| Thackeray (William Makepeace), écrivain né à Calcutta le 18 juillet 1811, mort à Londres le 24 décembre 1863. Fils d'un secrétaire au bureau des revenus à Calcutta, d'une famille qui a fourni plusieurs administrateurs à la compagnie des Indes, il fut envoyé en Angleterre dès l'âge de six ans et y fut élevé par les soins de sa tante; il acheva ses études à Cambridge, plus occupé d'ailleurs à former des clubs ou à mettre en train des journaux satiriques qu'à accumuler des connaissances qu'il jugeait inutiles. Son père lui avait laissé une certaine fortune. Il se mit à voyager, parcourut l'Allemagne en 1830, s'arrêtait surtout à Weimar, vint à Paris en 1833 et décida de s'y fixer en 1834, pour apprendre la peinture. Il fréquenta l'atelier de Gros; mais bien qu'il eût un goût marqué pour la caricature, il ne réussit jamais à dessiner correctement. En 1836, il publiait son premier ouvrage, Flore et Zéphyr (Paris et Londres, in-fol.), recueil de huit dessins avec texte satirique; la même année, il devenait correspondant parisien d'un journal ultralibéral The Constitutional et il épousait le 20 août Elisabeth Shawe. Son mariage lui créait de nouveaux devoirs et de nouvelles charges et, comme il avait perdu presque tout ce qu'il possédait en spéculations hasardeuses, il revint à Londres et se mit à travailler énergiquement pour les libraires et pour les journaux. Le Punch surtout s'accommodait de ses compositions satiriques. Trois filles lui étaient nées; sa femme, d'une santé délicate, était tombée dans une sorte de langueur morbide d'où rien ne la pouvait tirer, et il fallut la mettre dans une maison de santé. Ce coup frappa profondément William Thackeray qui chérissait sa femme. Son penchant pour la satire en fut accru et ses traits les plus plaisants devinrent amers. Il chercha l'oubli de son bonheur brisé dans un surcroît de travail, dans un voyage en Orient, dans les raffinements de tendresse dont il entourait ses fillettes. Il n'oublia jamais. Il se mit à poursuivre le snobisme et les snobs avec une ardeur et une ténacité particulières, comme s'il se fût complu à mettre en relief les moindres ridicules d'une société qu'il exécrait, parce que, malgré toutes ses imperfections, ses vices, ses petitesses, elle semblait jouir du bonheur qui le fuyait. Ses Snob Papers le rendirent tout à fait célèbre. La Foire aux vanités (Vanity fair,1847-48), son chef-d'oeuvre, n'ajouta rien à sa renommée. Ce « roman sans héros-», comme disait l'auteur, est conçu dans le même esprit d'amertume et de dénigrement : c'est bien le plus merveilleux étalage qui soit de toutes les vanités humaines, de tous les mensonges qui se cachent sous des apparences flatteuses, de tous les odieux manèges auxquels aboutit la poursuite de la considération que donne la richesse, de toutes les palinodies, de toutes les faussetés qui se commettent pour «- tenir un rang dans le monde », en résumé de toutes les ignominies que voilent les conventions sociales. « Tous ces gens - dit Raoul Frary, en parlant des personnages qui s'agitent dans ce roman - sont menés uniquement par l'orgueil et la cupidité; tous ne pensent qu'à avoir le plus d'argent possible, soit pour le plaisir d'amasser, soit pour faire figure; tous sont bas, arrogants, menteurs, chasseurs de dots, chasseurs d'héritages, ils s'agitent autour des millions comme des chiens autour d'un os, mordant, rampant ou faisant ripaille. » Cette oeuvre eut grand succès, on y ajouta cette malice de reconnaître sous les déguisements des personnages des contemporains connus. Par exemple Charlotte Brontë passa pour avoir fourni les traits de Becky, la principale héroïne, ce qui était d'ailleurs absurde. Cependant Thackeray, ayant été gravement malade en 1849, songea plus que jamais à l'avenir de ses enfants, et comme il trouvait que ses oeuvres ne lui avaient pas assez rapporté, il donna une série de conférences sur les humoristes anglais : elles eurent tant de succès qu'il entreprit une tournée en Amérique où il fut accueilli avec enthousiasme (1852-53). Il y retourna en 1855, En 1857, il se présenta, sans succès, à Oxford à une élection pour la Chambre des communes. Il était pourtant l'un des littérateurs les plus en vue de l'époque et il rivalisait de popularité avec Dickens. Les deux grands romanciers avaient été amis; mais ils finirent par se brouiller lorsque chacun d'eux eut un parti qui s'évertuait à prouver leur supériorité respective. Thackeray devint en 1860 rédacteur en chef du Cornhill Magazine. Il se surmenait et sa santé, déjà compromise, s'en ressentit : il était arrivé tout de même à son but, la fortune, et il put se faire construire une belle maison à Kensington, en 1861. Il n'en jouit pas longtemps : une congestion au cerveau l'enleva deux ans après. On lui fit des funérailles imposantes, et un buste, acheté par souscription publique, fut placé à Westminster. - William Thackeray. De ses trois filles, l'une était morte en bas âge; les deux autres épousèrent, l'une Richmond Ritchie, l'autre Leslie Stephen. L'euvre de William Thackeray ne s'est pas universellement imposée, même en Angleterre. Elle y est excessivement admirée, ou dénigrée sans mesure. En fait, Thackeray est bien l'écrivain anglais le plus original de la première moitié du XIXe siècle. Son humour est du meilleur aloi, il a du génie dans l'ironie, il saisit à merveille le ridicule et le grotesque; surtout il burine ses personnages avec une vigueur et une netteté d'aquafortiste. Ses contemporains lui ont reproché de ne savoir pas composer ses romans, c.-à-d. de ne pas savoir commencer, suivre et dénouer une intrigue; de donner une série de biographies, très poussées à vrai dire, mais sans lien entre elles et fantastiquement enchevêtrées. On serait plutôt tenté de dire aujourd'hui que William Thackeray a été l'un des premiers écrivains à essayer de faire sortir le roman de son cadre classique. De plus, comme il sait à merveille communiquer la vie à ses personnages, il n'a nul besoin de suivre les procédés traditionnels pour nous intéresser et nous émouvoir. (R. S.).
| En bibliothèque - Citons encore parmi les écrits de William Thackeray : The Paris Sketchbook (1840, 2 vol. in-12); Essay on the genius of George Cruikshank (1840); Comic tales and Sketches (1841, 2 vol. in-8); The second funeral Napoléon (1841, in-16); The Irish Sketchbook (1843, 2 vol. in-12); Notes of a Journey front Cornhill to Cairo (1846, in-12); Mrs Perkins Ball (1847, in-4); The Book of Snobs (1848, in-8); Our Street (1848, in-4); The History of Pendennis (184950, 2 vol- in-8) : c'est une sorte d'autobiographie fort curieuse; Dr. Birch and his young Friends (1849, in-16); The History of Samuel Titmarsh and the Great Hoggarty Diamond (1849, in-8); Rebecca and Rowena (1850, in-8); The Kiekleburys on the Rhine (1850, in-4); The History of Henry Esmond (1852, 3 vol. in-8); The english humorists of the XVIIIth century (1853, in-8); The Newcomes (1854-55, 2 vol. in-8); The Rose and the Ring (1855, in-8); Miscellanies in Prose and Verse (1855, in-8); The Virginians (185859, 2 vol. in-8); Lovel the Widower (1861, in-8); The Four Georges (1861, in-8); The Adventures of Philip on his way through the World (1862, 3 vol. in-8); Roundabout Papers (1863, in-8); Denis Duval (1867, in-8); The Orphan of Pimlico (1876, in-4); Etchings (1878); A collection of Letters (1887, in-8); Sultan Stork (1887, in-8); Loose Sketches (1894,.in-8). Un grand nombre de ces ouvrages ont paru sous le pseudonyme de Titmarsh. | | |