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L'humour

Le mot anglais humour exprime un genre d'esprit particulier à l'Angleterre. On l'a nommé à tort, je crois, gaieté; ce serait plutôt boutade. C'est en tous cas une gaieté spéciale qui fait songer à la phrase célèbre concernant les plaisirs anglais : 
« Ils s'amusent moult tristement à la façon de leur pays. » 
Le véritable humoriste n'est pas gai; ou il raconte lugubrement des choses plaisantes, ou il parle plaisamment de choses lugubres. 
« C'est, dit Taine, le genre de talent qui peut amuser des hommes du Nord. » 
Les populations méridionales comprennent en effet peu l'humour, de même que les Anglais pas plus que les Allemands ne saisissent que médiocrement l'esprit boulevardier, il est vrai bien lourd, de Français. William Makepeace Thackeray, maître humoriste autant par la plume que par le crayon, a traité ce sujet sous le titre les Humoristes anglais du XVIIIe siècle, mais il a singulièrement mélangé les noms, et l'on ne s'explique pas, par exemple, Pope et Sterne dans la même catégorie. 
« L'humoriste, dit-il, ne fait pas seulement ressortir le ridicule des choses, mais fait directement appel à la pitié, à la tendresse, au mépris de l'imposture, à notre compassion pour les souffrants, les pauvres. C'est en quelque sorte un prédicateur laïque. » 
Thackeray va bien loin; l'humoriste en général se moque de faire des prêches; il est ironique, non dans le but de moraliser mais parce que les sottises et les préjugés l'agacent. C'est un gai sinistre, un cynique parfois, faisant une plaisanterie sur une catastrophe, sur un cercueil. Il y a l'humoriste, non seulement par la parole, la plume, mais par les actes. Sa gaieté est froide et flegmatique.

Avec Thackeray, les humoristes sont Sterne, Swift, Steele, Charles Lamb, Butler, Charles Dickens. En France, grâce à la lecture de la littérature anglaise presque ignorée au XVIIIe siècle, l'humour est entré quelque peu dans la littérature française. Certains de écrivains français font preuve d'humour, mais en petites parcelles, dix lignes çà et là, dix pages au plus. Il ne s'en trouve aucun qui comme Thackeray dans le Livre des Snobs soutiendrait l'humour de la première à la dernière page pendant tout un volume. De même, le conseil donné aux Anglais par Swift de manger aux choux-fleurs les petits Irlandais ne paraîtrait en France qu'une plaisanterie tudesque; elle fit cependant plus d'effet pour l'adoucissement du sort de l'Irlande que toutes les déclamations de la tribune et de la presse. (Hector France).

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