| Karl Sigismond Kunth est un botaniste né le 14 juin 1788, à Leipzig, où son père était professeur de langue anglaise. Dès son enfance, il montra un penchant très vif vers l'étude des sciences naturelles. En 1806, après la mort de son père, il vint habiter Berlin, où un de ses oncles lui procura une petite place administrative et le mit en relation avec Alexandre de Humboldt, dont il devint plus tard le collaborateur pour la publication des vastes collections botaniques recueillies pendant ses voyages en Amérique. En effet, dès son arrivée à Berlin, Kunth consacrait tous les moments dont Il pouvait disposer à étudier dans le jardin de botanique de cette ville et à suivre les leçons de Willdenow, dont il devint un des élèves les plus zélés. Ses recherches sur les plantes des environs de cette ville le conduisirent à publier, en 1813, une flore des environs de Berlin (Flora Berolisensis, tomus 1; enumeration vegetabilium phanerogamum circa Berolinum cresceatiam). Cet ouvrage, distribué suivant le système linnéen, indique quelle avait été jusqu'alors la direction des études de Kunth, qui n'avait encore que vingt-cinq ans. Alexandre de Humboldt voulant publier l'ensemble des végétaux qu'il avait réunis pendant ses longs voyages avec Bonpland dans l'Amérique équatoriale, et dont il n'avait fait connaître qu'un choix dans les deux volumes publiés par les deux voyageurs, sous le titre de Plantes équinoxiales, résolut de charger Kunth de cette longue entreprise, qui devait comprendre l'étude approfondie et la description de quatre mille cinq cent dix-sept espèces, et qui forma plus tard sept volumes in-4°, accompagnés de sept cents planches; c'était une difficile entreprise pour un jeune botaniste connaissant mieux, à cette époque, les plantes de l'Allemagne que celles de l'Amérique, et plus habitué au système artificiel de Linné, qui régnait alors sans contestation en Allemagne, qu'à la méthode naturelle, à peine répandue hors de France à cette époque. Cependant, c'était suivant cette méthode qu'Alexandre de Humboldt, pour lequel la géographie botanique était une des grandes branches de l'histoire de notre globe, et qui venait d'en inaugurer l'étude, voulait que sa flore de l'Amérique équinoxiale fut rédigée. Presque toutes ces plantes étaient alors inconnues des botanistes; sur quatre mille cinq cents espèces, il n'y en avait pas, en effet, mille qui fussent déjà décrites, près de trois mille six cents se trouvaient inconnues et nouvelles. Kunth entreprit ce grand travail avec une ardeur qui ne s'est jamais ralentie; entouré des conseils des botanistes les plus célèbres de la France, Ant-Laur. de Jussieu, Desfontaines, L.-C. Richard, il aborda cette étude sans hésiter, et la poursuivit avec une persévérance bien rare pendant douze années. L.C. Richard, dont il devint l'ami et l'élève particulier, donna à ses travaux cette précision et cette profondeur dont il avait lui-même donné tant de preuves; il l'habitua surtout à rendre par le dessin ce qu'il voyait dans la nature, et les analyses des fleurs et des fruits dessinées par Kunth lui-même et ajoutées aux planches de Turpin, sont une des choses qui donnent le plus de prix aux Nova genera et species plantarum quas in peregrinatione ad plagas aequinoctatem orbis novi collegerunt A. Bonpland et A. de Humboldt, 1815- 1825 (7 vol. in-4°), titre sous lequel parut ce vaste ouvrage, le plus considérable qui ait été publié au XIXe siècle par un seul homme, et qui fut mené en peu d'années à son terme en gagnant en perfection à chaque volume. Il suffit, en effet, de comparer le premier volume publié en 1815, et les derniers, publiés de 1820 à 1825, pour voir que l'étendue des connaissances de l'auteur saccroissait rapidement d'années en années; qu'après avoir suivi d'abord la route tracée et les guides qui le dirigeaient , il s'était fait ensuite sa propre voie et avait su perfectionner lev travaux des autres. Ses études sur les malvacées, les bixinées, les térébinthacées, dont il a fait l'objet de dissertations spéciales, en sont la preuve; car dans ces travaux il sortait du cadre plus restreint que lui avait circonscrit l'étude des plantes américaines, pour embrasser dans leur ensemble certains groupes naturels encore mal connus et dont les recherches de Kunth ont fixé l'étendue et les divisions. Un abrégé de son grand ouvrage sur les plantes de l'Amérique équinoxiale (Synopsis plantarum quas in itinere ad plagam aequinoctiatem collegerunt Al. de Humboldt et Am. Bonpland. Paris, 1833-35, 4 vol- in-8°), la continuation d'un bel ouvrage spécial sur les plantes de la famille des mélastomées, commencé par Bonpland, un ouvrage semblable sur les mimoses et autres plantes légumineuses, et divers mémoires spéciaux, publiés dans les recueils scientifiques, complètent l'ensemble des travaux qui occupèrent Kunth à Paris, de 1813 à 1829. II fallait toute la régularité de sa vie pour terminer en quinze années des ouvrages aussi étendus et qui exigeaient tant d'études; mais ceux qui l'ont connu savent que sa tache de chaque jour était fixée; qu'avant de sortir de chez lui il devait avoir complété l'examen et la description d'un certain nombre de plantes; le reste de la matinée était consacré à des comparaisons dans les divers herbiers de Paris, ou à des recherches dans les bibliothèques, à l'examen des collections rapportée par des voyageurs, qui s'empressaient d'enrichir son herbier d'échantillons précieux. Le dimanche était employé, soit à accompagner de Jussieu ou Richard dans leurs herborisations, soit à des courses particulières de botanique avec quelques amis. En 1829, Kunth fut rappelé à Berlin pour y occuper une chaire de botanique et diriger en commun avec Link le jardin de botanique. Il y compléta ses rechercha spéciales sur les graminées, famille qui, traitée au début de la publication des Nova genera, lui paraissait exiger de nouvelles études; mais ce nouveau travail, qui sous le titre de : Révision des graminées publiées dans les Nova genera. etc., Paris, 1829-35, 4 vol. in-fol. avec 440 planches, comprend beaucoup de plantes étrangères aux collections de Humboldt et de Bonpland, et même à l'Amérique, fut cependant publié à Paris comme un complément des grandes publications auxquelles ce voyage avait donné lieu : il embrasse la famille entière des graminées, et dans sa première partie il comprend les caractères de tous les genres avec l'énumération des espèces qu'ils renferment. L'enseignement dont il était chargé à Berlin le conduisit à publier divers ouvrages élémentaires destinés aux élèves, mais dans lesquels on retrouve le profond savoir de Kunth, surtout en ce qui concerne l'organographie et l'étude de la méthode naturelle; ce sont: 1° Manuel de botanique (Handbuch der Botanik, 1831, 1 vol. in-8°); 4° Instruction sur les plantes officinales, 1831, 1 vol. in-8°); 3° Cours de botanique (Lehrbuch der Botanik, 1847, 1 vol. in-8°); 4° Flora Berolinensis, 1838, 2 vol. in-8°. Ce dernier ouvrage, qui ne semblerait qu'une nouvelle édition du Flora Berolinensis publié par Kunth dans sa jeunesse, est un ouvrage tout nouveau, disposé suivant la méthode naturelle, avec les caractères des genres et des espèces rédigés avec soin par l'auteur. Mais le travail le plus considérable entrepris par Kunth, peu d'années après son retour à Berlin, est une énumération générale des plantes connues, ouvrage qui a été interrompu, après le cinquième volume, par la mort de l'auteur. Distribué suivant les familles naturelles, comme le Prodromus regni vegetabilis de Decandolle, mais commencé dans un ordre inverse par les monocotylédones, l'Enumeratio plantarum de Kunth eût pu, au bout de quelques années, se rattacher au Prodromus, et compléter ainsi le catalogue le plus étendu qu'on eût possédé jusqu'à ce jour de l'ensemble du règne végétal. Les cinq volumes publiés renferment environ les deux tiers des monocotyIédones, et sont le résultat d'un travail considérable; pendant sa rédaction, Kunth avait été conduit à étudier plus spécialement certaines questions qui se rattachaient à l'examen des familles qui y sont comprises, et en avait fait le sujet de dissertations qui ont été publiées dans In mémoires de l'Académie de Berlin, ou dans divers journaux scientifiques. On pourrait enfin citer encore des notices assez variées sur divers points de la botanique, publiées à la même époque, et ses annotations sur les plantes nouvelles du jardin de Berlin. Kunth s'était marié peu de temps avant de quitter Paris, mais il n'eut jamais d'enfants. Un travail peut-être trop persévérant et trop régulier avait affecté sa santé : à dater de 1815, ses forces physiques et intellectuelles allèrent chaque jour en s'affaiblissant, et le quatrième volume de son Enumeratio, qui parut en 1844, est presque le dernier de ses travaux publiés de son vivant. Accablé par une mélancolie sans causes, son esprit affaibli fut encore ébranlé, dit-on, par les agitations dont son pays était alors le siège, et il succomba le 22 mars 1850. Les collections considérables qu'il avait réunies, tant pendant son séjour en France que depuis son retour en Allemagne, ont été achetées, après sa mort, par le gouvernement prussien, et font partie de l'herbier royal de Berlin. (A. B). | |