| Crosse ou Bâton pastoral, insigne de la dignité épiscopale et abbatiale. Dans les premiers temps de l'Église, ce ne fut qu'un simple bâton, une canne terminée par une tête de béquille qui lui donnait la forme du thau ou de la croix; de là vint le nom italien croce, dont on a fait crosse. On l'appela encore pedum, parce qu'elle ressemblait à la houlette du berger; ferula, de fério, je frappe, parce que c'est avec la férule que le maître gouvernait ses élèves; ou bien cambuta, camboca, terme irlandais qui, suivant le cardinal Bona, signifie bâton recourbé. Les évêques ne tiennent la crosse en main que dans les processions ou lorsqu'ils donnent la bénédiction pontificale; on la porte devant eux dans toute autre cérémonie : la volute doit être tournée en dehors, pour indiquer que leur pouvoir s'étend sur tous les fidèles; les abbés et les abbesses devaient voiler la crosse et la porter tournée en dedans, pour indiquer que leur juridiction était limitée à l'intérieur de leur monastère. La crosse n'est pas, pour les abbés, un droit ordinaire, comme pour les évêques, mais une concession du Saint-siège. Les papes n'ont pas de crosse, parce que, suivant Innocent lll, Saint Pierre envoya son bâton pastoral à Euchaire, premier évêque de Trêves, et que l'on conserva dans cette ville cette relique. Les crosses anciennes ont varié suivant la richesse de l'abbé ou de l'évêque. Ainsi, pendant que dans quelques tombes on en retrouvait dont le baton était en cuivre doré et émaillé, ou en bois enrichi d'ornements, et la volute en cuivre ou en ivoire ciselé, sculpté, émaillé et doré, on découvrait, dans l'abbaye d'Afflighem, la tombe où reposait Saint Bernard portant à la main une simple crosse de bois à tête recourbée. Vers le XIIe siècle, les crosses s'allongèrent; les volutes et les noeuds qui les reliaient à la tige s'enrichirent de fines sculptures et de pierreries : on y représentait le plus souvent l'Annonciation, le couronnement de la Vierge, l'Agneau de l'Apocalypse, la tentation d'Ève, ou l'archange Saint Michel terrassant un dragon. Avec l'époque gothique, la forme architecturale domina, et l'en vit les volutes fleuronnées portées sur des soubassements représentant des édifices complets, des tours ornées de créneaux et de clochetons; on plaça des reliques dans cette base à jour, qui devint même un précieux reliquaire pour recevoir la sainte hostie, comme on le voit dans les crosses figurées sur les vitraux de la cathédrale de Tournai. Aux XVe et XVIe siècles, les crosses ont pris leur entier développement; mais, depuis ce temps, elles n'ont fait que diminuer de valeur et d'importance. C'est depuis le XVIIe siècle que leur crochet a pris la forme cambrée qu'on lui donne encore aujourd'hui. Elles sont bien encore d'un beau dessin, et ordinairement en vermeil; mais elles n'approchent pas de la magnificence de celles du Moyen âge. (E.L). | |