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Gisèle
Halimi
(Zeiza Gisèle Élise Taïeb) est une avocate et militante française
née le 27 juillet 1927 à La Goulette, en Tunisie, et morte le 28 juillet
2020 à Paris. Elle s'est illustrée par engagement en faveur des droits
des femmes et des droits humains en général. Son parcours témoigne d'une
vie dédiée à la justice et à l'égalité, faisant d'elle une icône
du féminisme moderne.
Dès son plus jeune
âge, elle ressent une révolte contre les injustices de genre qu'elle
observe, notamment au sein de sa propre famille, oĂą elle se rebelle contre
les attentes imposées aux filles. À l'âge de 10 ans, elle refuse de
servir son père et ses frères à table, un acte qui inaugure son engagement
pour remettre en question les inégalités entre hommes et femmes.
Après des études
brillantes Ă Tunis, elle part en 1946 Ă©tudier
à Paris, où elle s'inscrit à la faculté de droit et de philosophie
à la Sorbonne. Elle devient avocate en 1948 à l'âge de 21 ans. Dès
le début de sa carrière, Gisèle Halimi s'engage dans la défense des
causes justes, en particulier celle de l'indépendance des pays colonisés.
Elle se distingue particulièrement pendant la guerre d'Algérie
(1954-1962), où elle prend la défense des indépendantistes algériens,
notamment dans le cadre de procès très médiatisés. En 1959, elle défend
Djamila Boupacha, une militante du Front de libération nationale (FLN),
torturée et violée par des soldats français. Le procès de Boupacha
devient emblématique des abus commis par la France
durant cette guerre et suscite une prise de conscience internationale.
Ce combat renforce l'image de Gisèle Halimi comme une avocate des droits
humains et de la lutte contre le colonialisme.
Le féminisme devient
une cause centrale dans la vie de Gisèle Halimi. Elle s'engage très tôt
pour l'Ă©mancipation des femmes et la lutte contre les violences faites
aux femmes. En 1971, elle devient l'une des signataires du célèbre Manifeste
des 343, un texte rédigé par des femmes déclarant publiquement avoir
avorté à une époque où l'avortement était encore illégal en France.
Ce manifeste, publié par le magazine Le Nouvel Observateur, vise
à décriminaliser l'avortement et à en faire un droit fondamental pour
les femmes.
En 1972, elle défend
avec succès une jeune femme, Marie-Claire Chevalier, jugée pour avoir
avorté après avoir été violée. Ce procès, connu sous le nom de procès
de Bobigny, devient un moment clé dans la lutte pour la légalisation
de l'avortement en France.
Le
procès de Bobigny
a eu lieu en 1972 et a marqué un tournant dans l'évolution des droits
des femmes. Au-delà de l'affaire judiciaire, il a permis d'accélérer
le débat public sur l'avortement et a finalement conduit à l'adoption
de la loi Veil en 1975, qui a légalisé l'avortement. Dans les années
1960-1970, l'avortement était illégal en France, passible de lourdes
peines de prison pour les femmes et les personnes les ayant aidées. Le
droit à la contraception, bien que reconnu en 1967 grâce à la loi Neuwirth,
était encore mal accepté par une partie de la société. Les femmes qui
ne pouvaient pas se permettre d'élever un enfant non désiré ou qui
étaient tombées enceintes après un viol n'avaient pas d'autre choix
que de recourir Ă des avortements clandestins, souvent dans des conditions
dangereuses, au péril de leur vie.
Le procès de Bobigny
concerne Marie-Claire Chevalier, une jeune fille de 16 ans qui, en 1972,
tombe enceinte après avoir été violée. Ne voulant pas garder l'enfant,
elle se fait avorter clandestinement avec l'aide de sa mère. À cette
époque, la mère de Marie-Claire, Michèle Chevalier, ne trouve pas d'autre
solution pour sa fille que de recourir Ă une avorteuse. L'affaire commence
quand la jeune fille, alors lycéenne, est dénoncée par son violeur,
ce qui conduit Ă l'ouverture d'une enquĂŞte. En raison de la loi en
vigueur, Marie-Claire est arrêtée, et sa mère ainsi que l'avorteuse
sont Ă©galement poursuivies.
Gisèle Halimi voit
dans cette affaire l'opportunité de faire avancer le débat sur l'avortement
en France et d'exposer les injustices sociales qui en découlent. Elle
prend en charge la défense de Marie-Claire Chevalier. Elle veut montrer
que la criminalisation de l'avortement frappe principalement les femmes
pauvres, qui ne peuvent se permettre de voyager Ă l'Ă©tranger pour obtenir
un avortement sûr, contrairement aux femmes plus aisées. Le procès de
Bobigny devient ainsi une tribune politique pour dénoncer la loi répressive
de l'époque. Gisèle Halimi fait valoir que Marie-Claire n'avait aucune
autre option que de se faire avorter, après avoir été violée et ne
souhaitant pas poursuivre sa grossesse. Elle insiste sur le fait que ce
procès est celui de l'hypocrisie d'une société qui, d'une part, condamne
l'avortement tout en poussant les femmes les plus vulnérables à des avortements
clandestins dangereux.
Le procès se tient
le 8 novembre 1972 au tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Marie-Claire
Chevalier est finalement acquittée, tandis que sa mère et les autres
accusées reçoivent des peines légères, essentiellement avec sursis.
Ce verdict est perçu comme une victoire symbolique pour le camp féministe
et pour toutes celles qui militaient pour le droit Ă l'avortement. Le
procès de Bobigny a eu un impact considérable sur l'opinion publique
en France. L'affaire a été largement médiatisée et a permis de mettre
en lumière la situation des milliers de femmes qui subissaient les conséquences
de la répression de l'avortement.
Grâce à ce procès,
Gisèle Halimi et d'autres militantes féministes ont pu rallier un large
soutien à leur cause et créer une pression politique en faveur d'une
réforme. Cet événement a également montré que la législation sur
l'avortement ne correspondait plus à l'évolution des mentalités dans
la société. En 1973, peu après le procès de Bobigny, des manifestations
importantes ont eu lieu en faveur de la dépénalisation de l'avortement,
et plusieurs associations féministes ont intensifié leur campagne. Finalement,
ce combat aboutit en 1975 avec l'adoption de la loi Veil, portée par Simone
Veil, alors ministre de la Santé. Cette loi autorise l'interruption
volontaire de grossesse (IVG) sous certaines conditions, notamment jusqu’Ă
dix semaines de grossesse, ce qui marque une avancée majeure pour les
droits des femmes en France.
En 1971, Gisèle Halimi
cofonde l'association féministe Choisir la cause des femmes avec Simone
de Beauvoir. Cette association se bat pour la dépénalisation de l'avortement
et milite pour une meilleure représentation des droits des femmes dans
les lois françaises. Mais Halimi ne se contente pas de ses engagements
dans le domaine juridique et féministe, elle s'engage également en
politique. En 1981, elle est élue députée à l'Assemblée nationale
sous l'Ă©tiquette du Parti socialiste. Elle devient Ă©galement ambassadrice
de la France à l'Unesco et s'engage dans plusieurs missions liées aux
droits humains. Elle continue aussi à militer pour l'égalité des sexes,
notamment en poussant pour des réformes sur la reconnaissance du viol
comme un crime grave, la parité en politique et la reconnaissance des
droits des femmes en matière de travail et de santé.
Gisèle Halimi a
également publié plusieurs ouvrages où elle exprime ses idées et ses
réflexions sur la condition des femmes et la justice sociale. Ses écrits
lui ont permis de toucher un public plus large et d'affirmer son
rĂ´le de penseuse influente. Parmi ses principaux ouvrages, on remarque
:
• Le
Lait de l'oranger (1988) est une autobiographie où Gisèle Halimi
raconte son enfance en Tunisie, sa révolte contre l'injustice et son parcours
personnel qui l'a menée à devenir l'une des grandes figures du féminisme
et des droits humains. Ce livre est un récit personnel, intime et touchant
sur son enfance dans une famille juive modeste, oĂą elle a rapidement ressenti
les inégalités entre hommes et femmes. Elle aborde son désir de liberté
dès le plus jeune âge et sa quête de justice, notamment dans un contexte
où les droits des femmes étaient quasi inexistants. Elle y décrit aussi
l'influence de ses origines, ainsi que sa lutte pour les causes qui lui
étaient chères, telles que l'émancipation des femmes et l'indépendance
des pays colonisés.
• La
Cause des femmes, publié en 1972, est un plaidoyer passionné pour
l'égalité des sexes et aussi un appel puissant à l'action et à la réflexion.
L'ouvrage s'appuie sur des expériences personnelles et des cas judiciaires
que Gisèle Halimi a défendus en tant qu'avocate. Elle évoque la question
de l'avortement, les violences conjugales, et l'égalité salariale, tout
en critiquant le patriarcat et les lois qui renforcent l'oppression des
femmes. Elle appelle Ă une prise de conscience collective et Ă une mobilisation
politique, soulignant que le changement nécessite une action concrète
et une solidarité entre femmes. L'ouvrage propose aussi une réflexion
sur la sexualité et le corps féminin, plaidant pour l'autonomie des femmes
sur ces sujets. L'autrice insiste sur l'importance de la sororité, soulignant
que les luttes individuelles doivent se transformer en luttes collectives
pour être vraiment efficaces. Publié à une époque charnière pour le
mouvement féministe en France, cet ouvrage fait écho aux grands combats
des années 1970 pour les droits des femmes, tels que la légalisation
de l'avortement et la lutte pour l'égalité entre les sexes. Halimi
utilise un langage qui appelle à l'empathie et à la compréhension, cherchant
Ă mobiliser non seulement les femmes, mais aussi les hommes en faveur
de la cause féministe.
• Ne vous résignez
jamais (2009) est un recueil de réflexions dans lequel Gisèle Halimi
revient sur ses engagements et ses combats pour les droits humains, les
droits des femmes et la justice sociale. Elle y exprime sa conviction profonde
que la résignation face à l'injustice est inacceptable et invite à poursuivre
le combat pour un monde plus égalitaire. Elle aborde des sujets variés,
notamment le féminisme, les luttes anticoloniales, la justice, et le droit.
Elle revient sur des affaires célèbres qu'elle a défendues, tout en
partageant des anecdotes et des moments clés de sa carrière. À travers
ces réflexions, elle cherche à inspirer les nouvelles générations de
militants, en soulignant l'importance de la persévérance et de la résistance.
Gisèle Halimi est décédée
le 28 juillet 2020, à l'âge de 93 ans. En 2021, une demande a été
faite pour que Gisèle Halimi entre au Panthéon, un honneur réservé
aux figures françaises les plus emblématiques, bien que cette proposition
n'ait pas encore été officiellement concrétisée. |
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