahométisme dans ces contrées; les opérations magiques se font au moyen de pratiques et d'instruments empruntés aux Juifs. Si l'auteur a introduit dans ces contes des personnages et des noms persans ou tartares, s'il a quelquefois placé la scène en Chine, dans les Indes, à Kashgar ou à Samarcande, c'est pour dépayser ses lecteurs en les transportant loin des régions qui leur sont connues, et pour se donner ainsi plus de liberté de feindre et d'inventer. Enfin, il serait étrange qu'un recueil de contes qui, à la plus brillante époque de la littérature arabe, aurait été jugé digne d'être traduit de l'indien ou du persan soit devenu, sous la forme actuelle des Mille et une Nuits, un assemblage de morceaux appartenant à diverses époques et de différents styles; que le fond primitif ne constitue plus qu'une faible partie de ce recueil, par suite de l'intercalation et de la substitution de nouvelles arabes; que les contes indiens ou persans, éliminés par les écrivains arabes, ne se retrouvent nulle part ailleurs. Silvestre de Sacy résume en ces termes ce qu'il y a de plus vraisemblable sur l'histoire du recueil des Mille et une Nuits : "Il me paraît qu'il a été écrit originairement en Syrie et dans le langage vulgaire; qu'il n'a jamais été achevé par son auteur; que, dans la suite, les copistes ont cherché à le compléter, soit en y insérant des nouvelles déjà connues, mais qui n'appartenaient pas à ce recueil, comme les Voyages de Sindbad le marin et le Livre des sept vizirs, soit en composant eux-mêmes avec plus ou moins de talent, et que de là naît la variété qu'on a observée entre les manuscrits du recueil; que telle est aussi la raison pour laquelle les manuscrits ne sont point d'accord sur le dénouement, dont il existe deux récits très différents; que les contes ajoutés l'ont été à différentes époques et peut-être en diverses contrées, mais surtout en Égypte; qu'enfin le recueil n'est pas fort ancien, comme le prouve le langage dans lequel il est écrit, et qu'on peut en reporter la composition vers le milieu du Xe siècle de l'hégire, c.-à-d. qu'il compterait environ 400 ans d'existence." La fable des Mille et une Nuits est celle d'un souverain qui croit avoir d'excellentes raisons pour faire mourir sa femme, la sultane Schéhérazade, et qui, durant trois ans, diffère, jour par jour, l'exécution de son dessein, pour avoir le plaisir d'entendre le lendemain la continuation ou la fin d'une histoire qu'elle a commencée. Le livre manque de philosophie, de but vraiment moral; il contient beaucoup de folies : mais il est fécond et varié; il amuse et intéresse; par l'emploi du merveilleux, il flatte le penchant que nous avons à nous laisser abuser, et nous rapproche de l'enfance et de l'âge des illusions. On y trouve une peinture fidèle du caractère et des moeurs des peuples orientaux; sous les yeux du lecteur se déroulent tour à tour les artifices des femmes corrompues par la servitude, l'hypocrisie des derviches, la corruption des gens de loi, la friponnerie des esclaves, etc. Les Mille et une Nuits sont la seule production littéraire de l'Orient qui soit populaire en Europe. (B.). | |